Les idéaux de l’adolescent qu’était Alex au moment de son arrestation en 2020, font froid dans le dos. Ils ont des relents d’immondes déjà-vus teintés de haine de l’autre pure et dure.
À 14 ans, il mettait le feu à des fourmis vivantes pour imiter l’holocauste et reproduire les cendres des «fucking jews». À 16 ans, il posait fièrement vêtu de différents uniformes nazis sur les réseaux sociaux en faisant le salut nazi et le signe du white power. Dans une autobiographie, il se dit fier d’avoir un physique de type arien et ses livres de chevet sont Mein Kampf et Siege de James Mason, révèle une enquêtrice de la section antiterrorisme de la police judiciaire hier matin.
Pendant que ses camarades vivent gaiement leur adolescence, Alex planifie la guerre raciale et prône la supériorité de la race blanche au sein de groupes accélerationnistes. Quand il ne conçoit pas des composants d’explosifs dans le garage et la buanderie de son père à Strassen ou ne déverse pas sa haine sur les réseaux sociaux contre tout ce qui ne lui ressemble pas : les capitalistes, les féministes, les antifascistes, les LGBTQ+, les policiers, les juifs, les arabes, les africains… La liste est longue et ses commentaires débectables.
Pendant trois heures, l’enquêtrice a dressé le portrait de ce jeune homme de 23 ans accusé de diverses infractions à la loi sur les armes et les munitions ainsi que contre les lois antiterroristes. Il lui est reproché d’avoir appartenu à des groupes terroristes, d’avoir participé à la préparation d’actes terroristes ainsi que de provocation, de recrutement et d’entraînement en vue d’en commettre un. Elle a expliqué son idéologie, sa radicalisation et son appartenance à des groupes néonazis aux nombreuses ramifications dont The Base.
Un ramassis de -ismes et d’appropriations diverses jusqu’à la nausée. «La salad bar ideology», précise la policière. Et des signes de reconnaissance ainsi qu’un vocabulaire propre aux adeptes du grand remplacement sur le web et les jeux vidéo en réseau sur lesquels ils recrutent les futurs «saints» ou «loups solitaires» comme Anders Breivik, Brenton Tarrant (attentats de Christchurch en Nouvelle-Zélande) ou Payton Gendron (attentat de Buffalo au Texas).
«Ils sont parmi nous»
Alex a le profil et des points communs avec ces personnes, selon l’enquêtrice. Il aurait effectué des repérages de lieux d’attentats potentiels, se serait lancé dans une planification, aurait coécrit un manifeste écofaciste et aurait appartenu à deux groupes différents. «Il se trouvait en phase de préparation avant un éventuel passage à l’acte quand la police est intervenue», a-t-elle précisé. Assis sur le banc des prévenus, très concentré, il note tout.
«Save your race, join the Base», dit le slogan suivi par Alex. Les enquêteurs sont formels. Ils disposent de l’enregistrement de son entretien d’embauche par téléphone avec Rinaldo Nazzaro, son fondateur, également connu sous les pseudonymes Norman Spear et Roman Wolf, ainsi que le chef de la frange suédoise de l’organisation. Nazzaro questionne notamment Alex sur aspirations. Le jeune homme répond vouloir «aider à faire la différence pour faire exploser le système» et souhaiter «en apprendre davantage sur les armes et le survivalisme». Il reconnaît également appartenir à The Green Brigade, un groupement écofaciste, et propose ses services pour produire des explosifs.
En moins d’un an, il a gravi les échelons de The Base qui a été reconnu groupe terroriste par l’Union européenne en juillet 2024. «Toute sa vie ne tournait qu’autour de son idéologie et de son combat», précise l’enquêtrice. «Il est allé au bout de sa radicalisation» en s’engageant au sein de ces groupes terroristes sans frontières. Quelques jours avant son arrestation, il avait participé à un camp d’entraînement et comptait en organiser un en Suède, son pays d’origine.
Le jeune homme à lunettes serait donc plus dangereux qu’il n’y paraît. Et c’est là toute la complexité pour les autorités de mettre un terme aux agissements de ces nouveaux réseaux d’extrême droite. Portés par de très jeunes hommes, ils recyclent d’anciennes idéologies pour faire exploser le système, explique l’enquêtrice en tirant des parallèles avec Al-Qaïda (la base en arabe). «Ils sont contre tout ce qui ne leur ressemble pas. N’importe qui peut être leur cible. Ils vivent parmi nous et sont difficiles à identifier.»
Qu’est-ce que l’accélérationnisme?
L’accélérationnisme est un courant de pensée développé en 2013 qui considère que, pour parvenir à une société postcapitaliste, plus égalitaire et d’inspiration marxiste, il est nécessaire de pousser à l’extrême la logique de marché, de libéralisme et d’innovation technologique plutôt que de vouloir renverser le capitalisme. L’intensification du capitalisme conduira, selon les accélérationnistes, à une transformation radicale de la société qui provoquera son autodestruction.
Certains courants d’extrême droite, d’abord aux États-Unis, utilisent le terme accélérationnisme pour promouvoir une accélération du conflit interethnique qui ferait imploser la société et conduirait à un État ethnique blanc. Les suprémacistes blancs accélérationnistes considèrent que la violence, y compris par le terrorisme, est le seul moyen d’atteindre leurs objectifs politiques, une société basée sur un nationalisme ethnique.