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La rentrée littéraire se dévoile


(Photo d'illustration : Pixabay)

C’est la rentrée ! Sur les rayons des librairies , pas moins 466 romans et récits à paraitre d’ici la fin octobre. Une rentrée illuminée par le polar-événement de Caryl Férey et le nouveau roman de Hernan Diaz. Et pour que le plaisir soit total, Le Quotidien a selectionné douze autres livres indispensables et enthousiasmants !

« Les Alchimies » – Sarah Chiche

Encore une fois de la littérature d’exigence et de tourment avec Les Alchimies, le cinquième roman de Sarah Chiche. L’auteure y convoque, en pleine crise de l’hôpital en 2022, Camille Cambon, médecin légiste, et le peintre Miguel de Goya, inhumé à Bordeaux en 1828. La première reçoit un mail mystérieux où il est question du crâne disparu du second, tenu pour un visionnaire des ténèbres de l’âme humaine. Camille part alors à Bordeaux rencontrer l’auteure du courriel : une ancienne directrice de théâtre qui a bien connu les parents et le parrain de Camille, alors étudiants, aujourd’hui tous trois spécialistes de Goya. Un texte définitif sur, entre autres, le génie, l’amour ou encore le pouvoir de l’art.

« Le Château des Rentiers » – Agnès Desarthe

Une promenade, un jour, dans le XIIIe arrondissement de Paris. La narratrice, prénommée Agnès, déambule rue du Château des Rentiers, lève les yeux et voit l’appartement où vécurent Boris et Tsila Jampolski, ses grands-parents. Enfant, elle leur rendait souvent visite. Juifs venus d’Europe centrale, ils avaient inventé une vie en communauté, un phalanstère, comme le prônait au XIXe siècle l’utopiste Charles Fourier. La narratrice, c’est Agnès Desarthe, 57 ans, écrivaine et traductrice, auteure de son quinzième roman, Le Château des Rentiers. Au fil des pages, elle parcourt les époques et les lieux, recompose le passé, visite le présent, envisage le futur. Pour une belle réflexion sur la vieillesse et la mort…

« J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort » – Adèle Fugère

La vie n’est pas facile quand on a 8 ans. On croit que tout va bien, mais les tourments, les tracas sont là. Un matin, on se lève, on file dans la salle de bains, on se regarde dans le miroir, on se voit avec une moustache sous le nez, on sourit. Voilà ce qui arrive à Rosalie Pierredoux, elle a 8 ans, vit avec père et mère à Saint-Lunaire, en Bretagne, elle voit son grand-père, a un ami… mais aussi des idées noires sans raison. Une seule solution : la révolution. Soit se prendre en main. Et l’objet du changement sera une moustache. Mais pas n’importe laquelle. Celle de l’acteur Jean Rochefort, symbole du flegme et de l’humour décalé. Un premier roman-conte, court mais tendre, signé Adèle Fugère.

« Okavango » – Caryl Férey

C’est un fait établi, Caryl Férey est l’un des meilleurs auteurs français, catégorie polar. Et pour cette rentrée littéraire, il publie Okavango, avec, pour décor la Namibie. Un changement de décor pour un auteur qui, pour sa bonne vingtaine de romans précédents, plaçait les énigmes en Amérique latine ou encore en Russie. Après de longs mois d’enquête tout au sud du continent africain, il a écrit, une fois encore, un «polar politique», «au cœur du monde sauvage», prévient l’éditeur. On complète : la ranger Solanah Betwase fait de la lutte contre les braconniers son quotidien, dont l’ordinaire est la découverte d’animaux morts ou mutilés. Un jour, c’est le corps d’un jeune homme qu’on retrouve dans Wild Bunch, une immense réserve animalière. L’enquête s’annonce difficile : elle va devoir percer le mystère de John Latham, un propriétaire terriblement complexe. Pour Solanah, est-il un ami? Un ennemi? S’y ajoute un autre problème, tout aussi compliqué : le «Scorpion», que l’on tient comme le pire braconnier d’Afrique, est de retour sur le territoire… Plus que jamais, l’écriture de Caryl Férey est flamboyante. C’est parfait pour un polar défendant la beauté du monde sauvage. Et il est urgent de le défendre, assure l’auteur.

« Shy » – Max Porter

La question est posée : «T’en as jamais marre d’être toi?» On file dans la campagne anglaise en 1995. On y rencontre Shy, un adolescent lancé dans son ultime bataille. Violent, en situation d’échec scolaire, il a été envoyé dans un établissement pour mineurs délinquants installé dans un manoir du XVIIe siècle. De jeunes travailleurs sociaux dirigent l’École de la dernière chance, mais des promoteurs vont prochainement la fermer. Au milieu d’une nuit, le jeune garçon décide de s’enfuir. Il s’est lesté le dos de plusieurs kilos de pierres, il va s’enfoncer dans la mare voisine. Auparavant, il va revoir en accéléré sa courte vie… Le roman de la souffrance intérieure, signé de l’écrivain anglais Max Porter.

« Le Chant des innocents » – Piergiorgio Pulixi

Publié en Italie en 2015, voilà chez nous Le Chant des innocents de Piergiorgio Pulixi, maître transalpin dans l’art du «page turner». C’est aussi la première enquête de Vito Strega, un temps suspendu à la suite d’un accident. Peu avant, la police a découvert 85 coups de couteau et une gamine de 13 ans. Elle n’est pas la victime, mais la meurtrière. Sur la scène, elle tient encore levé le poignard, sourire aux lèvres. Quelque temps plus tard, d’autres crimes sont commis par des adolescents. L’inspectrice Teresa Brusca demande à Vito Strega de l’accompagner pour l’enquête. Très vite, il a une intuition : ces jeunes sont liés par un secret. Mais Strega a aussi les siens… Un roman aussi noir que brillant.

« Sarah, Susanne et l’écrivain » – Éric Reinhardt

Le roman de l’élégance. Une leçon d’écriture et une maîtrise du récit. Après L’Amour et les forêts, Éric Reinhardt rappelle, sans tapage, ce qu’écrire signifie. Il suffit, en ouverture de Sarah, Susanne et l’écrivain, d’une citation du cinéaste Robert Bresson pour se laisser embarquer : «Que ce soit les sentiments qui amènent les événements. Non l’inverse.» Ainsi, Sarah. Elle s’ennuie dans son couple. Contacte un écrivain qu’elle apprécie pour qu’il s’inspire de son histoire. Sous la plume dudit écrivain, elle est Susanne. Qui naît de Sarah avant de s’en détacher quand l’auteur le décide. Avec ce récit en poupées gigognes, Éric Reinhardt propose un texte empli d’intelligence, de brio et de raffinement.

« Tasmania » – Paolo Giordano

En Italie, il est traité comme une rock star. À 26 ans, Paolo Giordano publiait en 2008 La Solitude des nombres premiers (2 millions d’exemplaires vendus dans son pays, 29 traductions dans le monde) et devint l’écrivain de l’isolement ultramoderne. Il nous revient avec Tasmania. Encore un texte furieusement vivant, terriblement contemporain. À la demande d’un journal, le narrateur, écrivain, vient à Paris en 2015 pour couvrir un sommet international sur le climat, dans une ambiance post-attentats. Il s’ennuie ferme pendant les conférences, croise un spécialiste des nuages qui va lui redonner un soupçon de goût à la vie. Dans le même temps, son couple bat sérieusement de l’aile… C’est ample et magistral.

« Misericordia » – Lídia Jorge

Née en Algarve dans une famille d’agriculteurs et diplômée en philologie romane, Lídia Jorge est considérée, à 77 ans, comme l’écrivaine la plus contemporaine du Portugal. Son nom est régulièrement cité pour le prix Nobel de littérature – c’est toujours l’assurance d’une belle lecture. Et, de fait, Misericordia, son treizième roman, est un monument de littérature. Plus de 400 pages bien serrées, remplies d’émotion, de tendresse ou encore de d’ironie. De l’espoir, de l’immortalité aussi, voilà les ingrédients supplémentaires de ce nouveau livre qui voit l’écrivaine portugaise retranscrire librement des enregistrements de sa mère, tenus au cours d’une année de sa vie en maison de retraite.

« Prélude à son absence » – Robin Josserand

Un premier roman, l’un des tout meilleurs de cette rentrée d’été 2023. Robin Josserand, 30 ans, nous offre Prélude à son absence, une autofiction qui se déjoue des règles de l’autofiction. Le narrateur, du même âge que l’auteur, travaille dans une bibliothèque. Un jour, il aperçoit Sven, qui fait la manche assis sur un trottoir. Dans ce visage émacié, il croit voir le pianiste Glenn Gould fatigué. Le lendemain, Sven est là, le surlendemain il a disparu, et ainsi des jours suivants, il accepte l’hospitalité du narrateur pour fuir encore… Romantisme cru. Disparaître, revenir, et voilà le narrateur plongé en mélancolie. Un jour, les deux partent sur l’île de Groix. Les corps se rapprocheront-ils?

« Trust » – Hernán Diaz

Né en Argentine en 1973, il a vécu en Suède et à Londres, avant de s’installer à New York. Avec son premier roman, Au loin, publié en 2018, il fut finaliste du prix Pulitzer. Trust, lui, a été récompensé par le Pulitzer de la fiction. «New York enflait de l’optimisme tapageur de ceux qui croient avoir pris de vitesse le futur», lit-on au hasard des pages. Nous voilà embarqués à Wall Street dans les années 1930. La Grande Dépression a frappé. Toutefois, quelques malins ont su faire des affaires. Nombre d’États-Uniens ont vu leur fortune s’évaporer, d’autres ont prospéré. Ainsi, cet héritier d’une famille d’industriels devenu magnat de la finance : lui et son épouse, fille d’aristocrates, forment un couple qui fait envie à la «high society» locale. Froid et calculateur, Benjamin Rask fait tourner l’entreprise; fragile et mélancolique, Helen s’occupe de la maison et de ses bonnes œuvres. Vu comme ça, tout tourne, tout roule… Ne pas se fier aux apparences. Érudit modeste, Hernán Diaz lance un véritable jeu de pistes sur 400 pages vertigineuses. Tout y est : l’«American Way of Life», les légendes, l’essence du libéralisme, l’argent – dont on oublie si souvent qu’il n’est qu’un mirage… Notre coup de cœur de cette rentrée estivale.

« Le Chien des étoiles » – Dimitri Rouchon-Borie

Journaliste ès chroniques judiciaires, Dimitri Rouchon-Borie était entré dans le monde du roman avec Le Démon de la colline aux loups, phénomène paru en 2021. On retrouve la force brute et l’étrange poésie, marques de fabrique de l’auteur, dans Le Chien des étoiles. Gio, la vingtaine, un peu barré depuis qu’un lâche lui a vrillé un tournevis dans le crâne, annonce à son clan gitan qu’il en refuse les lois et la violence. Il s’en va, emmène avec lui deux amis : un enfant sauvage, Papillon, et une mystérieuse fille, Dolores. Ainsi défile le destin de trois miraculés cheminant dans le monde des humains. Et en poésie : «Les cimes souples des pins s’agitent, bras de vieillards tendus vers un butin trop beau pour eux»…

« Stupeur » – Zeruya Shalev

Un père mourant. Sa fille, Atara, à son chevet. Les propos sont confus, il l’appelle Rachel, du prénom de sa première et mystérieuse épouse. Femme moderne, à la tête à la fois d’une entreprise d’architecture et d’une famille recomposée, Atara se met en tête de la retrouver. La femme âgée et veuve va raconter ce temps de la lutte clandestine. Avant 1948, la résistance contre les Anglais et la création de l’État d’Israël… Cette rencontre va bouleverser irrémédiablement la vie de ces deux femmes. Auteure de l’inoubliable Douleur (2017), Zeruya Shalev, écrivaine israélienne parmi les plus en vue de l’époque, ausculte au plus profond chacun de ses personnages. L’histoire avance moderato, pour notre grand bonheur.

« Demain et demain et demain » – Gabrielle Zevin

D’une revue américaine, la promesse est fameuse : «Ce roman est celui que vous attendiez de lire». L’éditeur français nous assure qu’il s’agit là d’«un livre qui ne ressemble à aucun autre», rappelant que Demain et demain et demain, de Gabrielle Zevin, offre une plongée singulière dans l’univers des jeux vidéo. Samson et Saddie se sont connus, enfants, à l’hôpital : l’un se remettait d’un accident, l’autre venait visiter sa sœur malade. Un jour de décembre, quelques années plus tard, ils se retrouvent sur un quai de métro. Et vont créer une société de jeux vidéo, le succès vient vite. Les deux deviennent des stars, riches et célèbres à 25 ans à peine. Mais l’ambition et la jalousie feront leur (basse) œuvre…