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Le député Gibéryen rattrapé par les écoutes du Renseignement


Le député Gast Gybérien (ADR), dit avoir transmis les infos qu'il avait au Premier ministre, quant aux écoutes illégales du SRE, mais n'a pas voulu "balancer" ses sources (Photo : Fabrizio Pizzolante).

Le député ADR Gast Gibéryen risque une inculpation pour ne pas avoir transmis au parquet des informations sur des écoutes illégales menées en 2017 par le Service de renseignement de l’État (SRE).

Gast Gibéryen a choisi mercredi les ondes de 100,7 pour annoncer qu’il serait probablement inculpé cet automne pour ne pas avoir informé le parquet d’une écoute illégale menée par le SRE. L’élu se défend d’avoir dissimulé quoi que ce soit, rappelant qu’il en avait informé le Premier ministre dont il pense qu’il veut l’obliger à dévoiler le nom de son informateur.

Au printemps et à l’été 2013, l’affaire des écoutes illégales du SREL mettait le Parlement en ébullition, provoquant, après des scandales à répétition, la chute du gouvernement Juncker et la tenue de législatives anticipées. Cinq ans plus tard, le Premier ministre a changé et le SREL a cédé son «l» pour s’appeler désormais SRE, une perte synonyme de réforme et de reprise en main par le pouvoir politique après les errements des années Juncker. Mais force est de constater qu’au sein du renseignement de mauvaises pratiques ont perduré.

Des mauvaises pratiques qui ont perduré
C’est ce que révélait le 18 mars 2017 le Tageblatt, faisant état d’écoutes menées sans autorisation en début d’année et durant trois semaines par un agent haut placé dans le service. La directrice du SRE, Doris Woltz, et Xavier Bettel, qui exerce la tutelle politique sur le renseignement, avaient vite réagi en mutant le fonctionnaire et en attribuant le délit à une erreur administrative survenue dans la période de flottement des fêtes de fin d’année.
Vent debout, l’opposition avait alors demandé à entendre les explications du Premier ministre en commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle réunie le 22 mars 2017. À cette occasion, le député ADR Gast Gibéryen confie à Xavier Bettel qu’il a connaissance des faits depuis deux ou trois semaines déjà. «L’après-midi même, Xavier Bettel m’a envoyé un SMS pour me remercier et me demander le nom de mon informateur. J’ai évidemment refusé de le livrer», dit Gast Gibéryen au Quotidien.
Ce refus risque de coûter au député une inculpation pour recel d’informations transmises par violation du secret professionnel, a-t-il raconté au micro de 100,7, hier matin. «J’avais été convoqué en vue d’une possible inculpation par le juge Ernest Nilles en février mais le rendez-vous avait été décalé. Je serai à nouveau convoqué après l’été», relate l’élu et cofondateur du parti réformiste.

Xavier Bettel aurait demandé la source de l'info au député ADR (photo Fabrizio Pizzolante).

Xavier Bettel aurait demandé la source de l’info au député ADR (photo Fabrizio Pizzolante).

«Je ne voulais rien cacher, j’ai transmis au Premier ministre»
Le député rejette les accusations : «Je ne voulais rien cacher puisque j’ai transmis le message au Premier ministre. Mais lui a encore attendu deux jours avant d’en informer le parquet. Il est pourtant avocat de profession et était membre de la commission spéciale SREL du Parlement qui avait enquêté en 2013 sur les dysfonctionnements précédents du service. Il avait reproché à Juncker de ne pas avoir informé la justice alors qu’il fait la même chose aujourd’hui.»
Le chef du gouvernement et la directrice du service «ont voulu balayer l’affaire sous le tapis et leur seule préoccupation est de connaître la personne à l’origine de la fuite, sans jamais s’expliquer sur le fond de cette écoute illégale» poursuit l’élu. Les révélations du Tageblatt en mars 2017 avaient déclenché une chasse aux sorcières au sein du SRE où l’ambiance de travail s’en était trouvée plombée, selon des agents. D’aucuns estiment que la source de l’élu est André Kemmer, un ancien agent, par ailleurs poursuivi dans l’affaire des écoutes du SREL et qui a depuis rejoint l’ADR (lire ci-dessous).
«Je reçois beaucoup d’informations dont je ne parle jamais faute de preuves, comme c’était le cas dans cette affaire», affirme l’élu. «Parfois les informations sont fiables et je les utilise alors pour interpeller le gouvernement dans des questions parlementaires. Les personnes qui m’informent veulent rester anonymes et en aucun cas je ne révélerai leur identité, elles n’auraient plus confiance.»

« On me vise car on sait que beaucoup de gens m’informent »

Gast Gibéryen juge être l’objet d’une tentative de déstabilisation : «On me vise car on sait que beaucoup de gens m’informent et on voudrait que ça s’arrête. Quelques semaines après mon échange avec le Premier ministre j’ai été logiquement entendu par la commission de Contrôle parlementaire du SRE. Mon intervention n’a pas duré plus de cinq minutes et personne n’a insisté pour connaître le nom de mon informateur.»
Aussi, pour celui qui est à la fois le doyen de la Chambre et le député cumulant le plus de mandats, son inculpation aurait une portée dépassant le cadre de cette simple écoute : «Les journalistes bénéficient de la protection des sources pour ne pas avoir à révéler l’identité de leurs informateurs. En tant que député je dois pouvoir disposer de l’immunité parlementaire. C’est d’autant plus vrai dans cette affaire où je n’ai rien étalé sur la place publique. Tout ce que j’ai dit l’a été dans le strict cadre du Parlement.»
Et Gast Gibéryen de rappeler qu’«il est du devoir des députés de contrôler le travail du gouvernement et non le contraire».

Fabien Grasser