Alors que 2022 s’achève, marquée par une inflation record, le Statec écarte le risque de récession – notamment grâce aux mesures tripartites – mais s’attend à une croissance d’à peine 1,7 % cette année, et seulement 1,5 % en 2023.
Périlleuse mission que celle des conjoncturistes du Statec ces derniers mois, chargés de prévoir l’imprévisible dans un contexte économique secoué par les crises multiples. Néanmoins, les experts de l’institut national de la statistique ont fait le point lundi sur l’année écoulée et ont livré leur analyse pour 2023.
Sans surprise, c’est l’inflation historiquement élevée qui aura marqué 2022, avec un taux frôlant les 7 %, ce qu’on n’avait plus vu au Luxembourg depuis 40 ans, et qui est bien au-dessus des 2 % annuels moyens de ces 20 dernières années. Un chiffre qui reste cependant inférieur à la zone euro où la hausse des prix atteint plus de 10 %.
«On a une augmentation de 40 % sur le prix du gaz au Grand-Duché, alors que dans la zone euro, elle grimpe à 80 %. On a aussi moins de hausse sur les prix de l’alimentation, même s’ils ont gonflé de 15 % sur un an, avec des pics à 20 % pour le beurre ou les pâtes», indique Bastien Larue, chef de l’unité Conjoncture au Statec.
Un phénomène généralisé, causé par la guerre en Ukraine et son impact sur les coûts énergétiques, qui pèse lourd sur l’activité économique nationale : «On assiste à un repli au 2e trimestre 2022, notamment dans l’industrie et la construction, des secteurs qui souffrent particulièrement de la baisse de la demande», poursuit-il.
La chute des crédits notamment, due à la remontée des taux d’intérêt des prêts immobiliers et au durcissement des conditions d’octroi, impacte directement la construction résidentielle : «Le nombre d’autorisations de bâtir accuse une baisse de 35 %, tandis que les prix des logements annoncés ralentissent fort et vite. On était encore à 10 % de hausse au 2e trimestre, tandis qu’en octobre, une baisse de 3 % par rapport à 2021 se dessinait déjà», note l’économiste.
Alors que, depuis le printemps, les enquêtes d’opinion témoignent de cette dégradation de la confiance des acteurs dans la majorité des branches économiques, celle des consommateurs, plus inquiets que jamais face à l’inflation, a carrément touché le fond. D’où l’absolue nécessité des mesures d’aides négociées dans le cadre des accords tripartites, selon les experts : «Elles vont constituer un soutien majeur au pouvoir d’achat des ménages et aux entreprises, permettant à l’activité de progresser modestement à +1,7 % du PIB en volume cette année et +1,5 % en 2023.»
Ces mesures – limitation de la hausse du prix du gaz, gel des prix de l’électricité, prix réduit sur le litre de mazout, baisse de la TVA – diminuent substantiellement les dépenses des ménages, tout en contenant l’inflation, ce qui espace mécaniquement le déclenchement de nouvelles tranches indiciaires. Le Statec tablait d’ailleurs sur cinq index successifs en 2023 dans l’hypothèse où aucune mesure n’aurait été prise.
1 023 euros économisés grâce aux mesures
Et pour évaluer le véritable impact de ces décisions sur le pouvoir d’achat des ménages, l’institut a passé au crible différents paramètres. Il conclut que les mesures tripartites bénéficieront largement aux foyers les plus modestes, avec 150 euros qu’ils n’auront pas à débourser en 2022, et plus de 1 000 euros en 2023 (contre 45 et 423 sans aucune mesure). De quoi «surcompenser» le manque à gagner dû aux index moins nombreux, affirment les économistes.
À l’inverse, les groupes de revenus les plus élevés seront impactés négativement, tout simplement parce que la part de leur budget consacrée à la consommation est plus faible. Mais globalement, le revenu disponible des ménages, qui a stagné en 2022, augmentera de 2 % l’an prochain, selon le Statec.
Toujours en lien avec l’inflation élevée, le coût salarial pour les entreprises explose sous l’effet de ces index successifs : +6,3 % cette année et +5,6 % prévus en 2023. Avec un impact attendu sur l’investissement comme sur la création d’emplois, qui entame déjà un ralentissement, après une année record en termes de postes vacants.
Une remontée du chômage en vue
L’institut prévoit donc logiquement une remontée du chômage à 5,1 % en 2023 (contre 4,8 % cette année). «Le retournement de la tendance est clair, commente Bastien Larue. Les enquêtes vont dans le sens d’une dégradation dans la plupart des secteurs.»
Enfin, du côté des finances publiques, et alors que le projet de budget de l’État pour 2023 doit être soumis au vote des députés le 15 décembre, le Statec souligne la bonne tenue des recettes : elles ont été stimulées ces derniers mois par la TVA, les impôts des ménages et les cotisations sociales, tandis qu’un essoufflement apparaît au 2e trimestre, notamment dû à la baisse des ventes de carburant au profit des pays limitrophes, moins chers, et au repli des marchés boursiers.
Une tendance qui devrait s’accentuer en 2023, parallèlement à une hausse des dépenses publiques. D’où un déficit de 2,8 % du PIB annoncé, ce qui représente une forte révision à la baisse par rapport aux précédentes prévisions, reflet d’une conjoncture dégradée et des mesures fixées dans l’accord tripartite.
Trois index en 2023?
Le directeur du Statec, Serge Allegrezza, a confirmé, une nouvelle fois, qu’une tranche indiciaire devrait être déclenchée au 1er trimestre 2023, sans avancer de date : «On ne peut pas préciser exactement à quel moment, mais cela se produira sans doute en tout début d’année, janvier ou février», a-t-il mentionné.
Rappelons qu’une deuxième tranche – reportée de 2022 – interviendra en avril, et selon les dernières prévisions de l’institut, les salaires pourraient bien augmenter une troisième fois au cours de l’an prochain. «Probablement au 4e trimestre», selon les experts, qui se montrent néanmoins prudents, vu les incertitudes autour de la conjoncture.