Le bachelor en médecine de l’université du Luxembourg a organisé lundi sa rentrée, la première où les trois années d’études sont présentes.
C’était un premier cours magistral qui attendait lundi après-midi les étudiants de deuxième et troisième années du bachelor en médecine pour leur rentrée. C’est la première fois que cette formation, créée en 2020, réunit les trois années de son cursus, aussi l’université du Luxembourg avait mis les petits plats dans les grands à la Maison du savoir à Belval. Présentation des programmes, participation des acteurs du bachelor et de ses partenaires… les prises de parole se sont succédé durant l’après-midi.
Une première séance très théorique donc, qui va rapidement laisser sa place à des cours plus pratiques portés sur la simulation, l’une des spécificités de ce bachelor luxembourgeois. «Nous avons évidemment un enseignement théorique, mais nous mettons aussi l’accent sur la forme avec beaucoup de mises en situation», explique Gilbert Massard, le directeur d’études et maître de cérémonie de cette rentrée. Durant l’après-midi, il a notamment présenté SimUL, l’unité de simulation maison : cinq salles permettant d’apprendre certains gestes et de se retrouver confronté à des cas bien précis. Elles sont équipées d’une technologie de pointe, comme des tables de dissection virtuelle, une fausse salle d’opération ou encore des tables à raisonnement clinique permettant de mettre en scène une centaine de scénarios. «Nous avons aussi trois périodes de stage par semestre dans les quatre hôpitaux du pays, rappelle le directeur. Cela permet de confronter les étudiants à la vie réelle. Un patient, ce n’est pas un mannequin, c’est une personne avec sa sensibilité.»
Face à Gilbert Massard, une petite quarantaine de futurs médecins sont présents. L’effectif réduit constitue aussi une spécificité de la formation luxembourgeoise. Si la première année peut accueillir jusqu’à 140 élèves, ils ne sont plus que 33 en deuxième année et 13 en dernière. «Trente-trois, cela représente 10 % des effectifs d’un amphithéâtre en France ou en Belgique. Cela permet d’autres conditions d’apprentissage.» Parmi eux, on retrouve évidemment des Luxembourgeois comme Meyssane, mais aussi des étudiants venus de pays limitrophes, comme Éloïse, originaire de Munich. «Avec ma moyenne, je ne pouvais pas aller en fac de médecine en Allemagne. En faisant des recherches sur internet, je suis tombée sur ce bachelor.»
Juguler la pénurie de médecins
Attirer et retenir plus de profils comme celui d’Éloïse est vital pour le Luxembourg, c’est d’ailleurs tout l’objectif de ce bachelor. Jusqu’en 2020, il n’était possible de réaliser que sa première année avant de devoir partir pour une université française, belge ou allemande. Une situation qui poussait de nombreux étudiants, y compris luxembourgeois, à rester par la suite dans leur pays d’accueil. «Moi-même, je ne suis revenu qu’au bout de 40 ans», avoue Gilbert Massard. Cependant, avec 50 % de praticiens qui ont plus de 55 ans, le Luxembourg fera face dans les années à venir à une pénurie de médecins. «Nous risquons d’être de plus en plus dépendants des places à l’étranger», a prévenu Claude Meisch, le ministre de l’Enseignement supérieur, présent pour l’occasion. Et nos besoins en médecins vont croissant, ce qui nous a été rappelé durant la pandémie.» En gardant les étudiants trois années de suite, le Grand-Duché espère les faire revenir par la suite, notamment grâce aux nombreux stages leur permettant de les mettre au contact de la réalité.
Mais rien ne dit que ce bachelor suffira pour remédier à cette fuite. «Cela dépendra surtout de ma spécialité en 6e année“, explique Meyssane, qui n’est pas encore décidée. «Souvent, on reste ensuite dans le pays où on la fait.» Éloïse, en revanche, se verrait bien exercer au Luxembourg. «J’aime le côté petit pays, ici tous les médecins se connaissent.» Le gouvernement sait qu’il va donc encore devoir muscler son offre dans les années à venir. Le pays propose déjà trois spécialisations : en médecine générale, de plus en plus touchée par la pénurie, en neurologie et en oncologie. «Le ministre a indiqué qu’il n’était pas opposé à d’autres spécialisations», rappelle Gilbert Massard.
Dès l’année prochaine, de nouveaux cursus vont également venir s’ajouter. La rentrée 2023 verra l’apparition de quatre bachelors spécialisés dans les soins infirmiers, tandis que 2024 apportera trois autres formations en soins généraux, en maïeutique et en technologie d’imagerie médicale. En revanche, la création d’un master en médecine n’en est pour le moment qu’au stade de la réflexion. Claude Meisch souhaite d’abord expérimenter quelques années de bachelor avant d’éventuellement sauter le pas. Le Luxembourg pourrait alors atteindre un vieux rêve partagé par Gilbert Massard et quelques-uns de ses collègues : la création d’un campus santé qui réunirait un maximum de disciplines et de métiers pour une approche plus transversale.
Solidarité entre étudiants
Avec des étudiants présents dans chacune des trois années du bachelor, ces derniers peuvent dorénavant s’organiser pour s’entraider. «Nous avons pu monter un vrai projet de tutorat pour accompagner les étudiants de première année», affirme Francesco Illuzzi, représentant des étudiants en médecine qui commence justement sa troisième année. Pour y arriver, ils ont identifié deux types de difficultés : générales et spécifiques. Les premières concernent les matières classiques et les soucis les plus courants auxquels des étudiants, à peine sortis du lycée, peuvent être confrontés en arrivant à la fac. «Nous avons donc créé des « smart groups » qui réunissent quatre étudiants de première année et deux tuteurs, un de deuxième année, l’autre de troisième année.» Ces groupes pourront se réunir physiquement ou échanger par téléphone pour aider chacun à surmonter les embûches.
Pour les difficultés plus spécifiques, concernant les matières propres aux études de médecine, c’est le tutorat par les pairs (peer tutoring) qui prend le relais. Celui-ci consiste en des séances de préparation encadrées par des élèves de deuxième ou troisième année. Un format déjà testé l’an dernier avec beaucoup de succès. Ces deux outils, s’ils doivent d’abord aider les étudiants à surmonter leurs difficultés, ont aussi une vocation sociale. «Nous voulons créer une ambiance de campus. Nous ne pourrions pas le faire sans les tuteurs ni l’équipe de l’université qui a soutenu le projet.»
Le chiffre : 200
Prés de 200 personnes encadreront les étudiants des trois années de bachelor de la faculté de médecine. Parmi eux, 160 médecins vacataires, issus de toutes les disciplines, viendront donner des cours durant l’année. «Ce sont des gens très spécialisés qui ont beaucoup à apporter aux élèves», affirme Gilbert Massard.
Comme l’évoque à juste titre cet article, ce ne sont pas les formations génériques à elles seules qui vont faire rester des médecins talentueux au Luxembourg… Ce sont les spécialisations: mais pour ça, il faut des infrastructures hospitalières plus ambitieuses, à savoir de type C.H.U … ou encore l’hôpital à vocation militaire…