L’Association des banques et banquiers plaide depuis longtemps pour que l’apprentissage de la gestion de l’argent soit au cœur de l’éducation. Elle semble avoir été entendue.
Dans un pays où plus de 73 000 personnes sont employées par le secteur financier, paradoxalement, les jeunes ne brillent pas particulièrement par leur culture financière : selon une étude de l’OCDE datant de 2023, seuls 57 % des résidents âgés de 18 à 29 ans possèdent un niveau jugé suffisant en matière de connaissances financières.
Pourtant, «dès 11 ans, ils possèdent un smartphone et peuvent en un clic effectuer des achats», constate Hélène Lange, responsable de la coordination sectorielle de l’ABBL.
Avec la digitalisation, la dématérialisation de l’argent et la pléthore d’offres financières, «tout s’est complexifié», ajoute-t-elle. Comment faire face à cette situation ? Par l’éducation : en revenant aux bases et en installant un socle commun dès l’école, assure la Fondation ABBL pour l’éducation financière.
Aujourd’hui, cette dernière intervient surtout lors de la Semaine de l’argent, chaque année en mars. C’est utile, «mais évidemment ça ne suffit pas», souligne Hélène Lange.
C’est en effet un vaste chantier. En se rendant dans les écoles depuis 2015, la fondation a pu prendre la mesure des inégalités sur la perception de la valeur de l’argent. Certains enfants dont les parents travaillent dans le milieu des banques sont plus informés que leurs camarades. Oui mais… «Souvent, on constate aussi que les enfants issus d’une famille plus aisée ont du mal à appréhender la valeur de l’argent, parce qu’ils ont cette facilité. Ils ne se demandent pas si leurs achats valent autant ni combien ils ont dépensé au final», rapporte Jessica Thyrion, conseillère en éducation financière de l’ABBL à la fondation. Un confort qui peut retarder l’apprentissage de la gestion de l’épargne et du budget jusqu’au départ du foyer familial.
Une bonne gestion c’est bon pour la santé mentale
Il y a urgence à agir, comme le confirme une étude menée en septembre et octobre par l’ABBL auprès de plus de 1 000 jeunes âgés de 13 à 21 ans. Vingt-trois pour cent d’entre eux ont été victimes d’une tentative de fraude en ligne et 45 % se disent insuffisamment informés des risques.
Mais il apparaît aussi que 6 % des jeunes de 18 à 21 ans se tournent vers les cryptomonnaies. «Souvent, on se rend compte qu’ils vont déjà investir dans des produits alors qu’ils ne savent pas calculer un taux d’intérêt», regrette Hélène Lange, qui nuance : «On ne diabolise pas la crypto bien au contraire. Ça fait partie des produits maintenant, mais il faut les comprendre, car ils comportent beaucoup de risques et ne sont pas forcément régulés.»
La Fondation ABBL pour l’éducation financière anime des ateliers de gestion budgétaire et de finance durable dans les écoles et défend aussi une intégration transversale de cette culture financière à travers les mathématiques, la lecture de textes ou l’éducation civique par exemple. En plus de campagnes conjointes, elle a aussi développé une application mobile d’apprentissage pour jeunes et adultes et prépare un module sur les cryptomonnaies pour 2026.
L’enjeu n’est pas minime : «La question de la santé financière a un impact sur la santé psychologique, sur la qualité de vie», indique Jessica Thyrion. «Il faut former le citoyen pour qu’il puisse avoir cette gestion intelligente de son propre argent, qu’il sache ce qu’est un investissement», appuie sa collègue, Hélène Lange.
Et Jessica Thyrion d’ajouter : «Si chacun d’entre nous veille à avoir une santé financière plus saine, bien entendu, cela aura des retombées sur l’économie au sens global, au niveau des flux financiers, etc.», dit-elle.
Un message qui semble avoir fait mouche auprès du ministère de l’Éducation national et du service de coordination de la recherche et de l’innovation pédagogiques et technologiques, le Script. D’autant que «tout un écosystème est à construire autour de l’éducation financière», insiste Jessica Thyrion.
En avril, le ministère des Finances avait confirmé qu’une nouvelle stratégie en matière d’éducation financière serait «présentée à l’automne 2025». La Fondation ABBL, avec la CSSF, travaille actuellement à cette mise à jour. «Nous ne sommes qu’un maillon de la chaîne, mais s’il y a un leadership qui s’installe aussi au niveau du service public – sans parler de tous les acteurs socio-éducatifs qui sont à nos côtés –, ça va évidemment changer», se réjouit Hélène Lange.