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L’apprentissage précieux et fastidieux du luxembourgeois


Après avoir obtenu la chance de fréquenter un des cours très prisés de l’INLL, les apprenants doivent faire preuve de patience et de motivation dans leur apprentissage.

En dix ans, la popularité des cours de luxembourgeois à l’INL a bondi, illustrant ainsi l’importance prise par la langue nationale dans l’intégration sociale et le monde professionnel.

Dans cette salle de l’Institut national des langues au Glacis, à Luxembourg, l’ambiance est bon enfant. Ils sont une dizaine à s’être installés afin de suivre 1 h 40 de cours de luxembourgeois de niveau A2.1 et une petite poignée complète virtuellement la classe en étant présente par visioconférence. Malgré leurs âges variés, tous ont certainement quitté les bancs de l’école il y a des années et semblent y retourner avec le sourire.

Et pour cause, le cours, qui se tient deux fois par semaine en présentiel et une fois à distance, ressemble plus à une discussion qu’à un cours magistral. Les exercices du jour portent sur les différents types de logement ou encore les datifs.

Avec l’enseignant, Denis, les échanges vont bon train, à condition d’être en luxembourgeois. Le cours est entièrement immersif, aucun mot de français ou d’anglais ne se glisse dans les consignes ou les explications, bien que tous les élèves parlent au moins l’une des deux langues.

En apprentissage depuis plus de deux ans, Francesca valide cette méthode : «J’aime beaucoup cet apprentissage de la langue, je trouve que l’on apprend mieux.» De quoi la motiver à poursuivre son cursus «encore trois, voire quatre ans».

Objectif A2

Après avoir habité dix ans en France, Francesca est rentrée il y a deux ans et demi au Grand-Duché où sa famille a ses racines. «Dans ma famille, tout le monde a la nationalité luxembourgeoise, sauf moi, donc l’idée c’est de l’avoir aussi», espère-t-elle.

Comme beaucoup d’apprenants de l’INLL, elle travaille avec en ligne de mire le passage du Sproochentest, l’examen d’évaluation de la langue luxembourgeoise nécessaire à l’obtention de la nationalité.

En revanche, elle ne compte pas s’arrêter au niveau A2 requis pour le test, puisque la raison principale de son apprentissage est «une question d’intégration». «J’aimerais arriver à des niveaux plus hauts, aller jusqu’à B2», dit-elle.

Elle ferait donc partie de l’exception, puisque, au-delà du niveau A2, ils sont peu nombreux à continuer, selon Luc Schmitz, le directeur adjoint de l’INLL : «On constate que la plupart vont jusqu’au niveau A2 de luxembourgeois uniquement pour passer le Sproochentest. Après, il y a encore un peu de gens en B1, mais en B2, il y en a vraiment beaucoup moins. Il ne reste que ceux qui veulent se perfectionner.»

À l’instar des travailleurs frontaliers français, apprendre le luxembourgeois fait aussi grandement partie du développement professionnel pour les résidents non luxembourgeois.

Avec un niveau A2 dans le monde du travail, ou ailleurs, «il y a encore beaucoup de fautes et beaucoup d’expressions étrangères remixées, mais on peut se débrouiller et avoir une bonne base», reconnaît Luc Schmitz.

«Les cours ne se suffisent pas»

Malgré des facilités «avec huit années d’allemand et le fait qu’il y a beaucoup de mots similaires au français», Francesca ne cache pas qu’elle rencontre quelques difficultés. «Il y a la prononciation qui est très compliquée et le fait que c’était un dialecte parlé, et donc ce n’est pas toujours très logique, contrairement à l’allemand.»

Apprendre le luxembourgeois n’a rien de facile ni de rapide. «Avant ce cours, j’avais fait un cours intensif en six mois, mais c’était très dur et les bases n’étaient pas aussi bonnes», témoigne l’apprenante. «Ce qui est compliqué, c’est de trouver du temps, puisque l’on a trois leçons par semaine et qu’il faudrait idéalement travailler un petit peu tous les jours.»

Elle aussi francophone, mais de nationalité belge, Amélie confirme que la charge de travail est considérable. «Il faut travailler en plus, car les cours ne se suffisent pas», avertit-elle en connaissance de cause, puisqu’elle-même enseigne le français à l’Institut national des langues.

Malgré son amour pour les langues et son expérience de professeur, l’enseignante gravit tranquillement les échelles de l’apprentissage luxembourgeois depuis trois ans à l’INLL, en faisant preuve de la rigueur nécessaire.

Pourtant, lors de son arrivée au Grand-Duché il y a treize ans, la Belge avait pris des cours dans le privé, «pour me faire comprendre dans le secteur du commerce où je travaillais». Son expérience passée en témoigne : «La langue facilite l’intégration au Grand-Duché.»

Même si les bases peuvent être dures à conserver, «car les gens sont bienveillants et changent rapidement de langue quand c’est compliqué, ce qui est un avantage comme un inconvénient».

Un succès exponentiel

Parmi les langues les plus apprises à l’INLL, le français est en tête depuis des années, suivi par le luxembourgeois, qui connaît une hausse spectaculaire.

En dix ans, le nombre d’apprenants a explosé de 92 %, passant de 2 966 en 2013/2014 à 5 686 en 2023/2024. Sur la même période, le pourcentage d’augmentation de la fréquentation des cours de français est inférieur de 50 points.

Afin d’expliquer ce phénomène, le directeur adjoint de l’INLL évoque deux raisons : une «volonté politique» avec, par exemple, «l’instauration d’un commissaire pour la promotion de la langue en 2018» et le fait que «de plus en plus d’offres d’emploi mentionnent la nécessité de parler luxembourgeois».

Luc Schmitz ajoute que si l’INLL ne dispose pas de statistiques sur les pays d’origine de ses apprenants, «ce qui est sûr, c’est que les Français constituent la nationalité la plus représentée dans les cours de luxembourgeois».