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Lana Despotovic, présidente du Parlement des jeunes : «Notre voix doit être entendue»


«Chacun doit avoir le sentiment d’être entendu, c’est essentiel pour moi. Au Parlement des jeunes, on peut s’exprimer librement et sans jugement.» (photo Hervé Montaigu)

À 18 ans, Lana Despotovic prend la présidence du Jugend Parlament pour la session 2025/2026, avec l’ambition de donner davantage de poids à cette plateforme qui rassemble 123 jeunes de tout le pays.

Déjà cinq ans que Lana Despotovic s’investit au sein du Jugend Parlament : simple membre, puis chargée des réseaux sociaux au bureau exécutif, avant d’assurer la vice-présidence aux côtés de Niels Huberty l’année dernière, la voilà aujourd’hui présidente de cette réplique miniature de la Chambre des députés dédiée à la jeunesse. Un accomplissement pour cette lycéenne eschoise de 18 ans au visage poupon, mais à la détermination sans faille, entrée officiellement en fonction le 25 octobre lors de l’assemblée plénière inaugurale.

Après avoir largement contribué aux efforts d’ouverture et d’inclusion menés ces dernières années par le Parlement des jeunes, elle compte bien poursuivre sur cette voie, en tant que présidente cette fois, y voyant un levier efficace pour cultiver l’intérêt des jeunes pour la politique.

Après quatre ans au sein du Parlement des jeunes, vous voilà présidente. C’est une pression plus importante ?

Lana Despotovic : J’étais super nerveuse lors de l’élection, parce que je voulais tellement décrocher ce poste. C’est ma troisième année dans le bureau exécutif, donc j’ai cette expérience : je sais comment ça marche, ce n’est pas quelque chose de nouveau. Par contre, mener un groupe, modérer des réunions, pouvoir diriger une équipe toute entière, ce sera une première pour moi, et ça me motive beaucoup ! Je trouve notre bureau exécutif – qui a été entièrement renouvelé pour cette session 2025/2026 – super qualifié, alors ça me donne envie de m’investir encore plus et je n’ai pas peur.

En parallèle, vous êtes aussi ambassadrice pour l’Unicef et pour le climat : d’où vous vient ce goût pour l’engagement ?

Je ne sais pas vraiment. D’abord, je crois que j’ai toujours été très touchée par les inégalités sociales dans le monde, puis je me suis vite passionnée pour la politique, et surtout le débat. À 12 ans, j’ai commencé à m’intéresser à l’actualité, aux conflits armés et au domaine de l’éducation, particulièrement au système éducatif luxembourgeois. Pour moi, tout ça, c’étaient des pistes de réflexion intéressantes. D’ailleurs, si j’avais pu, j’aurais voulu faire partie du Jugend Parlament dès cette époque-là, mais l’âge minimum était fixé à 14 ans. C’est pour ça que je me suis inscrite au club de débat dans mon école : c’est comme ça que je me suis lancée, même si ce n’était pas facile, car je ne maîtrisais pas bien la langue.

Comment s’annonce cette session 2025/2026 en termes de participation ?

Le succès a été tel au niveau des candidatures au Jugend Parlament qu’on a dû ouvrir une liste d’attente, tellement on a reçu de demandes. Nous sommes finalement 123 membres pour 120 places ! Idem pour les inscriptions à notre plénière inaugurale fin octobre : on a dû clôturer les inscriptions un jour plus tôt que prévu. La capacité de la salle au Casino syndical se limitait à 70 personnes. Cet engouement est une super nouvelle, après quelques années postcovid difficiles où on était tombés à une vingtaine de membres à peine. Nos efforts et notre stratégie de recrutement ont payé. Le Parlement des jeunes représente aujourd’hui toutes les écoles du pays.

Sur quelles compétences acquises ces dernières années au Jugend Parlament allez-vous pouvoir vous appuyer pour cette nouvelle mission ? 

Mon expérience du débat, la coopération avec d’autres jeunes, comment trouver des compromis, prendre la parole en public ou modérer une commission d’une trentaine de membres, ce qui n’est pas évident à gérer ! Tout ça, je vais pouvoir m’en servir en tant que présidente. Parvenir aussi à inclure tout le monde, y compris ceux qui sont plus introvertis et ne veulent pas parler devant 30 autres jeunes.

Comment faites-vous dans ces cas-là ? 

J’essaye d’adopter une approche personnalisée, de parler avec eux au moment des pauses par exemple. Je leur demande leur avis sur ce qui a été discuté jusque-là, s’ils ont des idées que je pourrai ensuite porter en leur nom ? Chacun doit avoir le sentiment d’être entendu, c’est essentiel pour moi. Au Parlement des jeunes, on peut s’exprimer librement et sans jugement.

Cette mobilisation autour du Jugend Parlament reflète-t-elle l’intérêt réel des jeunes pour la vie politique ? 

Oui, je pense. Quand on mène des actions et des ateliers dans les écoles du pays auprès de jeunes qui ne sont pas spécialement engagés comme nous dans une organisation ou une association, on voit bien qu’ils ont une curiosité pour ces sujets, et qu’ils sont préoccupés par ce qui se passe dans le monde. On le constate vraiment sur le terrain. Et, bien sûr, au sein du Parlement des jeunes, chaque année, on rassemble plus d’une centaine de jeunes de 14 à 24 ans qui s’investissent et manifestent leur intérêt pour débattre sur des thèmes complexes comme le marché unique ou des choses du quotidien comme les transports.

Quelles sont les préoccupations de la jeunesse aujourd’hui au Luxembourg ? 

Je dirais la guerre en Ukraine et à Gaza et, plus globalement, toutes les questions liées à la défense européenne. Ensuite, le changement climatique ou encore les inégalités socio-économiques qui se creusent entre riches et pauvres. Et puis, au Luxembourg, l’éducation fait partie des sujets récurrents. On a rédigé une résolution sur la modernisation des programmes, une autre sur l’encadrement des stages et encore une autre sur l’année de 1re au lycée. L’inclusion et les inégalités dans le milieu scolaire les préoccupent aussi.

Pourquoi, selon vous, il est important de s’engager ?

On doit s’engager parce que la génération du futur, c’est nous ! L’avenir, c’est nous ! Si on ne s’intéresse pas à la politique ou aux décisions qui sont prises, ça veut dire qu’on laisse d’autres choisir à notre place, et ça, pas question. La voix de la jeunesse compte et elle doit être entendue.

Le droit de vote à 16 ans était votre cheval de bataille. C’est toujours le cas ?

Oui, bien sûr. On prévoit de consulter nos membres pour savoir s’ils souhaitent prendre position là-dessus avant de lancer ce débat.

Cette année, on aimerait pouvoir prendre position sur des sujets d’actualité

Le bureau a fait des efforts pour plus de diversité au Jugend Parlament. Quels sont les résultats ?

On n’a aucune donnée concernant la nationalité car on ne la demande pas lors de l’inscription, mais aujourd’hui, nous regroupons des membres issus des quatre coins du Grand-Duché, pas seulement de la capitale. Toutes les écoles du territoire, y compris les écoles internationales, sont représentées, et on a aussi de nombreux membres qui suivent des études à l’étranger. On parle l’anglais, car c’est la langue qu’on a tous en commun, et en commission, on peut parler deux ou trois langues différentes afin de s’adapter à chacun.

Au niveau de l’âge, nos membres ont 16-17 ans en moyenne, et sont plutôt des garçons. Du côté des filles, on a encore des progrès à faire : si elles représentaient 60 % de notre assemblée il y a deux ans, cette année, leur part a chuté à 40 %. Pour moi, ce n’est pas acceptable : on doit absolument recruter des filles et des femmes, il faut analyser les raisons de cette situation et agir.

Quelle est votre analyse sur ce manque de filles ?

Je pense – et c’est aussi ma propre expérience – qu’elles ont un peu plus peur de prendre la parole et d’affirmer leurs idées que leurs homologues masculins. Tout simplement parce qu’elles n’y sont pas encouragées ou, en tout cas, beaucoup moins que les garçons. Sans parler des préjugés visant les femmes avec des responsabilités ou un rôle un peu important. Il y a toujours des préjugés, de la part des garçons comme des filles d’ailleurs. Mais on voit bien que les garçons ont davantage confiance en eux. C’est la société qui est comme ça : ces stéréotypes sont ancrés si profondément que pour beaucoup de gens, c’est normal. Ils ne remarquent même pas le problème.

Quels objectifs vous êtes-vous fixés en tant que présidente ?

On veut avant tout diversifier notre recrutement, augmenter la participation sur nos réseaux sociaux pour faire connaître le Parlement des jeunes et faire en sorte qu’on soit entendus et vus par la population jeune du Luxembourg. Cette année, on aimerait prendre position sur des sujets d’actualité et être capable de le faire rapidement, pour rester pertinent.

Êtes-vous pris au sérieux par vos aînés à la Chambre et au gouvernement ?

Je crois que oui. Au dernier hearing, les ministres Xavier Bettel et Yuriko Backes sont venus écouter nos idées et poser leurs questions. J’étais très contente de voir aussi le grand nombre de députés présents. Ils ont vraiment participé au débat et se sont intéressés à ce que la jeunesse pense. En ce moment, on rencontre également des partis politiques pour leur présenter nos résolutions et avoir un impact. Et chaque année, le président de la Chambre des députés nous sollicite pour creuser certaines thématiques. Pour cette session, il s’agit de la défense et de la sécurité au Luxembourg.

Repères

État civil. Lana Despotovic est née le 13 avril 2007 dans une petite ville de Serbie, où elle a passé son enfance, entourée de ses parents et de son grand frère. Elle vit aujourd’hui à Esch-sur-Alzette.

Scolarité. Arrivée au Luxembourg à l’âge de 8 ans, elle apprend vite les langues du pays et se révèle une élève brillante, dotée d’un esprit affûté. Elle participe au club débat du lycée Hubert-Clément, où elle est actuellement en classe de 1re.

Engagement. Elle intègre le Jugend Parlament en 2021, avant d’être élue membre du bureau exécutif en 2023, vice-présidente en 2024, et présidente en juillet dernier. Lana Despotovic est ambassadrice de l’Unicef Luxembourg depuis trois ans et du Pacte européen pour le climat pour le Luxembourg.

Loisirs. Dès qu’elle a un peu de temps libre entre l’école et ses multiples mandats, la jeune femme se plonge dans la lecture – plutôt des essais et des biographies –, une de ses grandes passions avec la pâtisserie.

Avenir. Pour la suite, elle se projette déjà dans des études supérieures à l’étranger, en sciences politiques, en relations internationales ou en droit, afin d’approfondir ses thèmes de prédilection : les questions de société, les affaires politiques, les inégalités sociales et l’inclusion.

Le Parlement des jeunes

Le Jugend Parlament fonctionne sur un modèle similaire à celui de la Chambre des députés. Cinq commissions permanentes – Affaires étrangères et européennes, Économie et Travail, Éducation, Environnement, Égalité des chances et Intégration – se réunissent de novembre à février pour creuser les sujets choisis par les membres. Les résolutions qui en sortent sont ensuite votées en plénière avant d’être soumises aux députés.

Ces dernières années, les jeunes ont ainsi été les premiers à demander la réforme du Cepas, la séparation de l’Église et de l’État ou à alerter sur la menace russe dès l’annexion de la Crimée. Le mouvement Youth4Climate, qui avait poussé 10 000 jeunes dans les rues de la capitale en 2019, trouve aussi son origine dans les rangs du Jugend Parlament.

Le recrutement est possible toute l’année pour les 14-24 ans qui résident au Luxembourg ou y fréquentent un établissement scolaire. Les réunions se déroulent deux fois par mois (vendredi ou samedi) et des formations en rhétorique, négociation et travail en équipe sont dispensées. La session 2025/2026 affiche complet, mais une liste d’attente est ouverte.

jugendparlament.lu

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