Le gouvernement chilien, aux prises avec une contestation sociale qui ne faiblit pas, a annoncé mercredi avoir renoncé à organiser deux sommets internationaux, dont la COP 25, la conférence de l’ONU sur le climat prévue en décembre, un coup dur pour l’image internationale du pays.
« C’est avec un profond sentiment de douleur, parce que c’est douloureux pour le Chili, que notre gouvernement a décidé de ne pas organiser le sommet de l’Apec (…), ni celui de la COP25 », a déclaré le président Sebastian Pinera au palais présidentiel de La Moneda. « Cela a été une décision très difficile à prendre. Une décision qui nous cause énormément de peine parce que nous comprenons parfaitement l’importance de l’Apec et de la COP pour le Chili et pour le monde entier », a ajouté M. Pinera, en fonction depuis mars 2018.
Le sommet du Forum de Coopération économique Asie-Pacifique (Apec), qui réunit les pays riverains du Pacifique, dont les Etats-Unis, la Chine et la Russie, devait avoir lieu à Santiago les 16 et 17 novembre. Les présidents américain Donald Trump et chinois Xi Jinping avaient confirmé leur participation, la signature d’un accord commercial USA-Chine devant intervenir à l’occasion de ce sommet, selon la Maison Blanche. Le président russe Vladimir Poutine avait annulé sa participation mardi. « La Malaisie accueillera le prochain sommet de l’APEC en 2020 », a fait savoir le forum dans un communiqué, laissant entendre qu’aucun sommet du forum ne serait finalement organisé cette année. La conférence de l’ONU sur le climat, COP 25, où étaient attendus quelque 25 000 délégués dont la jeune militante suédoise Greta Thunberg, devait quant à elle se dérouler à Santiago du 2 au 13 décembre.
Après le désistement du Brésil
Le Chili s’était porté volontaire après le désistement du Brésil, qui avait renoncé dans la foulée de l’élection du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, un climato-sceptique assumé. Pour l’heure, l’ONU a fait savoir qu’elle « étudiait les alternatives » pour accueillir la COP25. Le Chili, considéré comme un des pays les plus stables économiquement et politiquement en Amérique latine, est secoué depuis le 18 octobre par une fronde sociale sans précédent, qui a fait 20 morts et un millier de blessés. Une hausse du prix du ticket de métro dans la capitale a été le détonateur de cette vague de contestation inédite depuis des décennies dans ce pays de 18 millions d’habitants. Malgré la suspension de la mesure, le mouvement s’est amplifié, nourri par le ressentiment face aux inégalités socio-économiques. Signe d’une colère qui ne retombe pas, des manifestations, parfois émaillées de violence se sont poursuivies depuis dans la capitale et d’autres villes du pays.
Manifestation historique
Le 25 octobre, plus d’un million de personnes se sont réunies dans le centre de Santiago lors d’une mobilisation historique. Mercredi, plusieurs milliers de personnes défilaient à nouveau dans le centre de Santiago, notamment devant La Moneda, aux cris de « Le Chili s’est réveillé ! », devenu un des slogans emblématiques du mouvement. Loin d’apaiser le mécontentement social, l’annulation des deux sommets internationaux peut apparaître comme un signe de faiblesse de la part du gouvernement du président conservateur, qui avait déjà été à la tête du Chili une première fois entre 2010 et 2014. « Il s’agit d’un échec énorme pour le gouvernement et pour les revendications environnementales et de justice auxquelles le pays est confronté, et qui ne sera pas facile à surmonter », a réagi Matias Asun, le directeur national de l’ONG Greenpeace. Cette décision est « un signe d’affaiblissement » du pouvoir chilien, a estimé auprès Octavio Avendaño, professeur à l’Université du Chili. Elle « laisse entendre que (la crise) ne peut pas être résolue à court terme » et peut « affecter l’image (du président) concernant sa faible capacité à répondre » au conflit, a-t-il ajouté. La Bourse de Santiago a chuté de 3,12% à midi et le dollar s’est apprécié à 735 pesos par unité, son plus haut niveau depuis mai 2003.
AFP