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Langue luxembourgeoise : les enjeux du débat


Le débat public débutera ce lundi à 14 h à la Chambre. Les députés entendront d'abord les signataires de la pétition pro-luxembourgeois comme première langue officielle. (photo archives LQ)

C’est ce lundi que les deux débats portant sur l’usage des langues au Luxembourg se déroulent à la Chambre des députés. Il y est question du luxembourgeois comme première langue officielle.

Les partisans du luxembourgeois comme première langue officielle n’auront guère de soutien du côté politique. Parce qu’il faut rester réaliste, disent l’ensemble des politiques mis à part l’ADR. Même si la langue luxembourgeoise n’a jamais été aussi vivante et usitée, certains la sentent en danger. Il faut donc les rassurer.

Nous y sommes. Le débat public qui se tiendra ce lundi après-midi à la Chambre des députés sera certainement celui qui suscitera le plus d’intérêt parmi la population. Deux pétitions à la suite seront débattues, toutes deux ayant trait à l’usage des langues et à leur hiérarchie dans le quotidien des Luxembourgeois, de souche ou adoptés.

La première, introduite par Lucien Welter, réclame que le luxembourgeois devienne la première langue officielle du pays. Elle a recueilli 14  724  signatures et son auteur viendra défendre sa position qui ne sera pas celle, selon toute vraisemblance, de la majorité des partis politiques qui seront à son écoute, à l’exception de l’ADR.

Même s’ils sont nombreux à plaider pour l’introduction du luxembourgeois dans les documents administratifs, législatifs et judiciaires, la classe politique ne peut pas les suivre sur ce terrain. Tous se sont exprimés sur le sujet depuis longtemps et, s’ils reconnaissent la place du luxembourgeois comme langue d’intégration, ils jugent linguistiquement impossible et économiquement suicidaire d’adopter la langue nationale comme première langue officielle, selon la revendication de Lucien Welter.

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L’auteur de la pétition, précisons-le, n’entend pas supprimer le français et l’allemand de la liste des langues officielles du pays, mais plutôt ajouter le luxembourgeois devant les deux autres. Outre le coût de traduction que nécessiterait cette opération, les politiques n’en voient pas l’utilité, mais craignent au contraire un affaiblissement du multilinguisme qui forge la véritable identité du pays. «Ah ces Luxembourgeois, ils parlent toutes les langues!» Cette petite phrase bien souvent entendue doit faire la fierté de ce petit pays prospère parce que ouvert.

Simplifier le français

C’est ce que pense la contre-pétition (5  190 signatures) déposée par Joseph Schloesser. «C’est grâce à notre multilinguisme que nos gouvernants ont réussi à maintenir notre pays dans sa prospérité de naguère. L’avenir ne s’annonçait pas aussi prometteur à la fermeture du dernier haut-fourneau à Esch-Belval, en 1993. Pourtant, et heureusement, des sociétés comme Goodyear et plus d’une centaine de banques ont été, notamment, séduites par notre multilinguisme et se sont installées chez nous», écrit l’auteur de la contre-pétition dans ses motivations. Une position que partage toute la classe politique.

En revanche, le texte de Joseph Schloesser qui ne voit pas l’utilité d’introduire plus de luxembourgeois dans les écoles est discutable. En effet, si les députés qui seront à l’écoute des pétitionnaires cet après-midi ne conçoivent pas la place du luxembourgeois comme première langue officielle, ils ne sont pas opposés à lui donner plus d’importance à l’école et, surtout, estiment qu’il reste la langue de l’intégration.

D’ailleurs, le luxembourgeois n’a jamais été aussi partagé qu’aujourd’hui. À l’oral comme à l’écrit, il s’impose dans le quotidien de la société. Pour ceux qui défendent sa prédominance dans les actes officiels, il s’agit surtout de combattre le français. Les politiques admettent que le jargon judiciaire est indigeste, même pour les francophones. La médiateure Lydie Err avait d’ailleurs relevé dans ses rapports la difficulté que représentait le langage administratif et judiciaire pour les nombreux non-initiés.

Sur les réseaux sociaux et dans les médias, certains partisans de Lucien Welter ont profité de l’occasion pour déverser des propos clairement xénophobes, si bien que ce dernier s’est distancé d’un mouvement comme «Nee 2015», comme il l’a fait savoir sur la page Facebook du groupe créé à l’occasion du référendum relatif au droit de vote des non-nationaux auquel, bien sûr, il était opposé.

À partir de 14  h ce lundi, les députés entendront d’abord les signataires de la pétition pro-luxembourgeois comme première langue officielle et, ensuite, ils écouteront les arguments de ceux qui s’y opposent.

«Qui peut donc croire que la langue luxembourgeoise est « condamnée » à disparaître? Notre langue évolue et se métamorphose. Elle ne s’éteindra qu’avec le dernier Luxembourgeois et ce n’est pas pour demain. Alors pourquoi cet alarmisme?», s’interroge Joseph Schloesser. Il viendra chercher sa réponse cet après-midi au Parlement.

Geneviève Montaigu