Face aux exigences de l’OTAN et à la pénurie de candidats, le gouvernement luxembourgeois relève les salaires de son armée de 25% pour attirer de nouvelles recrues. Les soldats volontaires verront ainsi leur rémunération grimper de plus de 500 euros par mois dès l’entrée en service.
Le Luxembourg franchit encore un nouveau cap dans sa politique de défense. Mardi dernier, le Conseil de gouvernement a donné son feu vert à une série de mesures destinées à rendre son armée plus attractive. L’enjeu? Renforcer ses rangs, notamment face à des objectifs inédits imposés par l’OTAN dans un contexte sécuritaire international dégradé.
La ministre de la Défense, Yuriko Backes (DP), ne cache pas l’urgence de la situation. «Au vu du contexte géopolitique de plus en plus instable et pour répondre aux exigences de l’OTAN en matière de forces et capacités militaires, le besoin en personnel militaire qualifié n’a jamais été aussi pressant», a-t-elle déclaré. Les tensions géopolitiques imposent donc au Luxembourg de revoir ses ambitions à la hausse.
Le budget de la défense devrait ainsi passer de 2% du revenu national brut cette année à 3,5% d’ici 2035, conformément aux engagements pris lors du sommet de La Haye. Un effort financier sans précédent, qui doit s’accompagner d’une montée en puissance des effectifs.
«La sécurité collective et la souveraineté nationale reposent aujourd’hui plus que jamais sur l’engagement volontaire de femmes et d’hommes prêts à servir avec engagement, droiture et fiabilité», souligne Yuriko Backes. Pour attirer des profils, le gouvernement a donc décidé de frapper fort… sur le plan salarial.
Des augmentations à tous les niveaux
Pour les soldats volontaires, la transformation est bien réelle et se mesure en plusieurs centaines d’euros. Le projet de loi adopté prévoit en effet une augmentation de 23 points indiciaires de la solde de base, soit un minimum de 530 euros supplémentaires par mois. Concrètement, un militaire en première année de service verra son salaire brut mensuel passer de 2 166 à 2 719 euros. Une hausse de 553 euros qui représente une revalorisation de 25%.
Les plus expérimentés ne sont pas oubliés non plus. Un premier soldat-chef en quatrième année touchera désormais 3 733 euros, contre 3 171 euros auparavant. Soit 562 euros de plus par mois. À cette solde de base s’ajoutent d’autres avantages financiers non négligeables.
Le gouvernement a aussi revu le système de progression salariale. L’augmentation annuelle liée à l’ancienneté passe de 3,7 à 4 points indiciaires. Chaque année de service apportera donc une revalorisation plus conséquente qu’auparavant.
La prime de démobilisation, versée au moment de quitter le service, a également été renforcée tout au long de la carrière. Un soldat ayant effectué 48 mois de service pourra ainsi percevoir plus de 14 378 euros à son départ. En cas de rengagement pour douze mois supplémentaires, il touchera 4 148 euros supplémentaires.
Outre l’aspect salarial, le paquet de mesures prévoit également une refonte en profondeur du statut de soldat volontaire. À terme, tous devront être déployables en opérations et percevront une prime mensuelle d’opérationnalité de 532 euros. Cette prime, actuellement réservée aux unités de disponibilité opérationnelle, sera donc généralisée. La durée minimale d’engagement passera également de quatre à cinq ans.
Les soldats participant à des opérations de maintien de la paix continueront par ailleurs de bénéficier d’une augmentation de solde durant leur déploiement. Les avantages non financiers, comme la gratuité médicale, sont maintenus.
Élargir le vivier de recrutement
Face à la difficulté de recruter suffisamment de candidats qualifiés, le Luxembourg entend aussi élargir son vivier hors de ses frontières. Les ressortissants de l’Union européenne non résidents pourront désormais postuler pour rejoindre les rangs de l’armée luxembourgeoise. Une ouverture qui pourrait attirer des profils venus des pays voisins.
Les conditions linguistiques seront également assouplies : des dispenses en français ou en allemand seront possibles pour les candidats. Seule la maîtrise du luxembourgeois restera obligatoire.
Toutes ces mesures nécessiteront toutefois l’aval de la Chambre des députés. Le premier projet de loi a été adopté par le gouvernement la semaine passée, mais son entrée en vigueur dépendra du vote des parlementaires dans les prochaines semaines. La mise en œuvre se fera de façon phasée au cours des prochaines années.
La ministre Backes défend ici un investissement nécessaire : «Notre personnel est au centre de tous nos efforts. Son engagement pour notre sécurité doit être rémunéré de manière adéquate.»
À noter que les augmentations proposées ici placent les soldats luxembourgeois parmi les mieux rémunérés de la Grande Région : un soldat allemand touche en effet un salaire de départ de 2 600 euros environ, tandis qu’en France, un militaire de l’armée de terre ne touchera que 1 982 euros brut après un an de service. Côté belge, la solde de base d’un soldat avoisine les 2 118 euros net par mois.
Reste à voir si cette stratégie suffira à convaincre les jeunes de s’engager et si les effectifs suivront la courbe (plutôt ascendante) du budget de la défense.