Sept candidats, une vainqueure, Laura Thorn, et beaucoup de surprises : le Luxembourg Song Contest a retrouvé une Rockhal pleine à craquer pour sa deuxième édition, confirmant un succès et des envies de grandir toujours plus affirmés.
C’est l’histoire d’«un petit pays avec une grande voix»… qui compte bien porter plus fort, et plus loin, d’année en année. Cinq fois vainqueur de l’Eurovision (en 1961, 1965, 1972, 1973 et 1983), le Luxembourg a opéré son retour en grande pompe l’année dernière, après trente ans d’absence à l’évènement, avec une première édition du Luxembourg Song Contest qui a vu le triomphe de Tali. Si, à Malmö, l’interprète de Fighter s’en est tirée avec une honorable treizième place, à l’intérieur du Grand-Duché, sa chanson retentit désormais comme un hymne non officiel.
C’est d’ailleurs avec cette ode au courage et à la résilience qu’a été inaugurée samedi soir la deuxième édition d’un rendez-vous dorénavant annuel – et incontournable –, dans une version à 19 voix, soit la totalité des candidats, rejoints par l’interprète originelle en personne. Comme un passage de flambeau, ou une manière de boucler la boucle, Tali a remis en fin de soirée le trophée du LSC à Laura Thorn, largement plébiscitée par le jury et deuxième dans le cœur du public, et qui représentera à son tour le pays en défendant La Poupée monte le son à Bâle, en mai.
Car le message implicite transmis le long d’une soirée riche en musiques entêtantes, en paillettes et en surprises, c’est qu’il faudra désormais compter sur le Luxembourg à l’Eurovision Song Contest (ESC), et que le pays semble se donner les moyens de développer une stratégie qui lui est propre afin de reprendre ses droits.
D’abord, dénicher les perles rares parmi les talents – à l’image de la grande gagnante de la soirée –, quand l’édition 2024 jouait la carte du grand retour en misant notamment sur des têtes d’affiche nationales à la fanbase affirmée (CHAiLD et Edsun) ou des candidats déjà formés au format du télécrochet (Joel Marques, Naomi Ayé).
Des signes qui ne trompent pas
Ensuite, une ambition renouvelée, tant pour les moyens donnés aux candidats que pour la mise en place de l’évènement, produit cette année par la société One2Remember, basée en Ukraine et en Estonie. Le plan de la grande salle de la Rockhal a été repensé pour accueillir un public en plus grand nombre et qui n’hésite pas à venir de loin (sauf pour quelques fans irlandais restés bloqués outre-Manche à cause de la tempête Eowyn), tandis que la scène surélevée, tout en écrans LED, semblait s’inspirer de la mise en scène vue au printemps dernier à Malmö.
«L’an dernier, tout était nouveau, on avait peu de temps pour tout organiser et il nous a fallu apprendre très vite, rembobine Jeff Spielmann, responsable médias ESC pour le Luxembourg. Maintenant qu’on connaît les roulements, on savait ce qui nous attendait.»
Il y a, en outre, des signes qui ne trompent pas. Exit le «nation branding» tapageur de l’année dernière, le hall de la salle eschoise ressemblait davantage à un petit terrain de jeu, les sponsors toujours mis en évidence, certes, mais les yeux et les oreilles davantage tournés vers le petit karaoké où se succédaient des spectateurs de tous âges avant de prendre place au pied de la scène ou dans les gradins.
Même la présence des officiels, eux aussi plus nombreux qu’en 2024 (le chef du gouvernement, Luc Frieden, et son prédécesseur, Xavier Bettel, ainsi que les ministres Eric Thill, Elisabeth Margue et Yuriko Backes), est restée discrète. Restaient les drapeaux luxembourgeois distribués aux quelque 2 000 spectateurs.
De quoi donner des airs de rassemblement politique à la soirée, mais la diversité du public, qui s’est en bonne partie déplacé hors des frontières du Luxembourg, depuis la Belgique, le Portugal, l’Espagne ou le Royaume-Uni (idem pour la centaine de journalistes présents sur place), traduisait plutôt son soutien à un pays fondateur de l’Eurovision resté trop longtemps hors compétition.
En mars, ça repart
Pour ce qui est du show lui-même, le LSC, loin d’être avare en surprises, a néanmoins su les ménager, en transformant en instants mémorables celles qui avaient du sens. Ainsi, Conchita Wurst, vainqueur de l’Eurovision 2014 pour l’Autriche, réinventé pour l’occasion en coprésentateur fantasque, a non seulement dévoilé une nouvelle chanson en exclusivité, Waters Run Deep, et annoncé un nouvel EP attendu en avril («juste à temps pour l’écouter en boucle à Bâle», a-t-il plaisanté), il a aussi accompagné la demande en mariage d’un spectateur, inattendue et pleine d’émotion.
Et que dire de l’apparition de Marie Myriam, qui s’est retirée de la scène en 2013, et qui a pourtant accepté de reprendre L’Oiseau et l’enfant, titre qui lui a valu la première place à l’Eurovision il y a 48 ans, pour la dernière victoire en date de la France? Notons par ailleurs que les deux artistes ont littéralement traversé l’écran dans lequel, l’année dernière, ils transmettaient à distance leurs vœux de bonheur pour le retour du Luxembourg à l’ESC : ces derniers jours, ils étaient sur place pour noter, mais surtout «soutenir», les sept candidats luxembourgeois.
La jurée française avait d’ailleurs prédit plus tôt samedi que le public aurait «beaucoup de mal à choisir» parmi les prétendants à Bâle. Le spectacle lui aura donné raison, entre l’impressionnant son et lumières qui sublimait la prestation de Luzac (Je danse), la simplicité pleine de bonnes ondes délivrée par Zero Point Five (Ride a d’ailleurs surpassé La Poupée monte le son à l’applaudimètre et dans le vote du public), la mise en scène «beyoncesque» de Rafa
Ela (No Thank You) et, bien sûr, la maison de poupée de Laura Thorn, dans laquelle on chante, on danse et on se prête à toutes sortes d’acrobaties. Selon des bruits de couloir, Marie Myriam, qui connaît bien son sujet, aurait glissé que la vainqueure du LSC a toutes ses chances pour l’emporter aussi à Bâle, malgré la concurrence.
Un premier élément de réponse est donc attendu le 13 ou le 15 mai prochain, lors des demi-finales de l’ESC. Entre-temps, Laura Thorn est attendue en Suisse en mars, où elle commencera à travailler à donner une nouvelle dimension à son show. C’est tout un pays qui s’impatiente.