«Vivement saluée» par certains, «inquiétante» pour d’autres… La proposition de déi Lénk d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution luxembourgeoise suscite de fortes réactions.
Une proposition émanant de la gauche luxembourgeoise commence à créer quelques remous. La demande de déi Lénk, introduite le 7 mai dernier, d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, fait bondir dans les rangs de l’ADR. En témoigne le communiqué adressé ce jeudi à toutes les rédactions du pays, s’inquiétant du non-respect du «droit à la vie» et d’une destruction de «toutes les mesures de protection visant à préserver la vie de l’enfant».
«La dignité de la vie humaine serait ainsi dévalorisée. Un droit fondamental à l’avortement constituerait également une menace à la liberté de conscience des médecins et du personnel médical», ajoutent les élus d’extrême droite, qui n’hésitent pas à revendiquer un «référendum sur la question», si l’idée d’inscrire l’IVG dans la Constitution se concrétise.
Des droits toujours menacés
Pourtant, jamais le Luxembourg n’a connu autant d’interruptions de grossesse que l’an passé. Les derniers chiffres évoqués par le Planning familial sont sans appel et nous en parlions dans nos colonnes il y a quelques semaines : 1 034 femmes ont demandé une IVG en 2023, soit une augmentation de 46 % par rapport à l’année précédente.
Seulement quelques heures après la diffusion du communiqué de l’ADR, c’est d’ailleurs ce même Planning familial, ensemble avec le Cid Fraen an Gender, qui ont «salué vivement» l’initiative de la gauche, n’hésitant pas à rappeler les dernières échéances politiques : «En ces temps tourmentés où les extrêmes semblent se renforcer, les droits des femmes et des genres marginalisés, acquis au terme de combats intenses, sont toujours plus menacés.», ont-ils rappelé.
Des élections européennes qui inquiètent
La proposition de déi Lénk émane en effet, elle aussi, d’une source d’inquiétude : en juin 2022, de l’autre côté de l’Atlantique, la Cour suprême avait en effet enterré l’amendement «Roe v. Wade» qui garantissait aux Américaines la possibilité d’avorter. Depuis, de nombreux États américains, parmi les plus conservateurs, ont interdit ou limité le droit à l’avortement, comme le Texas qui refuse même de l’autoriser en cas de viols ou d’inceste.
Face à cette menace sur un droit acquis de haute lutte, de nombreuses institutions et associations ont milité au Luxembourg pour suivre l’exemple de la France et inscrire l’IVG dans la Constitution du Grand-Duché, soutenant fermement la proposition de loi du député Marc Baum.
«De l’autre côté de l’Atlantique, lorsqu’il n’est pas tout simplement interdit, l’accès à l’IVG ressemble à un parcours de combattantes et les personnes concernées doivent se faire accompagner dans les centres d’avortement pour traverser une foule agressive et violente de militants anti-IVG. Si ce type de scène n’a pas encore eu lieu au Luxembourg, combien de temps pour que cela arrive au vu des résultats des dernières élections européennes? Les droits sexuels et les droits reproductifs, ne sont jamais vraiment acquis, l’histoire nous l’a démontré à de multiples reprises.», ont renchéri les deux associations.
Elles n’hésitent pas à interpeller les députés, attendant une «réponse forte en matière de santé sexuelle, affective et reproductive» de la part de la Chambre. Mais cette inscription pourrait toutefois être difficile à obtenir : deux votes successifs avec une majorité des deux tiers sont requis pour réviser la Constitution, dont la nouvelle version est entrée en vigueur il y a tout juste un an.
Pour rappel, ce n’est que depuis le 17 décembre 2014, que toutes les Luxembourgeoises ont le droit de se faire avorter, jusqu’à sept semaines de grossesse par voie médicamenteuse et chirurgicalement jusqu’à 12 semaines.