Jusqu’à il y a peu, on disait encore aux Luxembourgeois que la maladie de Lyme (aussi appelée borréliose de Lyme) – une maladie infectieuse due à une bactérie transmise par une tique infectée – n’existait pas au Grand-Duché.
Si, aujourd’hui, des cas de borréliose sont bien avérés au pays, le diagnostic de la maladie demeure très difficile à établir. En cause ? L’inconstance de cette maladie, mais aussi le manque de formation (voire de patience) de nombreux médecins.
«Le problème, c’est que certaines personnes n’ont pas de symptômes, comme des érythèmes migrants par exemple, lesquels peuvent apparaître au bout de quelques heures, mais parfois aussi au bout de quelques mois voire de plusieurs années. La maladie peut évoluer ou disparaître. Par ailleurs, certaines personnes ont une sérologie positive mais ne sont pas malades. À l’inverse, certains malades ont une sérologie négative», explique le Dr Trung Nguyen Nguyen, médecin, microbiologiste et chef du service de virologie et sérologie du Laboratoire national de santé (LNS).
La maladie est tellement insidieuse qu’à ce jour, il n’existe aucun vaccin. Un traitement antibiotique à base de doxycycline peut s’avérer efficace, à condition toutefois que l’infection soit détectée suffisamment tôt et que la maladie n’en soit qu’au stade primaire.
Lorsque les stades sont plus avancés, les manifestations de la borréliose sont d’autant plus aiguës et invalidantes : lésions de la peau, douleurs articulaires handicapantes, problèmes cardiaques et neurologiques… «La borréliose peut imiter tous les symptômes, toucher tous les organes… Établir un diagnostic est donc long et difficile», résume le Dr Nguyen Nguyen.
« Je perdais la boule »
Tellement difficile à déterminer que les médecins finissent parfois par soupçonner les patients d’avoir simplement des réactions psychosomatiques. C’est ce qui est arrivé à Sofia Araujo, atteinte de la maladie de Lyme depuis 2009 et présidente de l’Association luxembourgeoise borréliose de Lyme (ALBL).
«Lorsque je me suis fait piquer, je me suis tout de suite rendue en pharmacie pour que l’on me retire la tique. Le lendemain, prise de vomissements et de fièvre, je me suis rendue aux urgences, où on m’a dit que le Luxembourg n’était pas une zone endémique de la maladie. À l’époque, on n’en parlait pas beaucoup, j’ai fait confiance», se remémore la jeune femme, âgée aujourd’hui de 31 ans.
Mais son état de santé se détériore rapidement et de manière inexpliquée : «J’avais mal partout, parfois je n’arrivais plus à marcher, j’étais très fatiguée –je dormais jusqu’à 14 heures par nuit– je perdais la boule : j’avais des pertes de mémoire, des difficultés à me concentrer, des problèmes auditifs et visuels, je ne parvenais pas à exprimer des mots. Parfois, je n’arrivais même plus à écrire mon prénom.»
Il faudra plus d’un an et demi pour qu’un diagnostic soit enfin posé. «J’avais des tortues d’eau, donc mon médecin a voulu savoir si j’avais une zoonose. Le test s’est révélé positif, mais ce n’était pas dû à mes tortues !»
« Une maladie à la mode… »
Son médecin lui prescrit alors des antibiotiques. Sofia Araujo voit son état s’améliorer, mais elle supporte mal le traitement et perd 25 kg en trois semaines. Puis, au bout d’un an, son état empire.
Si, dans son malheur, Sofia Araujo a la chance d’avoir eu une sérologie positive à la borréliose de Lyme, et donc d’avoir «la preuve noir sur blanc» de sa maladie, le corps médical ne la prend pas toujours au sérieux : «On me dit que ça n’existe pas, que c’est une maladie à la mode…» Elle décide alors de créer l’ALBL, pour soutenir et mettre en relation des malades et des médecins «éclairés». D’autant que face à l’absence de diagnostic et de traitement, en proie à de terribles douleurs chroniques, «des malades se suicident», alerte le Dr Nguyen Nguyen.
Comme de nombreux malades, Sofia Araujo s’est tournée vers la naturopathie, qui lui permet de vivre avec la maladie, assure-t-elle. «J’ai fait le deuil du mot ‘guérir’. Mais désormais, je peux travailler et j’ai mené à terme deux grossesses.»
Le LNS estime que 500 personnes contractent chaque année la maladie de Lyme au Grand-Duché, dont une dizaine souffrent de graves complications. «Les médecins ne déclarent pas toujours les cas, alors que c’est obligatoire, pour ne pas être embêtés par les papiers ou la CNS lors des prescriptions ?», s’interroge Sofia Araujo. «J’ai personnellement été diagnostiquée en 2010, de même que d’autres membres de notre association, pourtant, officiellement, il n’y eu aucun cas cette année-là.» Ce qui contribue indubitablement à sous-estimer encore la maladie.
Tatiana Salvan
Comment s’en prémunir ?
Sur son portail de la Santé, le gouvernement recommande d’adopter quelques gestes simples afin de se prémunir contre une éventuelle morsure de tique :
-Porter des chaussures fermées et des vêtements longs et couvrants (de préférence de couleur claire pour mieux voir les tiques) lors d’activités en forêt, prairie ou espace vert
-Appliquer du répulsif sur la peau et les vêtements
-Éviter les herbes hautes et marcher le long des sentiers
-Examiner régulièrement ses vêtements
-Examiner son corps et celui de ses enfants, en particulier le creux des coudes et des genoux, la nuque, le dos, le cuir chevelu, derrière les oreilles, les aisselles et les plis de l’aine.
L’ALBL recommande en outre de traiter les animaux domestiques et leur interdire l’accès aux lits.