Sous perfusion depuis 1998, la «Villa» va retrouver sa raison de vivre – la création culturelle et le public – et son lustre d’antan. En 2029, elle deviendra un tiers-lieu ouvert à tous.
Des fans qui escaladent ses clôtures pour voir Grateful Dead en 1972, des midinettes venues attendre Jean-Jacques Goldman devant ses grilles au tout début des années 1980, les artistes du grand concours Eurovision de la chanson en 1962 et 1966, mais aussi les premiers clips vidéo tournés en son sein par Kim Wilde, Serge Gainsbourg et à peu près toutes les stars européennes des années 1980…
Si les murs de la Villa Louvigny pouvaient parler, ils auraient sans doute pas mal d’anecdotes à raconter. Ces murs justement vont être rénovés et, après une vingtaine d’années au service de la santé, ils vont pouvoir à nouveau vibrer de musique et faire rayonner la culture.
À deux pas de l’endroit où se dresse aujourd’hui le bateau pirate dans le parc municipal, RTL a, pendant des décennies, diffusé de bonnes ondes jusqu’en Scandinavie, concurrençant les radios pirates anglaises.
Dans une de ses autobiographies, Keith Richards se souvient avoir découvert Elvis sur «The Station of the Stars» qu’il écoutait en cachette sur son petit transistor bien avant que les vinyles des Rolling Stones ne tournent à leur tour sur les platines des DJ maison. Entre diffusion et production, une partie de notre pop culture contemporaine a transité par la Villa Louvigny, jusqu’à ce que RTL déménage en 1996.
Depuis 1998, la «Villa» était maintenue en vie par le ministère de la Santé. Elle va renaître dans toute sa splendeur en 2029, ont annoncé les ministres de la Culture et des Travaux publics hier matin lors d’une conférence de presse conjointe. La Villa Louvigny va se transformer en tiers-lieu culturel.
«Un lieu à vocation administrative, mais également culturel et de création», a indiqué Sam Tanson qui souhaite pérenniser le lien avec le public et les échanges. «On peut s’imaginer à terme une circulation et une participation du public, mais plus fluide que dans les endroits culturels classiques. Il y aura une programmation ponctuelle pour montrer la création en devenir.»
Un rafraîchissement «de fond en comble»
Le projet s’inspire des besoins identifiés par la scène culturelle luxembourgeoise et le plan de développement culturel. «Nous allons créer un endroit où on pourra produire, travailler, échanger, rencontrer le public», note la ministre. Kultur LX y trouvera un siège et les fédérations et réseaux culturels professionnels, des espaces administratifs et de travail.
Dans les étages de la grande tour notamment. «Nous voulons réunir les réseaux créatifs et leur donner la possibilité de se rencontrer, améliorer les conditions de travail des artistes en leur donnant un espace dédié, organiser des formations continues», énumère Sam Tanson, entre autres.
Un restaurant et un bar seront créés dans l’ancienne aile administrative du bâtiment pour accueillir le public et un petit amphithéâtre dans le parc remplacera les places de stationnement. La Villa Louvigny va subir un rafraîchissement «de fond en comble». Une intervention aussi discrète que les meilleures chirurgies esthétiques pour rendre à l’octogénaire son charme d’antan.
Le bâtiment, classé depuis 2018, sera rénové à l’identique. Même les 316 profonds et douillets fauteuils en velours fauve du grand auditorium seront conservés. Grand soin sera également apporté aux boiseries et au marbre art déco lors des travaux d’isolation et de mise en conformité des installations aux standards actuels. Seuls des escaliers de secours devraient modifier légèrement la physionomie du bâtiment.
La manière douce
«Nous allons procéder de manière douce. Nous voulons conserver le caractère du bâtiment et l’ambiance initiale», souligne Luc Dhamen, le directeur de l’administration des Bâtiments publics, en évoquant l’auditorium. La grande salle, où répétait le futur OPL, est revêtue du sol au plafond de panneaux de bois perforés de trous plus ou moins grands ou cachant des caissons.
«À nous de trouver le moyen de faire rentrer la ventilation, la sonorisation, l’éclairage sans qu’on les remarque ou de manière à ce qu’ils soient parfaitement intégrés au lieu. (…) Nous devrons travailler avec un soin extrême pour que les interventions contemporaines soient les plus discrètes possible.» Un défi énorme pour qui connaît la bâtisse.
Le petit studio, comme le nomme Luc Dhamen, qui à l’époque de RTL était le grand studio, va être entièrement insonorisé pour pouvoir être utilisé indépendamment de l’auditorium qu’il jouxte. «Nous allons installer une « box in the box » qui va l’isoler complètement phoniquement du reste du bâtiment», poursuit Luc Dhamen. «Toute la technique devra également y être refaite.»
Jadis y étaient enregistrées des émissions emblématiques de la chaîne comme Buona Domenica avec Rocco de Primis, Citron Grenadine animé par Jean-Luc Bertrand et Marylène Bergmann ou encore Chewing-Rock de Georges Lang. Autant de fantômes qui composent l’âme de la Villa Louvigny et dont seuls des kilomètres d’archives ou les souvenirs de ceux qui avaient leur nom au générique conservent aujourd’hui la trace.
Grâce à cette nouvelle affectation, de nouveaux souvenirs vont être créés et de nouveaux artistes émerger. Les premières estimations du coût de ce vaste et complexe chantier approchent les 70 millions d’euros. Un montant qui peut encore changer avant le vote du projet de loi définitif, l’année prochaine.
Les travaux pour réveiller la Villa Louvigny devraient débuter mi-2025 et durer quatre ans. D’ici là, «une association de préfiguration» planchera sur le concept de programmation et d’animation du tiers-lieu, ainsi que sur les moyens nécessaires pour y parvenir.
Entretemps, la patience est de mise pour les curieux qui ont connu le bâtiment dans ses moindres recoins, du huitième étage de la tour à l’abri antiatomique sous le Fort Louvigny.