Le fondateur du groupe Cenaro est accusé dans une affaire d’abus de biens sociaux. Il se serait offert une montre d’exception avec les actifs de la société qu’il dirigeait.
Christophe Chevallier a acquis la même montre de luxe que l’ancien champion du monde de football français et joueur d’Arsenal. Une édition limitée à 41 exemplaires de la Rolex Milgauss Oyster pour 14 200 livres sterling (NDLR : 17 000 euros). Jusque-là, rien d’anormal. Sauf que la justice luxembourgeoise reproche à l’homme d’affaires une banqueroute frauduleuse ou un abus de bien social. La montre aurait été achetée en novembre 2018 avec les fonds de sa holding Saint Louis Capital aujourd’hui en faillite, qui contrôlait 65 % du capital du groupe Cenaro.
La faillite du groupe en janvier 2023 avait été retentissante. Christophe Chevallier avait été arrêté et placé en détention préventive à la suite de l’ouverture d’une enquête pour abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux, blanchiment, abus de biens sociaux et banqueroute frauduleuse, début 2023. Cenaro a vendu sur plan des centaines de logements et récolté des centaines de millions d’euros auprès d’investisseurs, alors même que les chantiers étaient à l’arrêt et les caisses du groupe vides, entraînant, de facto, sa faillite.
Le groupe lançait des obligations auprès d’investisseurs, puis vendait des résidences sur plan pour financer le remboursement des emprunts à haut rendement, selon nos collègues de Reporter.lu. Un système à la Ponzi appliqué à l’immobilier qui aurait permis au prévenu et à ses associés de vivre grand train. C’est dans ce contexte que le fondateur du groupe Cenaro a comparu vendredi matin face à la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Un investissement pour la société
«Je pensais faire un bon investissement pour ma société», a expliqué Christophe Chevallier, assurant ne pas avoir pensé à mal au moment de l’achat. Par mesure de sécurité, il conservait la montre à son domicile où elle a été découverte par les policiers lors d’une perquisition dans le cadre de l’enquête autour de l’affaire Cenaro. Le parquet reproche notamment à Christophe Chevallier d’avoir détourné une partie des actifs de la société à son détriment pour s’offrir la montre qu’il aurait portée à deux reprises, selon la représentante du ministère public.
«L’objet social de la société Saint Louis Capital était la prise de participation dans l’immobilier. En aucun cas, les investissements dans des produits de luxe», a rappelé la magistrate avant de conclure à l’abus de bien social. Elle a requis une amende appropriée et une peine de 12 mois de prison à l’encontre du prévenu ainsi que la confiscation de la montre de luxe. Et face à un Christopher Chevallier qui dit ne pas se souvenir si la montre était inscrite aux actifs de la société – «Toutes les factures ont été envoyées à une fiduciaire» –, elle enfonce le clou : «Lors des auditions avec la police, vous avez assuré que la montre vous appartenait.»
Me Paris est arrivé à la rescousse de son client, arguant que la valeur de la montre représentait «cacahuète» par rapport aux sommes perdues dans la banqueroute et aux infractions reprochées. Il assure que la montre aurait été acquise à une époque où la société était encore en bonne santé financière et que son achat n’aurait pas contribué à la dégradation de cette dernière. De plus, les statuts de la société permettaient «une large définition» de ses activités. L’intérêt social n’aurait de ce fait pas été entaché par l’acquisition de la montre.
L’avocat a balayé les accusations d’abus de bien social en s’appuyant sur la jurisprudence Flavio Becca. L’homme d’affaires avait acquis 842 montres et avait été condamné à un an de prison avec sursis et 250 000 euros d’amende en appel pour abus de biens sociaux. Me Paris a plaidé en faveur de l’acquittement de son client ou d’une suspension du prononcé. Il s’est fermement opposé à une peine d’emprisonnement soulevant son casier judiciaire encore vierge à la date de l’achat de la fameuse montre.
Le prononcé est fixé au 7 novembre prochain.