À cause de la charge de travail des juges d’instruction, occupés avec environ 200 affaires simultanément, la mini-instruction s’avère une solution inévitable. Le parquet se veut rassurant.
Les avocats n’ont jamais apprécié la procédure de mini-instruction et son extension, prévue par un projet de loi d’Élisabeth Margue, les rassure encore moins. Le recours à cette procédure est prévu pour les infractions de faux, usage de faux, prise illégale d’intérêts (corruption), extorsion et faux bilan. Le Barreau estime qu’elle n’est pas assez encadrée «pour permettre un respect minimum des droits de la défense». Après avoir entendu des représentants du Conseil de l’Ordre des avocats le mois dernier, les députés ont reçu cette fois une délégation de membres du parquet pour discuter de ces modifications du code de procédure pénale.
Le procureur général d’État, John Petry, a tenu tout d’abord à souligner que les magistrats enquêtent bien à charge et à décharge, contrairement à ce que les avocats avancent. Dans son avis rendu au printemps dernier, le Conseil de l’Ordre attirait l’attention sur l’absence de saisine du juge d’instruction et donc d’inculpation. La personne visée par la procédure de mini-instruction n’a aucun accès au dossier pénal et perd de nombreuses étapes clés dans la procédure pour faire valoir ses droits et moyens de défense, alertaient-ils.
«Les personnes poursuivies subissent la procédure pénale et parfois en ignorent jusqu’à son existence jusqu’au moment où elles reçoivent notification d’une convocation à comparaître devant une juridiction de jugement», expliquaient les avocats. Elles ont alors perdu le droit de pouvoir s’expliquer auprès de l’autorité de poursuite, de déposer un mémoire contenant leurs observations devant la Chambre du conseil, laquelle permet dans un premier temps de jouer son rôle de «filtre» et d’apprécier l’existence suffisante de charges de culpabilité justifiant le renvoi du prévenu devant une juridiction du fond (décision en outre susceptible d’appel).
Les juges d’instruction surchargés
Par l’utilisation de la procédure de la mini-instruction, le prévenu perd aussi tout droit de pouvoir concourir activement à l’instruction et de donner sa version des faits, ses pièces ou observations à décharge, de sorte qu’il se retrouvera à devoir exposer tous ces éléments devant la juridiction de jugement, comme le dénonçaient les avocats.
Devant les députés, John Petry a voulu rassurer sur les droits des justiciables, mais il a insisté sur les modifications de la procédure de mini-instruction qu’il estime nécessaires dans le contexte d’une surcharge de travail des juges d’instruction, en charge d’environ 200 affaires simultanément.
Les mini-instructions sont utiles dans deux cas de figure, selon le procureur général d’État. D’abord, pour permettre au parquet de faire une préanalyse et de décider s’il faut une instruction et, ensuite, pour traiter des affaires peu complexes dans lesquelles une procédure d’instruction serait disproportionnée.
En 2024, selon les chiffres présentés, il y aurait eu 60 000 enquêtes, 1 500 instructions et 800 mini-instructions. Pour illustrer la qualité de ces procédures, qui sont une forme d’enquête, les membres du parquet ont présenté les taux d’acquittement dans l’arrondissement de Luxembourg, qui seraient similaires : 6,5 % pour les affaires avec instruction, contre 7,4 % pour les mini-instructions.
Le phishing, source de surcharge
Si les juges d’instruction sont surchargés, il sera impossible de résoudre les affaires plus rapidement. De plus, le juge d’instruction peut toujours s’autosaisir s’il estime qu’une mini-instruction doit être convertie en instruction. Cela serait d’ailleurs le cas dans plusieurs dossiers chaque année, ont souligné les représentants du parquet.
Autre argument du parquet : l’évolution de certaines affaires comme le hameçonnage (phishing) par exemple, qui serait passé de 28 cas en 2020 à 2 100 cas en 2024, une explosion représentant un élément supplémentaire justifiant la mise en place d’un cadre permettant d’accélérer les procédures.
Quant à l’accès des justiciables à leur dossier, les représentants du parquet ont affirmé qu’ils n’avaient aucun intérêt à ce que les dossiers soient transmis trop tard et que l’exigence du temps raisonnable était largement respectée. Le président de la commission de la Justice, Laurent Mosar, a affirmé que la question générale de l’accès aux dossiers pour l’ensemble des justiciables dans tous les types de procédures lui paraissait importante, précisant que ce point devra être abordé avec la ministre de la Justice lors de sa prochaine venue en commission.
Les députés ont encore profité de cette réunion pour demander des données chiffrées plus fines en ce qui concerne, d’une part, les sursis et, d’autre part, le nombre de mini-instructions transformées en instructions sur demande d’un juge d’instruction. Et pourquoi pas créer un «institut criminologique» dédié afin que le travail législatif puisse se faire de manière mieux informée.