Le projet de loi visant à augmenter la présence du sexe sous-représenté dans les CA des sociétés cotées en bourse, a finalement donné lieu à un éclat entre l’ADR et les autres partis.
C’était le dernier point à l’ordre du jour d’une longue séance, mercredi dernier, jour du débat sur le budget de l’État. Les députés étaient enfermés depuis douze heures à la Chambre et plus personne n’avait envie de se lancer dans de grands discours. Surtout pas pour un projet de loi que les uns et les autres entendaient approuver sans le commenter.
La rapporteuse, Diane Adehm (CSV), avait pris cinq minutes pour le résumer et donner, dans la foulée, l’approbation de son parti. Pour le DP, Guy Arendt s’était contenté de prendre le micro pour dire que son parti voterait pour. C’était compter sans l’intervention de l’ADR. Et de toute cette journée, c’était aussi le point qui a entraîné le plus de remous dans la salle plénière.
Quand il s’agit d’égalité hommes-femmes ou de droits de la femme en général, les autres partis peuvent s’attendre à une réaction épidermique de l’ADR. Cette fois, il s’agissait de transposer une directive du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes.
La directive vise à augmenter significativement la présence du sexe sous-représenté dans les organes d’administration des sociétés cotées, soit une trentaine d’entreprises concernées au Luxembourg. À cet effet, le projet de loi introduit un objectif quantitatif en matière d’équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs de sociétés cotées.
Les sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé dans un ou plusieurs États membres et ayant leur siège social au Luxembourg devront ainsi veiller à ce que, au plus tard le 30 juin 2026, les membres du sexe sous-représenté occupent au moins 33% de tous les postes d’administrateurs, tant exécutifs que non exécutifs. Pour des raisons de proportionnalité, la directive et le projet de loi visent avant tout les grandes sociétés cotées de l’économie réelle, les PME étant exclues du champ d’application.
L’ADR a réussi à irriter l’ensemble des députés en déclarant que les femmes s’apparentaient à «une communauté» et qu’il lui était difficile d’entendre l’expression «nous les femmes». Il avance d’ailleurs que de nombreuses femmes sont «contre les quotas». Dans le cadre des conseil d’administration, il ne serait question que de «compétences et de qualifications» et cela devrait être complètement égal qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, il pourrait même y avoir plus de femmes que d’hommes.
«Si vous introduisez des quotas, vous verrez de très bons personnels qui n’auront pas les places parce que des femmes les auront occupées», lance-t-il, en provoquant parfois l’hilarité des autres partis. Il critique le fait que le patron ne sera plus en mesure de décider qui sera membre de son CA, «vu que l’État lui aura imposé des quotas». Il se demande même pourquoi la Commission européenne s’occupe de ce genre de question. «On votera contre ce texte au nom de nombreuses femmes», conclut le député ADR.
«La moitié de la population»
Taina Bofferding (LSAP), qui défend ardemment le projet, tient tête à Fred Keup. Comme Sam Tanson (déi gréng). «Je voulais juste donner l’accord de ma section, mais votre prestation prouve combien il est important de voter ce texte. La présidente de votre parti (NDLR : la député Alexandra Schoos) est assise au deuxième rang», lui fait elle observer.
«J’appartiens à une communauté qui est en minorité dans cette Chambre et je suis toujours surprise d’entendre des hommes ici se faire le porte-parole des femmes», réplique Sam Tanson. «J’ai aussi un problème avec les quotas, car je serais heureuse si on en n’avait pas, mais ce n’est pas le cas (…) et je vous rappelle que des hommes incompétents sont nommés plus facilement qu’une femme», ajoute-t-elle.
Dans le camp ADR, Tom Weidig en rajoute une couche. «Les gens avec des handicaps, ceux issus de l’immigration sont aussi sous-représentés, pourquoi faire toujours cette seule différence entre hommes et femmes», questionne-t-il. «Parce que les femmes représentent la moitié de la population», lui répond Sam Tanson.
Le texte est finalement passé avec toutes les voix, sauf celles de l’ADR, donc cinq contre.
La Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) est désignée comme l’autorité compétente à laquelle les sociétés cotées sont tenues de fournir les informations sur la composition de leurs conseils.
Elle pourra également demander la communication des raisons pour lesquelles une société cotée n’a pas atteint cet objectif de 33% de femmes, ainsi qu’une description complète des mesures qu’elle a déjà prises ou qu’elle compte prendre pour y parvenir.
En outre, la CSSF a le pouvoir d’enjoindre aux sociétés de se conformer à leurs obligations. En cas de non-respect de ces obligations, elle est habilitée à prononcer des sanctions et à prendre des mesures administratives. L’Observatoire de l’égalité entre les genres est chargé de promouvoir et de soutenir l’équilibre entre les sexes dans les conseils, conformément à la nouvelle loi.