Dimanche, lors des élections communales, de jeunes électeurs iront voter pour la première fois. Une génération qui possède son idée de la politique, entre désintérêt et nouvelles formes d’engagement.
Et les jeunes dans tout ça ? Depuis quelques semaines, les débats s’enchaînent en amont des élections communales qui se tiendront ce dimanche 11 juin. Logement, mobilité, sécurité, attractivité : nombreux sont les sujets dont les Luxembourgeois et résidents étrangers devront choisir, à travers les urnes, la direction qu’ils prendront.
Les jeunes âgés de 15 à 29 ans sont estimés à près de 65 000, selon le bilan démographique 2022 de la Statec. Parmi eux, ceux qui sont en âge de voter représentent donc une part électorale non négligeable. Pour beaucoup, il s’agira de leur premier scrutin. Une première pas si importante pour tous.
«Souvent, ils disent que la politique ne les intéresse pas, ne les concerne pas», reconnaît Kim Nommesch, employée de la fondation Zentrum fir politesch Bildung (ZpB), qui promeut la citoyenneté et la démocratie. Coordinatrice de programmes depuis 2017, elle participe à la sensibilisation politique des jeunes désintéressés par les élections.
C’est le cas d’Alice, à peine majeure et lycéenne à Esch-sur-Alzette. Ne se sentant pas représentée par les politiciens, «qui ne tiennent jamais leurs promesses», elle avoue ne pas s’intéresser aux partis et à leurs programmes. «Je ne suis pas la seule à penser ça. Pour beaucoup de mes amis, la politique paraît lointaine et complexe.» Vote blanc ou vote nul, elle glissera malgré tout son bulletin dans l’urne dimanche. Seulement par obligation.
Pour Tom, 20 ans et lycéen à Belval, le choix n’est pas encore fait, mais ce n’est pas par rejet. Croisé, tout léger, à la sortie de sa dernière épreuve du bac, il reconnaît «qu’avec toutes (ses) épreuves, (il n’a) pas eu le temps de (s)’intéresser aux élections».
En âge de participer au premier scrutin de sa vie, il souhaite faire les choses bien : «J’ai déjà une idée de vote en tête, mais je dois prendre du temps pour m’informer plus et voter consciemment.» Une démarche pas évidente pour tous. «Beaucoup ont notamment du mal parce qu’ils ne savent pas comment forger leur opinion et se sentent perdus», constate Kim Nommesch.
Pour les primo-votants qui ne s’intéressent pas aux débats, le vote se fait selon l’image, d’après Philipp, 17 ans. «C’est presque : « lui est sympa, je l’ai vu à une fête, je vote pour lui“, ou alors « si quelqu’un que je trouve sympa le trouve sympa, alors je vote pour lui »» regrette ce lycéen, déjà engagé politiquement en tant que membre du Parlement des jeunes.
Hors partis mais politisés
Bien qu’ils ne semblent pas tous être des électeurs modèles, «les jeunes sont intéressés et engagés», assure la coordinatrice du ZpB. Plus informel, leur engagement politique se distingue d’une approche traditionnelle : «Ça passe par la musique qu’ils écoutent ou les habits qu’ils portent.» Forcément, leur mobilisation est plus visible sur les réseaux sociaux, qu’ils fréquentent largement, mais aussi dans la rue, de façon spontanée. «On l’a vu lors des manifestations pour les mouvements Black Lives Matter ou Youth for Climate, par exemple.»
Pour autant, le cadre d’un parti semble dépassé pour la jeunesse. Philipp et son ami Sam, lui aussi membre du Parlement des jeunes, ne feront partie d’une liste de sitôt malgré leur engagement. «Je ne veux pas être représenté par un parti, une idéologie», dit le premier. Le second, lui, considère que «chaque parti peut avoir des choses que j’aime».
S’ils ne trouvent pas leur place dans les partis, plusieurs options existent pour intégrer les jeunes aux décisions politiques : ateliers, enquête en ligne, forum. À condition de «ne pas se servir des jeunes comme alibi et qu’ils aient une marge de décision pour ne pas créer de frustration», avertit Kim Nommesch. Pour Sam, l’accessibilité du débat politique est à améliorer, car «ce sont toujours les mêmes qui sont intéressés par la politique». Ce dernier parle d’une «bulle», un cercle restreint de jeunes, dont il reconnaît faire partie, qui «occupent tous les postes».
Alors, afin d’intégrer plus de citoyens de son âge, il milite pour la démocratisation des conseils de jeunes dans les communes. Selon lui, une implication à l’échelle locale permettrait de mettre aux jeunes un pied à l’étrier politique. «Dans une commune, on voit plus facilement les changements, c’est un bon moyen de comprendre l’enjeu global.»
Une solution pas si évidente pour la représentante du ZpB : «Ces conseils sont à l’image d’un conseil d’adultes, avec un fonctionnement similaire, donc ça peut en effrayer certains. Il faut penser autrement pour les jeunes.»
«On devrait pouvoir voter dès 16 ans. Ce n’est pas juste qu’on soit exclus parce que l’on est mineur», proteste Sam, 17 ans. À quelques jours des élections communales qui se tiendront dimanche, ce jeune habitant de Munsbach souhaiterait participer à l’élection du bourgmestre et des échevins.
Quant à son ami Philipp, il «regrette qu’on ne puisse pas voter pour un mois ou un jour près». Très intéressés par la politique, ce qui s’est traduit par leur entrée au Parlement des jeunes, ils devront attendre d’avoir atteint la majorité avant d’avoir le droit et l’obligation de voter. «Je suis triste et déçu, car je vais aussi rater les législatives en octobre», déclare Sam.
Dans onze des seize Länder allemands, il aurait pu participer aux élections communales, accessibles dès 16 ans. En Belgique, il aurait pu se contenter des élections européennes 2024, à laquelle les jeunes d’au moins 16 ans peuvent s’inscrire. Au Luxembourg, l’abaissement de l’âge minimum est loin de faire l’unanimité, au contraire.
En 2015, la question a été posée lors d’un référendum citoyen et 80,87 % des votants s’étaient opposés à l’idée. Quatre ans auparavant, le Conseil d’État avait déjà rejeté la proposition de feu le député DP Eugène Berger de reculer l’âge minimum à 16 ans. L’instance avait alors argumenté que les 16-18 ans sont «civilement incapables», car «incapables de disposer librement de leurs personnes et de leurs biens».
Malgré tout, le sujet revient sur la table à chaque élection. Certains partis, comme le DP, étant en faveur d’un recul. Sam, lui, considère qu’«à 16 ans, il y a grand groupe de jeunes qui peuvent et veulent voter». Il préconise toutefois des conditions de vote différentes pour sa classe d’âge : «Il faudrait donner le droit, mais pas que ce soit une obligation.»
Selon lui, ce droit devrait surtout être appliqué pour les élections communales, car «si les enjeux nationaux peuvent paraître lointains, les jeunes sont très touchés par la vie de la commune».