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«La sensibilisation ne fait pas tout» : la Sécurité routière veut plus de contrôles


Pour lutter contre la vitesse, l’ASBL plaide notamment pour limiter les routes nationales à 80 km/h au lieu de 90.

Sans répression solide, impossible de tirer davantage vers le bas les chiffres des accidents de la route : la Sécurité routière défend l’introduction d’outils innovants, alors que, transgresser la loi sur la route reste largement accepté, selon l’asbl.

Oui, de nombreuses revendications portées par la Sécurité routière se sont concrétisées sous les gouvernements précédents. Oui, les chiffres des accidents au Luxembourg connaissent une amélioration constante depuis 20 ans. Mais pas question pour autant de relâcher les efforts de prévention et de protection des usagers, pour l’association indépendante fondée en 1960.

Elle a ainsi rassemblé dans un document une série de recommandations pour faire face aux défis que représentent toujours la vitesse ou l’alcool, mais aussi, et c’est nouveau, les nouvelles technologies. Il sera distribué aux partis politiques et au Syvicol, le syndicat des villes et des communes, dès la semaine prochaine, dans l’espoir que cette année électorale accélère certains dossiers.

«On n’a jamais eu autant de mesures pour contrer le fléau des accidents de la route, mais on doit rester vigilants car la tendance positive stagne désormais, après un revers post-Covid», souligne le président Paul Hammelmann, convaincu que seul un combat continu, incluant sensibilisation et répression, peut faire chuter le nombre de victimes établi à 1 267 en 2021, dont 24 morts et 267 blessés graves.

Et ça commence avec la lutte contre les excès de vitesse, premiers facteurs d’accident au Grand-Duché comme ailleurs en Europe : en 2021, ils ont contribué à 43 % des accidents mortels et 20 % des accidents graves. D’où la volonté de faire passer les agglomérations à 30 km/h, réservant les 50 km/h à certains axes seulement, à l’image de Paris ou Bruxelles, où cette limitation a fait ses preuves.

«Cette mesure permet de mieux protéger les piétons ou les vélos. Elle réduit le nombre de collisions et leur gravité», précise le président, qui y voit au passage une amélioration sensible de la qualité de vie, le bruit et la pollution étant diminués. Sur les routes nationales, où ont lieu trois quarts des accidents mortels, l’association aimerait que le 90 km/h devienne l’exception et non plus la règle, au profit du 80 km/h.

Pour s’assurer du respect des règles, elle privilégie la solution des radars et veut franchir un pas supplémentaire avec l’introduction de voitures-radars, comme celles qui sillonnent déjà la France au milieu du trafic.

Autre cheval de bataille de la Sécurité routière, la lutte contre l’alcool et la drogue au volant, alors que ce phénomène est largement accepté par la société : «Une étude montre que 30 % des Luxembourgeois admettent avoir déjà conduit après avoir trop bu, là où la moyenne européenne plafonne à 13 %», déplore Paul Hammelmann, ajoutant que le cocktail alcool/drogue multiplie par 29 le risque d’avoir un accident mortel.

L’éthylotest anti-démarrage, déjà mis en œuvre comme peine alternative au retrait du permis dans huit pays de l’UE, constitue une piste d’action sérieuse pour l’ASBL : «Ces dispositifs sauvent des vies, surtout quand ils sont associés à un suivi psychologique, comme en Belgique.»

Un projet de loi qui patine

Du côté des nouvelles technologies, si on estime que la distraction qu’elles engendrent joue un rôle dans 5 à 25 % des accidents, elles offrent aussi des opportunités inédites en matière de sécurité : les systèmes d’assistance à la conduite, rendus récemment obligatoires par l’Union européenne, ou le «géofencing», capable de contrôler un véhicule à distance via son GPS dans certaines zones, n’en sont que quelques exemples, soutenus par la Sécurité routière.

Et pour contrer les infractions liées au smartphone, en hausse, les sanctions en place sont loin de suffire : l’association  réclame la mise en place d’une détection automatique, comme celle opérationnelle dans d’autres pays.

Enfin, le cadre législatif doit encore progresser, selon Paul Hammelmann, afin de répondre aux problématiques actuelles. «Nous défendons l’introduction du délit de mise en danger de la vie d’autrui, dont le projet de loi patine depuis son dépôt en 2017. Il s’agit de sanctionner les comportements dangereux qui, par miracle, n’ont pas eu de conséquences dramatiques», détaille le président. Il ajoute que la notion d’homicide routier, actuellement discutée en France, mérite aussi d’être suivie avec attention.

Moderniser les moyens de contrôle

Caméras embarquées, lecture automatisée des plaques d’immatriculation, détecteurs de téléphone au volant : la Sécurité routière juge qu’il est grand temps d’investir dans la modernisation des moyens de contrôle. Elle veut voir ces dispositifs déployés au Luxembourg, malgré l’argument récurrent de la protection de la vie privée. «D’autres pays, soumis aux mêmes règles en la matière, l’ont fait», rétorque-t-elle.

Pour Paul Hammelmann, il faut en passer par là : «Sur la route, transgresser la loi reste largement accepté. La sensibilisation ne fait pas tout, elle doit se fonder sur un système répressif solide», tranche-t-il, citant des contrôles sporadiques et dus au hasard, donc peu dissuasifs. «Les experts sont clairs : la fréquence, la rapidité et la certitude de la sanction sont déterminantes pour changer les comportements», assure-t-il.