Le Bureau de gestion des avoirs (BGA), qui gère les biens saisis par la justice, aimerait étendre ses pouvoirs afin de mettre de l’ordre dans la fourrière judiciaire de Sanem, en saturation.
Le Bureau de gestion des avoirs gère toutes les sommes, qu’il s’agisse de numéraire, de soldes inscrits au crédit d’un compte, de créances ou d’actifs virtuels saisis au cours d’une procédure pénale nationale ou étrangère. Il a été créé en 2022 dans le cadre de la transposition d’une directive européenne de 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union européenne.
Le rapport d’activité du BGA détaille ses opérations de gestion, d’aliénation et de destruction de biens, ainsi que les recettes que le bureau génère en faveur du Fonds de lutte contre certaines formes de criminalité et du Trésor public. Au 31 décembre 2023, le BGA gérait 762 dossiers pour une valeur totale des biens qui dépasse le milliard d’euros.
En 2023, les recettes générées par le BGA ont contribué à concurrence de 5 325 euros au Fonds de lutte contre certaines formes de criminalités et à concurrence de 328 000 euros au budget de l’État.
Les actifs sous gestion incluaient 1 743 soldes créditeurs (509 millions d’euros), 113 comptes-titres (456,4 millions d’euros), 384 montants en numéraire (635 000 euros), 40,5 millions d’euros en créances et 0,00305044 bitcoins, auxquels viennent s’ajouter 99 biens immobiliers, 22 véhicules et 1 836 autres biens. Le BGA a procédé à la destruction de plus de 42 tonnes de biens confisqués ou échus à l’État.
La lecture du rapport renseigne que les ventes des différents biens saisis, confisqués ou échus à l’État ont rapporté 4 339,75 euros en 2023. Il s’agissait du produit de la mise en ferraille d’un ensemble routier composé d’un tracteur et d’une remorque qui encombraient la fourrière judiciaire de Sanem depuis une dizaine d’années.
Justement, la situation à Sanem est préoccupante. Le BGA, dans son rapport, reconnaît que la loi est efficace en ce qui concerne la gestion des sommes, mais son bilan est plus nuancé en ce qui concerne les autres biens.
«D’une façon générale, on peut retenir que la loi du 22 juin 2022 est efficace quand la gestion par le BGA est obligatoire alors qu’elle tend à être inopérante quand tel n’est pas le cas.» Le bureau regrette encore que les mécanismes prévus pour l’aliénation ou la destruction de biens saisis sont très peu utilisés par les autorités judiciaires qui ne confient pas systématiquement au BGA la gestion des autres biens.
Il en résulte que ces biens ne sont ni inventoriés dans un registre central ni gérés de façon proactive. Les autorités judiciaires n’ont ni les moyens ni la capacité d’y parvenir.
Dans l’arrondissement judiciaire de Luxembourg, les biens saisis continuent de s’entasser à la fourrière judiciaire de Sanem. Les espaces de stockage sont saturés, en particulier pour les véhicules.
Les stocks historiques
Le BGA aimerait s’occuper de la gestion des stocks historiques, c’est-à-dire les autres biens saisis avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 juin 2022. «La fourrière judiciaire de Sanem regorge d’objets saisis depuis des lustres et notamment de véhicules dont la trace procédurale s’est perdue.»
Aucune solution n’est en vue, faute d’une politique proactive de gestion de ces stocks et «les autorités judiciaires semblent dépassées par l’ampleur de la tâche». Il faudrait d’abord faire l’inventaire exhaustif des biens stockés et ensuite faire le rapprochement avec les procédures engagées. «Le BGA pourrait s’en charger, mais pour cela il faudrait que la loi lui confie la gestion des stocks historiques et l’autorise à accéder directement à certaines données judiciaires pour déterminer le stade procédural des affaires et vérifier si un bien n’est pas d’ores et déjà couvert par une décision définitive.». Cette solution permettrait aussi de disposer d’un seul registre centralisé de tous les biens saisis, y compris les pièces à conviction, et d’assurer un stockage et une gestion professionnelle.
La transposition de la directive relative au recouvrement et à la confiscation d’avoirs constitue un moment opportun pour revisiter certaines dispositions de la loi du 22 juin 2022, suggère le BGA.