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[Elections législatives] Détention : Eran, eraus… an elo interroge les partis


Christian Richartz (à d.) et Gregory Fonseca, d’Eran, eraus… an elo veulent, entre autres, un statut du travailleur pénitentiaire et la création d’un juge d’application des peines. (Photo : didier sylvestre)

L’association Eran, eraus… an elo a recueilli les réponses de sept partis candidats aux législatives sur leur politique de détention. Elle attend des avancées majeures de leur part.

Quelle que soit les couleurs politiques que la Chambre des députés arborera à l’issue des élections législatives du 8 octobre, «il y aura de très grands changements sur la détention», prédit Christian Richartz, le président de l’association Eran, eraus… an elo, qui travaille sur la problématique. Du moins, «si l’on peut se fier aux dires des partis». En répondant à un questionnaire réalisé par l’association, DP, LSAP, déi gréng, CSV, ADR, déi Lénk et Parti pirate ont affiché leurs positions sur douze questions centrales autour de l’univers carcéral.

Publiées sur le site de l’association, les réponses visent à informer les électeurs sur un sujet méconnu. «Il n’y a pas de pression au Luxembourg sur ces questions, on n’est pas plus avancé qu’il y a dix ans sur beaucoup de points», constate Gregory Fonseca, le trésorier de l’association. Eran, eraus… an elo regrette d’ailleurs d’être la seule voix des détenus au Luxembourg, alors que «500 personnes sont concernées au quotidien et jusqu’à 4 000 avec leurs proches». Un constat d’autant plus amer que la sécurité anime la campagne électorale, notamment avec le quartier Gare à Luxembourg. «Si les politiciens veulent faire une politique de sécurité publique, il faut plutôt gérer la criminalité différemment», estime Christian Richartz.

Un cadre pour le travail, un juge pour les peines

Parmi les enjeux «les plus opportuns», l’ASBL place en tête de liste l’absence d’un cadre légal autour du statut des travailleurs pénitentiaires. Bien que ces derniers puissent travailler 35 heures par semaine, les dispositions légales ne les soutiennent pas. Ceux qui purgent de longues peines se retrouvent à l’âge du départ à la retraite avec des lacunes dans leur pension, le tout aggravé par une faible rémunération. «être payé 2,79 euros par heure et rembourser les parties civiles, payer l’avocat, aider la famille et préparer sa sortie, ce n’est pas faisable.» Au-delà de l’aspect financier, «il s’agit d’un frein à la réintégration des détenus dans la société, c’est catastrophique.» Sur ce point, tous les partis ont exprimé leur accord avec la volonté d’Eran, eraus… an elo d’élaborer un statut de travailleur.

Sur le second champ de bataille de l’association, tous les partis ont également soutenu la proposition d’instaurer un juge d’application des peines en première instance de jugement. «Cela changerait la donne pour la justice au Luxembourg», se réjouit le trésorier. À ce jour, un conflit d’intérêts existe, puisque le parquet requiert la peine du détenu et l’exécute également, lui donnant ainsi le pouvoir de décider, ou non, d’un aménagement de peine, d’un congé pénal ou d’une libération conditionnelle. D’après les informations de l’association, le parquet lui-même serait «en faveur de l’introduction d’un juge d’application des peines». Ce changement étant débattu depuis la recommandation de l’ancien ministre de la Justice Marc Fischbach émise en 2008, cela prouve que les militants de l’ASBL ne sont pas «seuls au monde avec (leurs) convictions».

Prévention et non répression

Eran, eraus… an elo compte sur ces élections pour que le Grand-Duché se règle à la même heure que ses voisins sur de nombreuses questions. C’est le cas pour l’accès à la Cour constitutionnelle. En Allemagne, deux détenus ont adressé une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour constitutionnelle fédérale, qui a donné raison à leur plainte. Ce qui n’est pas possible au Luxembourg, cette faculté n’étant ici réservée qu’à un juge. Pour l’évaluation des centres de détention, Christian Richartz souhaite, cette fois, s’inspirer de la France. Tandis que le dernier rapport sur la prison de l’Ombudsman date de 2019, «en France, la contrôleuse générale des prisons, on la voit partout».

La discrimination envers les femmes, le refus d’instaurer la comparution immédiate, la création de maisons de transition pour ex-détenus ou encore l’abus des délais de détention préventive sont aussi des sujets qui préoccupent l’association, mais sur lesquels les politiques divergent. Eran, eraus… an elo reste tout de même optimiste et espère faire changer les mentalités, en incitant à la prévention et non la répression. En sachant qu’«un détenu coûte 450 euros par jour au contribuable», Gregory Fonseca souhaite que les politiciens privilégient des solutions alternatives à la détention telles que le bracelet électronique ou le contrôle judiciaire. Cependant, «la société veut des prisons et les politiciens les construisent», affirme son président.