Pour Claus Vögele, professeur et psychologue à l’université du Luxembourg, le confinement a eu de nombreuses conséquences sur la santé mentale, notamment chez les plus jeunes.
Il y a cinq ans, le 16 mars 2020, le confinement était décrété pour la première fois au Luxembourg. Quelques semaines plus tôt, le 29 février, alors que le coronavirus sévit dans le nord de l’Italie, la toute première infection est annoncée au Luxembourg. Le malade et ses proches sont placés en quarantaine. Dans les jours qui suivent, le nombre de cas positifs se multiplie. Face à l’urgence, le gouvernement, alors présidé par Xavier Bettel, décide de fermer les commerces non essentiels, les écoles, les lieux de travail. «Restez à la maison!», réclame alors l’ancien Premier ministre aux résidents du pays.
Cinq ans sont passés depuis le début de la pandémie. Aujourd’hui, si cet épisode fait partie du passé et de l’histoire du Luxembourg, les conséquences sur la santé mentale restent bien présentes. Claus Vögele, professeur de psychologie à l’université du Luxembourg, a lancé, dès avril 2020, une grande étude sur les effets psychiques des confinements. Avec sa collègue Conchita D’Ambrosio, professeure d’économie, ils ont recueilli les témoignages de plus de 8 000 personnes vivant dans plusieurs pays européens, dont la France, l’Allemagne et le Luxembourg.
«Nous avons collecté des données depuis l’été 2020 jusqu’à aujourd’hui. À l’époque, notre objectif initial était d’investiguer sur les effets des mesures du confinement et les expériences sociales qui en ont découlé. Aujourd’hui, la pandémie est terminée, mais nous continuons de suivre les participants de notre enquête», explique le psychologue.
Les jeunes davantage touchés
En cinq ans, le spécialiste a pu tirer de nombreuses conclusions grâce aux différentes interprétations de ce sondage. Alors, quels sont ses résultats? «Nous avons constaté une corrélation directe entre la dureté des mesures du confinement et le sentiment de solitude ressenti par les participants. C’est quelque chose que nous observons en particulier chez les personnes vulnérables, qui se sentaient déjà seules auparavant», précise l’universitaire. Le spécialiste note par ailleurs que ce sentiment de solitude a davantage été observé chez les jeunes.
En effet, une étude allemande intitulée «Jugend in Deutschland» révèle que les jeunes sont aujourd’hui plus pessimistes qu’autrefois. D’après cette recherche, un jeune sur dix est actuellement en traitement pour des troubles psychiques. Si le lien avec la crise sanitaire n’est pas établi, ces faits interrogent. «Les jeunes qui ont souffert des mesures du confinement seront plus susceptibles d’avoir des problèmes psychologiques au cours des prochaines années. Mais nous ne savons pas encore si la pandémie est la seule raison de l’augmentation de ces cas.»
La pandémie a été le reflet des problèmes qui existaient déjà
Outre les jeunes, le psychologue a observé, à travers son étude, certaines disparités entre les sexes et les groupes sociaux. Selon la classe sociale, le type de logement, le revenu et le nombre de personnes présentes dans le foyer au moment du confinement, les conséquences sur la santé mentale sont bien différentes.
«Les personnes qui ont vécu, à ce moment-là, dans des conditions financières sécuritaires ont été moins affectées que les personnes pauvres. La pandémie a finalement été le reflet des problèmes qui existaient déjà.». Si l’étude se concentre sur plusieurs pays européens, les résultats pour le Grand-Duché sont sensiblement les mêmes que pour ses voisins. «Nous n’avons pas collecté de données sur la population luxembourgeoise au cours d’une longue période», précise le spécialiste.
Mais une question subsiste, ces effets ont-ils perduré dans le temps? «On ne peut pas dire que les mesures du confinement aient eu un impact durable sur la santé mentale des personnes. La plupart d’entre elles ont fait preuve d’une extrême résilience. Elles ont réussi à s’occuper pour faire face à la solitude. Évidemment, il y a eu des histoires très difficiles, des personnes qui n’ont pas pu voir leurs proches pendant des mois. Ma mère est décédée durant cette période et je ne pouvais pas aller la voir. C’était très douloureux. Aujourd’hui, il y a encore beaucoup d’anxiété au sein de la société, notamment avec les crises internationales comme la guerre en Ukraine et les tensions avec les États-Unis.»
Cinq ans plus tard, le psychologue admet que certaines mesures ont sans doute été trop restrictives pour le bien-être mental des résidents. «Elles étaient nécessaires, car nous n’étions pas vaccinés. Nous avons pu sauver de nombreuses vies grâce à ces mesures. Mais oui, certaines personnes en ont souffert et en souffrent toujours aujourd’hui. Cette pandémie devra nous servir de leçon pour les prochaines à venir», conclut-il.
