Ce sera le premier procès en France d’une grande banque pour une fraude fiscale d’une telle ampleur: après cinq ans d’instruction, le groupe suisse UBS, poids lourd mondial de la gestion de fortune, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel.
Dans leur ordonnance, signée le 17 mars, les magistrats ordonnent que la maison mère UBS AG soit jugée pour « démarchage bancaire illégal » ainsi que « blanchiment aggravé de fraude fiscale » et sa filiale française pour « complicité ».
Les magistrats ont aussi ordonné un procès pour cinq hauts responsables de la banque en France et en Suisse, dont Raoul Weil, ex-numéro trois d’UBS AG. Une procédure de plaider coupable a été mise en place pour l’ancien numéro 2 d’UBS France, Patrick de Fayet.
UBS a aussitôt et une nouvelle fois contesté « les allégations et les qualifications retenues ». La banque aura « la possibilité de répondre devant un tribunal aux accusations qui sont portées contre elle (…) et espère pouvoir bénéficier d’un procès équitable », a dit un porte-parole.
« Il n’y a pas de surprise particulière », a commenté l’un des avocats de la banque, Denis Chemla: « ce qui nous est reproché n’est pas fondé ».
UBS a opéré « un blanchiment systématique de fraude fiscale », avait estimé le parquet national financier (PNF) dans ses réquisitions prises en juin 2016, évaluant au minimum « le montant des sommes fraudées à 9,76 milliards d’euros ».
L’amende encourue par la banque lors du procès peut se monter « jusqu’à la moitié de la valeur ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment », d’après le code pénal.
UBS est soupçonnée d’avoir, entre 2004 et 2012, mis en place un vaste système de fraude fiscale en France en démarchant illégalement une riche clientèle, repérée grâce à ses chargés d’affaires lors de réceptions, de parties de chasse ou de rencontres sportives, pour la convaincre d’ouvrir des comptes non déclarés en Suisse.
Non seulement UBS AG aurait aidé ces personnes à échapper au fisc français, mais elle aurait effectué un démarchage illégal car elle ne disposait pas de licence pour opérer en France.
Pour masquer les mouvements de capitaux illicites entre les deux pays, la banque est aussi accusée d’avoir mis en place une double comptabilité. Un système dénoncé à la justice par d’anciens salariés.
Poursuivie depuis 2013 pour démarchage illicite, UBS AG avait été mise en examen (inculpée) en juillet 2014 pour blanchiment aggravé de fraude fiscale, après l’échec de négociations sur une possible procédure de plaider-coupable.
Les juges d’instruction, Guillaume Daïeff et Serge Tournaire, avaient assorti cette mise en examen d’une caution record de 1,1 milliard d’euros, que la banque a contestée en vain, devant la cour d’appel de Paris puis devant la Cour de cassation.
Il y a quelques mois, la banque avait entamé des négociations informelles avec le parquet pour étudier la possibilité de mettre en place une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Cette nouvelle procédure permet à une entreprise poursuivie pour corruption et/ou blanchiment de fraude fiscale de négocier une amende, sans aller en procès ni plaider-coupable.
« Ces négociations ont échoué car le parquet et la banque n’ont notamment pas réussi à s’accorder sur le montant des sommes », d’après une source proche du dossier.
UBS est, au même titre que d’autres banques mondiales comme la britannique HSBC, dans le viseur de la justice depuis plusieurs années.
Accusée notamment d’avoir permis à 20.000 riches clients américains de se soustraire au fisc en dissimulant quelque 20 milliards de dollars, elle avait échappé aux poursuites aux Etats-Unis en acquittant en 2009 une amende colossale de 780 millions de dollars.
Le Quotidien / AFP