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Le Conseil d’État remet encore Gloden à sa place


Des personnes qui bloquent l'entrée d'un immeuble pourront se voir infliger une interdiction de présence dans un périmètre précis. (Photo : archives lq/hervé montaigu)

Le projet de «Platzverweis renforcé» essuie un nouveau revers : les Sages jugent insuffisants les premiers amendements de fin mai et somment le ministre des Affaires intérieures de revoir sa copie.

Depuis août 2022, la police dispose avec le «Platzverweis» d’un outil pour faire déguerpir les personnes qui bloquent l’entrée ou la sortie d’un bâtiment. «La portée de cette mesure est toutefois limitée dans la mesure où elle ne permet pas de remédier à des situations où une personne trouble l’ordre public, sans bloquer les entrées ou sorties de bâtiments», constatait, en juillet 2024, le ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden. Partant de ce constat, l’ancien député chrétien-social a ficelé, avec le concours de la police, un texte visant à introduire un «Platzverweis renforcé».

Il est prévu que les agents puissent non seulement éloigner toute personne bloquant l’accès à des bâtiments, mais aussi lorsqu’elle se comporte de manière à troubler l’ordre public, à entraver la circulation publique ou à importuner les passants. Après un premier avertissement, la police sera autorisée d’imposer au trublion une interdiction temporaire, limitée dans le temps (30 jours maximum) et dans l’espace (rayon 1 km).

Voici pour la théorie. En pratique, le renforcement du cadre légal pour mieux respecter la propreté, la salubrité, la sûreté et la tranquillité dans les rues, lieux et édifices, n’est pas prêt d’entrer en vigueur. Même si les Sages saluent les amendements introduits fin juillet, avec à la clé la levée de plusieurs oppositions formelles, d’autres blocages formels ont été confirmés ou se sont ajoutés à une liste déjà bien fournie.

Une des critiques majeures concerne la définition des situations qui peuvent donner lieu à un éloignement forcé. La Haute Corporation juge trop vague les comportements punissables, parmi lesquels on retrouve des troubles à l’ordre public, la salubrité ou encore la sécurité publique.

Dans son avis, le Conseil d’État rejoint la critique formulée déjà en novembre 2024 par le procureur général d’État, qui avait entre autres souligné des lacunes en termes de sécurité juridique : «La formulation très générale de ces dispositions, applicables à l’ensemble de la population et soumises à l’interprétation des policiers qui sont amenés à les appliquer concrètement sur le terrain, fait que les comportements répréhensibles y visés peuvent être considérés comme n’étant pas définis avec suffisamment de précision et donc manquer à l’exigence de prévisibilité imposée par la Convention européenne des droits de l’homme».

La liberté individuelle mise en péril

Des doutes persistent en outre sur les restrictions à la liberté individuelle et le droit au respect de la vie privée, deux principes ancrés dans la Constitution. Le Conseil d’État tient à «rappeler une nouvelle fois son point de vue (…) que les notions de sécurité, […] salubrité ou […] tranquillité publiques (…) sont trop vagues pour déclencher la prise de mesures restreignant les libertés publiques».

Au vu de ces points, les Sages ne sont pas en mesure de lever leur opposition formelle.

Le pouvoir attribué aux bourgmestres d’ordonner des mesures d’éloignement est également regardé d’un œil critique par la Haute Corporation. L’intervention de l’édile n’apporterait aucune «plus-value» au dispositif légal relatif à la mesure de l’interdiction de lieu. «À l’instar des législations de différents Länder allemands, une mesure d’interdiction de lieu devrait être conditionnée au risque de commission d’infractions pénales», complète le Conseil d’État.

Une dernière question concerne la signification de l’expression «le bourgmestre peut autoriser la police». «Quels sont les critères en fonction desquels le bourgmestre autorise ou décide de ne pas autoriser une interdiction de lieu?», interrogent les Sages. Ils demandent, «sous peine d’opposition formelle, de reformuler le texte en veillant à écarter tout risque d’arbitraire dans le chef du bourgmestre et en assurant une application homogène du texte sur l’ensemble du territoire national».

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