Services de messagerie instantanée, réseaux sociaux, applications de rencontres : la prostitution en ligne est devenue une « industrie en plein essor » qui a supplanté la rue, selon un rapport portant sur 35 pays rendu public mardi par une organisation française de lutte contre la prostitution.
Selon cette étude de la Fondation Scelles, intitulée Système prostitutionnel : nouveaux défis, nouvelles réponses, « la prostitution et l’exploitation sexuelle sur Internet apparaissent comme un fléau en pleine expansion ». En France, elle représente jusqu’à « deux tiers de la prostitution », selon le rapport de plus de 500 pages.
Repérer les « produits »
Internet a « mangé la prostitution de rue » qui ne concerne plus qu’une frange marginale, explique Yves Charpenel, magistrat et président de la Fondation Scelles. « Le numérique facilite la dissimulation, l’anonymat et la discrétion qui permettent de développer des activités illicites », souligne l’organisation. « Depuis un même ordinateur, un réseau criminel peut repérer ses futurs ‘produits’ (prostituées, NDLR), faire venir les clients, puis blanchir l’argent du trafic », synthétise Yves Charpenel.
Le magistrat dénonce le niveau « industriel et sans risque » de l’exploitation sexuelle en ligne, qui permet aux proxénètes d’éviter les risques personnels » en se tenant « à distance du trafic ». Le rapport, qui mentionne une note du ministère français de l’Intérieur datée de mai 2018, souligne que « pour la première fois en 2017, le pourcentage de victimes identifiées exerçant sur la voie publique était inférieur à celui des victimes exerçant en prostitution logée ».
Les réseaux criminels s’appuient désormais de plus en plus sur les services de messagerie instantanée, telle que Whatsapp – cryptée -, pour « gérer leur activités », explique l’étude. La Fondation rappelle notamment le démantèlement en Espagne en 2017 d’un réseau international de pédopornographie sur WhatsApp et l’arrestation d’une femme russe pour avoir dirigé un réseau de prostitution au Liban et dans tout le Moyen-Orient via cette même application. Facebook et Tinder, une célèbre application de rencontres, sont également détournés pour recruter de futures prostituées.
« Proxénétisme des cités »
« Tinder est aujourd’hui l’outil le plus utilisé pour la recherche de personnes prostituées en Israël », illustre ainsi l’étude, tandis qu’en Thaïlande un réseau utilisant Facebook a été démantelé en septembre 2017 avec l’arrestation de neuf trafiquants, dont huit mineurs.
En France, le « proxénétisme des cités », qui touche en majorité des jeunes filles mineures, en rupture familiale et parfois rendues dépendantes à la drogue, s’est aussi développé avec l’aide des nouvelles applications. En juillet 2018, douze hommes ont ainsi été condamnés pour avoir prostitué une vingtaine de jeunes filles, repérées le plus souvent sur Instagram ou Snapchat, dans des appartements loués sur la plateforme Airbnb et transformés en « bordels éphémères ».
LQ/AFP
Ravi