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La politique environnementale du Luxembourg étrillée


Le ministère de l’Environnement «viole la loi sur le climat», écrit le Meco. (photo archives Editpress/Fabrizio Pizzolante)

Le Mouvement écologique estime que le gouvernement n’accorde pas l’importance qu’il devrait à la crise climatique.

En avril, l’OCDE publiait une étude sur l’économie du Luxembourg, dans laquelle un chapitre était dédié à l’environnement. Reconnaissant que le pays «a réalisé de nets progrès sur la voie de la réduction des émissions de gaz à effet de serre», il concluait : «des efforts supplémentaires s’imposent».

Une injonction à intensifier l’action climatique que ne peut qu’approuver le Mouvement écologique (Meco) qui s’est d’ailleurs fendu ce vendredi d’un communiqué de trois pages. L’association dresse un réquisitoire sévère contre la politique gouvernementale, dénonçant un décalage entre les objectifs fixés par la loi climat et les actes réels. L’un des exemples le plus frappants à ses yeux : le bilan intermédiaire 2024, censé être publié avant le 31 juillet conformément à la loi, est absent (lire encadré). «Cela démontre, une fois encore, l’importance relative que le gouvernement – et particulièrement le ministère de l’Environnement – accorde à la crise climatique».

Le ministère de l’Environnement n’est pas le seul à faire les frais de l’indignation du Meco. Certaines prises de position politiques récentes sont aussi jugées contradictoires avec les objectifs climatiques. Celle du ministre du Logement, Claude Meisch, par exemple. Dans une interview, il a affirmé que s’il devait acquérir un logement, ce serait un neuf, pour pouvoir «participer à (s)a conception». Le Meco s’en agace : «Dès qu’un ministre exprime un point de vue en tant que ministre, il doit pouvoir être questionné.» Or les interrogations ne manquent pas puisque, rappelle le Mouvement écologique, la rénovation est considérée comme «indispensable» dans le Plan national pour réduire les «émissions grises» et l’artificialisation des sols.

Le «pragmatisme climatique» fustigé

Autre sujet de discorde, l’annonce d’un possible nouvel aéroport, évoquée par la ministre de la Mobilité, Yuriko Backes, pour anticiper la croissance du nombre de passagers. Une déclaration que le Meco juge  «d’une irresponsabilité manifeste envers les générations futures», alors que d’autres pays réfléchissent à réduire les vols courts.

Tout cela survient, ironise le Meco, en même temps que l’avis rendu par la Cour internationale de justice (CIJ), le 23 juillet, sur les obligations des États face à la crise climatique. Le texte souligne qu’ils doivent adopter des objectifs justes, ambitieux et juridiquement contraignants, que la limite de 1,5 °C est juridiquement fondée et que les émissions privées relèvent aussi de la responsabilité des États.

Le Mouvement écologique en tire une conclusion limpide : «L’action du Luxembourg ne répond pas à cette exigence. Les exemples cités montrent qu’il manque encore une compréhension fondamentale de l’enjeu climatique.» Pour le Meco, il est indispensable que le gouvernement revoie ses priorités et ne se contente, comme l’avait dit le Premier ministre, d’un «pragmatisme climatique». «Subordonner la politique climatique à un pragmatisme du quotidien est non seulement irresponsable envers les générations présentes et futures, mais aussi en contradiction avec l’avis de la Cour internationale de justice».

Le Mouvement écologique demande la publication immédiate des bilans légaux – au moins sur ce point-là, elle a été entendue –, et l’intégration de l’avis de la CIJ dans «la révision de ses objectifs nationaux, la planification énergétique et d’infrastructures et dans sa position sur la politique climatique européenne et internationale».

Un bilan publié in extremis

Ciblé par le Mouvement écologique pour n’avoir pas respecté l’échéance légale du 31 juillet, le gouvernement a finalement diffusé, le 1er août en fin d’après-midi, son bilan provisoire des émissions de gaz à effet de serre pour 2024. Il y indique que le Luxembourg a atteint ses objectifs climatiques pour la cinquième année consécutive. Les émissions s’établissent à 6,77 millions de tonnes équivalent CO2, en baisse de 1,5 % par rapport à 2023 et de 12 % par rapport à 2018. Le pays reste ainsi 192 000 tonnes en dessous de son budget carbone annuel.

Si l’on regarde cependant de plus près, il y a des nuances à apporter. Les allocations sont bien respectées pour l’agriculture ou encore les transports (59,1 % des émissions, -1,4 % sur un an). Mais plusieurs domaines stratégiques dépassent leur plafond. Les bâtiments résidentiels et tertiaires sont 11,6 % au-dessus de leur allocation; les émissions de l’industrie de l’énergie et manufacturière dépassent de 38 %. Enfin, le traitement des déchets et des eaux usées grimpe à 9,2 % au-dessus de la limite autorisée.

Une analyse sectorielle approfondie sera conduite par le comité interministériel d’ici à mars 2026.