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Le cinéma français perd Jean-Pierre Marielle, son dernier « grand duc »


Marielle, une voix si reconnaissable et d'éternels yeux rieurs. (archives AFP)

Incarnation d’une époque où les acteurs se délectaient à jurer et fumer à l’écran, l’acteur Jean-Pierre Marielle, grande figure du cinéma français qu’il aura marqué de sa voix caverneuse, est décédé mercredi à l’âge de 87 ans.

Inoubliable interprète de Monsieur de Sainte-Colombe dans Tous les matins du monde (1991), le comédien est décédé des suites d’une longue maladie, a annoncé son épouse Agathe Marielle. Ses obsèques se dérouleront dans la plus stricte intimité. « Non. Non. Non. Non. Énorme tristesse », a réagi la Cinémathèque française sur Twitter tandis que le réalisateur Quentin Dupieux a mis en ligne une photo de l’acteur avec la mention « Dieu ».

Avec la disparition de Jean-Pierre Marielle , s’éteint une des dernières figures de « la bande du conservatoire », formée au début des années 50 par Jean-Paul Belmondo, Claude Rich ou Jean Rochefort, l’ « ami de toute une vie », décédé en octobre 2017. « On a toujours l’impression que les acteurs qu’on aime sont immortels », a réagi Patrice Leconte qui avait fait tourner les deux inséparables, ainsi que Philippe Noiret, dans Les grands ducs (1996). Une appellation qui sied parfaitement à la personne de Marielle. « Le cinéma français perd son dernier dandy, un immense acteur facétieux, grave, généreux », a souligné l’Adami, qui gère les droits des artistes.

« Les César ? J’en ai rien à foutre ! »

Le comédien avait disparu des écrans depuis quelques années, après avoir joué dans plus d’une centaine de films (sous la direction notamment d’Audiard, Blier, Molinaro, Mocky, Sautet, Tavernier, Miller) et d’innombrables pièces et téléfilms. Au cours de sa carrière, il a été nommé sept fois aux César notamment pour son rôle dans Tous les matins du monde, que beaucoup considèrent comme le sommet de sa filmographie. « Les César ? J’en ai rien à foutre ! », répondait-il.

Il « avait cette gouaille imprévisible, ce grain de folie qui transcendent un immense acteur. Sa voix si reconnaissable par son moelleux et la justesse de sa diction nous entraînait aux frontières d’un génie irremplaçable, à la Serrault, à la Piccoli à la…Lui », s’est souvenu l’ancien président du festival de Cannes, Gilles Jacob. Une voix dont « il savait se servir sans que cela soit jamais ostentatoire », a souligné Philippe Labro qui l’avait fait tourner dans Sans mobile apparent dans les années 70.

« La voix, le charisme, les yeux »

D’abord acteur de théâtre et de boulevard, Jean-Pierre Marielle connaîtra des débuts timides au cinéma avant d’exploser à la fin des années 60 et d’imposer sa gouaille, autant dans des films comiques que tragiques, d’auteur que grand public. Il se fait remarquer dans Le diable par la queue de Philippe de Broca, La valise de Georges Lautner ou Comment réussir quand on est con et pleurnichard de Michel Audiard.

S’ensuit dans les années 70 une intense activité devant les caméras et des répliques fleuries chez Joël Séria qui font mouche. Parmi ses rôles marquants, figurent Que la Fête commence de Bertrand Tavernier, Dupont Lajoie d’Yves Boisset, mais aussi Coup de Torchon de Tavernier, Tenue de soirée de Blier, ou encore La Petite Lili de Claude Miller.

« La voix, le charisme, les yeux rieurs et le sens du jeu. Toujours juste et inattendu, Jean-Pierre Marielle était un acteur généreux que nous aimions dans chacun de ses rôles, au cinéma comme au théâtre », a souligné le ministre de la Culture Franck Riester.

Son décès est survenu le même jour que celui du rockeur Dick Rivers, autre témoin d’une époque qui prend doucement fin.

LQ/AFP