C’est un incroyable rebondissement : près de 33 ans après l’assassinat du petit Grégory dans les Vosges, cinq interpellations ont eu lieu mercredi matin, selon des sources officielles et la presse locale. Il s’agit de membres de la famille Villemin.
Le procureur général de Dijon a d’abord annoncé mercredi après-midi les interpellations de trois personnes par les gendarmes de la section de recherche de Dijon, en matinée dans la vallée de la Vologne. Dont un couple de septuagénaires qui a été placé en garde à vue pour « complicité d’assassinat, non-dénonciation de crime, non-assistance à personne en danger et abstention volontaire d’empêcher un crime », selon une information de L’Est Républicain.
De source proche du dossier, on a appris un peu plus tard que cinq personnes ont interpellées au total : il s’agit de l’oncle et la tante de Jean-Marie Villemin (le père de Grégory) prénommés Marcel et Jacqueline, ainsi qu’une belle-sœur, Ginette Villemin. La grand-mère de Grégory, Monique Villemin, est également actuellement entendue mais en audition libre, son état de santé ne permettant pas son placement en garde à vue. Son mari, Albert Villemin, est également entendu sans qu’on connaisse pour l’instant le régime de cette audition. L’oncle et la tante septuagénaires ainsi que la grand-mère ont été arrêtés dans le village d’Aumontzey et la belle-sœur à Arches.
L’affaire Grégory figure, avec notamment le double meurtre de Montigny-lès-Metz de 1986 pour lequel le tueur en série Francis Heaulme a récemment été reconnu coupable, parmi les plus grandes énigmes criminelles françaises. Grégory Villemin, 4 ans, avait été retrouvé mort ligoté dans la Vologne, à Lépanges, au soir du 16 octobre 1984.
Odyssée médiatique et naufrage judiciaire
Le drame est très vite devenu une odyssée médiatique et un naufrage judiciaire. Bernard Laroche, un cousin de Jean-Marie Villemin, avait d’abord été soupçonné : inculpé d’assassinat, un temps incarcéré, il avait été remis en liberté le 4 février 1985. Convaincu de sa culpabilité, Jean-Marie Villemin l’abat d’un coup de fusil de chasse un mois plus tard. Il sera condamné pour ce meurtre à 4 ans de prison en 1993.
En juillet 1985, le juge Jean-Michel Lambert opère un spectaculaire revirement : il porte ses soupçons vers la mère du garçonnet, Christine Villemin, qui sera totalement innocentée en 1993 au terme d’un non-lieu retentissant pour « absence totale de charges », formule inédite aux accents d’excuse et d’aveu d’erreur judiciaire.
L’affaire a été rouverte en 1999 puis en 2008 pour tenter de confondre d’hypothétiques traces d’ADN sur les scellés, dont les cordelettes qui ont servi à attacher la victime et les lettres d’un mystérieux corbeau. Certains mélanges génétiques ont pu être isolés, et étaient en cours de comparaison avec les prélèvements de 280 personnes figurant dans le dossier.
Les dix grandes dates de l’affaire Grégory
16 octobre 1984. Le corps de Grégory Villemin, 4 ans, est découvert dans la Vologne, pieds et mains liés. Son oncle a reçu quelques heures plus tôt l’appel téléphonique d’un corbeau revendiquant l’assassinat. Le lendemain, lettre anonyme à ses parents, Jean-Marie et Christine Villemin : « Ton fils est mort. Je me suis vengé. »
5 novembre 1984. Bernard Laroche, cousin de Jean-Marie, est inculpé d’assassinat par le juge Jean-Michel Lambert et écroué. Sa belle-sœur, Murielle Bolle, et des expertises graphologiques le dénoncent. Deux jours après, Murielle Bolle se rétracte.
29 mars 1985. Jean-Marie Villemin, qui le tient pour le meurtrier, tue d’un coup de fusil Bernard Laroche, libéré peu avant.
5 juillet 1985. Christine Villemin, désignée comme possible corbeau par des graphologues, est inculpée. Elle est mise durant quelques jours en détention préventive.
3 février 1993. Non-lieu pour Christine Villemin, dont l’arrêt de renvoi aux assises, rendu en décembre 1986, avait été cassé en 1987.
16 décembre 1993. Jean-Marie Villemin est condamné à 5 ans d’emprisonnement, dont un avec sursis, pour le meurtre de Bernard Laroche. Il sera libéré quelques jours après, ayant purgé l’essentiel de sa peine en détention préventive, de mars 1985 à décembre 1987.
30 juin 2004. L’État est condamné à verser 35 000 euros à chacun des parents de Grégory pour dysfonctionnement de la justice.
3 décembre 2008. La cour d’appel de Dijon, saisie par les époux Villemin, ordonne la réouverture de l’enquête pour une nouvelle recherche d’ADN. Une précédente analyse d’ADN, en 2000-2001, n’avait rien donné.
24 avril 2013. Le procureur général de la cour d’appel de Dijon, Jean-Marie Beney, présente les résultats non concluants des dernières analyses ADN et annonce que le dossier n’est pas clos, mais que d’un point de vue scientifique, « l’espoir » de trouver le coupable « s’éloigne ».
14 juin 2017. L’affaire est relancée dans un énième rebondissement : l’oncle et la tante de Jean-Marie Villemin, ainsi qu’une belle-sœur, sont interpellés et placés en garde à vue dans les Vosges, et la grand-mère de Grégory, Monique Villemin, est également entendue, mais en audition libre en raison de son état de santé. Son mari, Albert, est également entendu.