L’Allemagne a désigné dimanche comme chef d’Etat son ancien chef de la diplomatie Frank-Walter Steinmeier, présenté par la presse comme un « anti-Trump » et qui a d’emblée promis de défendre la démocratie contre le « populisme ».
« L’histoire de cette République » allemande, née sur les ruines du IIIe Reich, « est en réalité le meilleur argument contre le populisme et tous ceux qui croient que parce que le monde est devenu plus compliqué, les réponses doivent être plus simples », a déclaré le responsable social-démocrate sur la chaîne ARD peu après son élection.
À 61 ans, Frank-Walter Steinmeier a été élu par 75% des voix d’une assemblée de quelque 1.240 grands électeurs, parlementaires des deux chambres pour la plupart ainsi que quelques représentants de la société civile.
La fonction de président en Allemagne est surtout honorifique mais mais elle a valeur d’autorité morale.
Dans son premier discours de président, il s’est gardé de faire directement référence à la situation aux Etats-Unis. Mais il a appelé à « défendre » la « démocratie et la liberté » au moment où elles sont mises en cause. « Lorsque les bases (de la démocratie) vacillent il nous faut plus que jamais les soutenir » a-t-il ajouté.
Frank-Walter Steinmeier était assuré d’être élu en raison du soutien de son parti et des démocrates-chrétiens de la chancelière Angela Merkel, alliés au sein de la coalition gouvernementale actuelle.
Reconnaissable à sa chevelure d’un blanc immaculé et à ses lunettes cerclées, celui qui fut ministre des Affaires étrangères un peu plus de sept ans au total, jusqu’à la fin du mois dernier, succède à la présidence à Joachim Gauck, un ancien pasteur dissident de la RDA communiste.
Connu pour son franc-parler, Frank-Walter Steinmeier s’est distingué l’an dernier par ses saillies à l’encontre de Donald Trump. Durant la campagne électorale américaine, il l’a qualifié de « prédicateur de haine ». « Steinmeier veut être un président anti-Trump », résume le quotidien Berliner Morgenpost.
Très apprécié en Europe de l’Ouest, ce proche de l’ex-chancelier Gerhard Schröder l’est moins en Europe de l’Est où ses positions jugées parfois pro-Moscou ont suscité l’inquiétude. Il avait critiqué l’an dernier le renforcement de l’Otan à la frontière avec la Russie en parlant de « bruits de bottes » inutiles.
La président russe Vladimir Poutine a félicité M. Steinmier, se disant « certain » que sa nomination « contribuera au développement des relations russo-allemandes ». Le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault lui a dit pour sa part toute sa confiance « pour contribuer à l’unité de l’UE ».
Sur le plan intérieur, l’élection de Frank-Walter Steinmeier constitue un nouveau signe de l’affaiblissement politique d’Angela Merkel à moins de sept mois des élections législatives, cette fois face aux sociaux-démocrates.
« Du point de vue des sociaux-démocrates, l’élection de Steinmeier est le prélude à quelque chose de beaucoup plus important: une victoire au scrutin de septembre contre Merkel », juge Michael Bröning, politologue à la Fondation Friedrich Ebert, proche du SPD.
La chancelière conservatrice a dû se résigner en fin d’année dernière à le soutenir, faute d’avoir pu faire émerger un candidat de son camp suffisamment fort. Un camouflet politique pour elle.
Alors qu’elle a longtemps semblé indéboulonnable à la chancellerie, Angela Merkel se retrouve comme jamais en danger. À droite elle doit compter avec les critiques du mouvement nationaliste AfD contre sa décision en 2015 d’ouvrir les portes du pays à des centaines de milliers de migrants. Et à gauche, les sociaux-démocrates effectuent une remontée spectaculaire dans les intentions de vote depuis qu’ils ont désigné un nouveau chef de file au verbe haut, l’ex-président du Parlement européen Martin Schulz.
Le SPD a bondi en deux semaines de jusqu’à dix points dans les intentions de vote. Un sondage de l’institut Emnid publié dimanche par le quotidien Bild crédite le SPD de 32% contre 33% au parti de la chancelière. « Est-ce le début de la fin de l’ère Merkel? », s’interroge le journal, tandis que l’hebdomadaire Der Spiegel parle du « crépuscule de Merkel » en couverture.
Le Quotidien / AFP