« Il est clair que la place financière du Luxembourg n’a tiré aucune conséquence des Panama Papers », tranche l’eurodéputé allemand Sven Giegold (Verts), tandis que la commission d’enquête du Parlement européen créée à la suite du scandale se heurte à de nombreux refus d’auditions, lors de sa visite au Grand-Duché, jeudi et vendredi.
Déjà très virulent à l’égard du manque de coopération du Luxembourg et de Jean-Claude Juncker à la suite de l’affaire LuxLeaks, l’eurodéputé Sven Giegold monte au créneau pour dénoncer les obstacles similaires auxquels se heurte cette fois la commission d’enquête du Parlement européen sur les Panama Papers (dite commission « PANA » sur sur le blanchiment de capitaux, l’
Selon l’eurodéputé, « de nombreuses sociétés et responsables politiques luxembourgeois impliqués dans les Panama Papers refusent de répondre à la commission d’enquête lors de sa visite ». Des entrevues avec le ministre des Finances, Pierre Gramegna, et les membres de la commission des Finances et du Budget du Parlement sont, elles, bien prévues.
L’eurodéputé publie la liste des récalcitrants
« Le refus de notre invitation est un manque de respect pour le Parlement européen. Ceux qui ne se présentent pas devant la commission donnent l’impression qu’ils ont quelque chose à cacher. Si les entreprises invitées refusent cette audition, nous allons retirer à leurs lobbyistes l’accès au Parlement européen », menace-t-il.
Sven Giegold publie la liste des sociétés et des personnes qui ont refusé de participer (ou n’ont pas répondu) à la commission d’enquête. On y trouve trois des Big Four (EY, Deloitte, KPMG), à l’exception notable de PwC qui s’est vraisemblablement décidé à jouer le jeu, ainsi que des banques de la place comme Safra-Sarasin, Landsbanki et surtout Experta, une filiale de la BIL qui, avec 1659 sociétés-écrans créées, apparaît en première place mondiale des banques à l’œuvre dans les Panama Papers. Les deux autres banques occupent respectivement la 2e et la 9e places mondiales.
Également présent sur cette liste des personnes non coopérantes, Guy Arendt, l’actuel secrétaire d’État à la Culture, dont le nom apparaît comme propriétaire de cinq sociétés au Panama. Mais aussi les avocats Albert Wildgen et Alain Streichen, ce dernier étant cité comme « propriétaire d’au moins six sociétés au Panama ».
Enfin, s’il n’est pas surprenant de retrouver dans cette liste Marius Kohl (le fameux ex-préposé du fisc chargé des tax rulings, mis en cause dans l’affaire LuxLeaks), il est curieux qu’y apparaisse Yann Baden, président de l’ONG Transparency International au Luxembourg, qui a également décliné l’invitation.
«Les représentants de la place financière n’ont cessé de nous répéter que leurs activités sont légales. Il n’existe donc aucune raison pour ne pas accueillir les membres de la commission d’enquête», avait tranché mardi le député luxembourgeois David Wagner (déi Lénk).
Les banques et intermédiaires fiscalistes du Luxembourg (avocats, cabinets d’audit…) sont apparus en première ligne dans une grande partie des montages offshore des Panama Papers destinés à cacher l’argent de leurs clients. Quatre banques installées au Grand-Duché y sont citées parmi les dix établissements les plus actifs dans la création de sociétés offshore.
L’enquête de l’ICIJ a révélé aussi que 15 479 créations de sociétés offshore ont impliqué des intermédiaires luxembourgeois en lien avec le cabinet panaméen Mossack Fonseca. Ce qui place le pays au 4e rang mondial.
Sylvain Amiotte / Le Quotidien
Le Luxembourg, élève modèle de la transparence ? Pas vraiment, selon Sven Giegold
L’eurodéputé allemand Sven Giegold, fer de lance de la lutte contre l’évasion fiscale et le blanchiment au parlement de Strasbourg, déplore ce manque de transparence derrière un affichage de bonne volonté du Grand-Duché : « Après l’affaire LuxLeaks et au cours de sa présidence de l’Union européenne, le Luxembourg s’est présenté comme un élève modèle en matière de transparence fiscale. Une bonne année plus tard, nous constatons que le Luxembourg retombe dans le vieux modèle de la plaquette de frein en matière de politique fiscale. Le gouvernement luxembourgeois a empêché le Conseil européen de prendre des règles plus strictes contre le blanchiment, pour la transparence des multinationales, ainsi qu’en faveur d’une liste noire des paradis fiscaux digne de ce nom. »
Et pourtant, de grosses dépenses de lobbying…
Pour mieux s’indigner du refus de certaines sociétés du Luxembourg de parler à la commission d’enquête, l’eurodéputé allemand pointe leurs importantes dépenses de lobbying auprès du Parlement européen : 500 000 euros pour EY Europe, 300 000 euros pour Deloitte, jusqu’à 1 million d’euros pour KPMG ainsi que pour l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL).