En Suède, payer en liquide est un vraie galère. C’est ce que veulent éviter les pétitionnaires qui avaient l’occasion de dire aux députés, hier, combien ils tenaient à ce mode de paiement. Ils ont été rassurés.
Chacun avait en mémoire la panique générale déclenchée le jeudi 24 novembre dernier à la suite d’une gigantesque panne, survenue sur le réseau de l’opérateur Worldline. Ce jour-là, plus aucun paiement électronique n’était possible et les files d’attentes s’étoffaient aux caisses des supermarchés qui n’avaient jamais vécu ça. Car la panne a duré toute la matinée et ils étaient nombreux à devoir renoncer à leurs achats faute d’argent liquide.
Les auteurs, Jorge Manuel Dos Santos Simões et Emilly Soares, avaient déjà introduit leur pétition à cette date et comme le rappelle la présidente de la Commission, Nancy Kemp-Arendt, «elle stagnait au niveau des signatures» qui étaient ouvertes depuis le 28 octobre. L’incident du 24 novembre a subitement entraîné une prise de conscience qui a profité à la pétition réclamant que le droit de payer en espèces soit inscrit dans la Constitution. Au final, le débat d’hier a tourné court concernant cette requête. L’auteur lui-même, Jorge Manuel Dos Santos Simões, reconnaît qu’il ne cherche plus à atteindre cet objectif, mais il serait satisfait avec une assurance de pouvoir toujours payer en argent liquide.
Le pétitionnaire parle d’un «droit fondamental» qui assure «autonomie, respect de la vie privée et inclusion sociale de tous les citoyens». Il a pris exemple sur les Autrichiens qui avaient lancé une pétition similaire à succès. Ils refusaient que l’Union européenne limite le montant des opérations réalisées avec ce mode de paiement et voulaient intégrer leur proposition dans la Constitution.
Ce débat n’est pas superflu, alors que dans certains pays européens, comme la Suède, on ne fait plus rien avec de l’argent en poche, ou très peu, la moindre boisson se paie exclusivement par carte bancaire dans les bars de la capitale, comme le pain à la boulangerie. De quoi être suivi à la trace, ce qui en dérange plus d’un, en plus de se voir refuser de l’argent sonnant. Aux caisses, c’est sûr, le personnel craint moins les braquages.
«Si on ne fait rien, bientôt, on ne pourra plus payer en espèces», craint le pétitionnaire. Il ne veut pas voir disparaître un à un les guichets où retirer de l’argent et surtout, il ne veut plus qu’un employé de banque demande à quoi il doit servir. «Il faut avoir un droit qui indique que personne ne peut restreindre l’usage de liquidités», plaide-t-il. «La pièce pour le guide, cela peut paraître négligeable, mais humainement, c’est important», illustre Jorge Manuel Dos Santos Simões.
Une obligation
Du côté des députés, il n’est pas question de voir disparaître l’argent liquide ni son usage. En revanche, ils ont des doutes sur l’absence de limitation et, à l’image d’André Bauler (DP), ne voient pas comment un commerçant peut s’amuser à compter et à vérifier l’origine des fonds quand un client vient acheter une voiture avec une valise pleine de billets. Les limitations sont instaurées pour lutter contre le blanchiment.
La ministre des Finances, Yuriko Backes, a rappelé que le Code pénal luxembourgeois prévoit des amendes pour des commerçants ou des administrations qui refuseraient un paiement en espèces. Il existe cependant des exceptions, des cas de force majeure où le commerçant est en droit de refuser. Exemple? Un billet de 100 euros tendu le matin à l’ouverture du magasin pour payer un croissant. Dans ce cas précis, alors qu’il n’a pas la monnaie à rendre, il peut refuser le paiement en liquide.
Une étude de la Banque centrale européenne, citée par la ministre, révèle que deux citoyens sur trois restent attachés au paiement en espèces. Rassurante, Yuriko Backes souligne que les institutions européennes sont sensibles au sujet. Même si l’euro digital voyait le jour, il ne devrait pas remplacer complètement l’argent liquide, affirme la ministre.
En revanche, l’Union européenne souhaite fixer une limite de 10 000 euros au paiement en liquide. Quant à la Cour de justice européenne, comme le rappelle Laurent Mosar, elle a eu l’occasion de rappeler que le droit de l’Union prévoit une obligation d’accepter des paiements en liquide.
«Sans cette pétition, ce débat n’aurait pas eu lieu à la Chambre», se réjouit la présidente, Nancy Kemp-Arendt.
C’est un des derniers espaces de liberté totale, le paiement en espèces. Nous y tenons tous, à l’exception de quelques obsédés de la servitude volontaire.