Les chrétiens-sociaux ont bien tenté de faire passer une motion invitant le gouvernement à soutenir la mise en place d’un embargo total et immédiat sur les importations russes. En vain. Xavier Bettel leur demande de faire confiance au gouvernement.
C’est une motion importante pour nous», explique Claude Wiseler sur un ton grave, lors de la dernière séance plénière à la Chambre des députés. La fraction CSV défendait une motion dans laquelle il invitait le gouvernement «à soutenir toute demande permettant d’accroître l’efficacité des sanctions existantes» mais également «la mise en place d’un embargo total et immédiat sur les importations russes de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz».
À charge de la Commission européenne de présenter un plan «visant à continuer à garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne à court terme».
La motion a été rejetée par 37 voix contre, celles de la majorité, additionnées à celles de déi Lénk et de l’ADR. Seuls les pirates ont soutenu le CSV qui ne faisait que reprendre le texte d’une résolution adoptée par le Parlement européen le 7 avril dernier par 513 voix pour, 22 contre et 19 abstentions.
Les six représentants luxembourgeois, ont voté pour, ce que Claude Wiseler ne manque pas de rappeler. En vain. Il a l’impression «qu’on n’a pas envie de sortir de notre confort parce que cette guerre concerne d’autres gens, et il craint que «l’on se soit déjà habitué à cette guerre» qui n’occupe plus la priorité absolue dans les divers ordres du jour.
Le Premier ministre, Xavier Bettel, s’efforce d’expliquer ce qui s’oppose à l’adoption d’une telle motion et d’assurer d’emblée «que personne n’a oublié l’Ukraine». Il soutient même une grande partie de son contenu, mais tique sur l’embargo et sur la demande d’adhésion de l’Ukraine.
«On ne peut pas privilégier l’Ukraine par rapport à la Moldavie et la Géorgie, il y a des critères à respecter valables pour tout le monde», justifie Xavier Bettel.
«Pour décider d’un embargo, il nous faut un accord avec nos partenaires. La position du gouvernement est de soutenir toutes les décisions issues d’un consensus», poursuit le Premier ministre. Il redoute d’être pieds et poings liés en allant négocier à Bruxelles avec un tel mandat du Parlement si d’aventure l’embargo était rejeté. «Je trouverais dommageable de ne pas respecter une motion votée ici», assure Xavier Bettel.
Une question de confiance
«Il ne s’agit pas d’un mandat impératif donné au gouvernement !», le corrige Sven Clement (Parti pirate). «Mais si un embargo devait être décidé, on aimerait que le Luxembourg le soutienne, voilà ce qui est demandé ici et rien d’autre», s’emporte le député. Quelques instants plus tôt, il déclarait que ceux qui s’opposaient à un embargo, se désolidarisaient du peuple ukrainien. Une remarque peu appréciée dans les rangs de la majorité.
Claude Wiseler, lui, aimerait connaître la position du gouvernement sur cette question de l’embargo. Le Premier ministre demande tout simplement à la Chambre d’accorder sa confiance au gouvernement. «On aimerait une motion unanime qui accorde la confiance au gouvernement pour négocier en Europe, comme cela a été de coutume en matière de politique internationale depuis 23 ans que je fréquente ce lieu», conclut le Premier ministre.
Dans les rangs de la majorité, seule la voix d’Yves Cruchten se fera entendre. Il soutient les sanctions à l’encontre de la Russie, mais ne peut approuver cette motion pour les raisons invoquées par Xavier Bettel et demande encore un délai de trois semaines jusqu’au débat prévu à la Chambre des députés sur la question.
«Trois semaines, c’est long eu égard aux horreurs quotidiennes commises en Ukraine et on aurait aimé connaître la position du gouvernement jusque-là», insiste Claude Wiseler. Il n’aura pas ce privilège.
Même les verts, pourtant moqués par un Fernand Kartheiser qui leur rappelle leur programme qui s’opposait à la vente d’armes, ne réagiront pas. Les libéraux avaient leur chef à la barre, donc motus.
Déi Lénk n’a pas voté la motion à cause de sa position en faveur de l’embargo sur les énergies «qui entraînerait un risque de récession, touchant plus gravement les plus précaires». De plus, «il ne faut pas croire qu’un embargo stoppera la guerre du jour au lendemain», justifie encore Nathalie Oberweis.
On doit se réjouir qu’il existe au sein du parlement luxembourgeois des gens qui ont encore les pieds sur terre, contrairement aux députés européens, tous plus tarés les uns que les autres et qui n’hésitent pas à se tirer des balles dans le pied, soit par masochisme, soit plus probablement par incompétence rare.