Il ne sera plus nécessaire, à l’avenir, d’avoir exercé le métier d’avocat avant de devenir magistrat. Face au manque de personnel, le recrutement des attachés de justice s’assouplit.
La justice manque cruellement de moyens humains, or la législation actuelle restreint de «manière artificielle» la réserve de juristes de nationalité luxembourgeoise, éligibles pour la magistrature, selon la ministre de tutelle, Elisabeth Margue. Elle a déposé en août dernier un projet de loi pour modifier la législation sur les attachés de justice, sur recommandation du Conseil national de la justice et de la Commission du recrutement et de la formation des attachés de justice.
Les conditions d’accès à la magistrature seront donc révisées afin de pouvoir recruter et former un nombre beaucoup plus important de candidats pour la magistrature. Ce qui gêne actuellement, c’est la condition de l’accomplissement du stage judiciaire ou notarial comme l’exigence d’exercer la profession d’avocat pendant au moins cinq ans.
Si le gouvernement entend remplir son programme pluriannuel de recrutement, il faudra mettre les bouchées doubles. Ce programme prévoit non seulement la création de 94 postes supplémentaires de magistrat d’ici 2027, mais également le renforcement du pool des attachés de justice, avec 20 postes supplémentaires.
Un autre projet de loi prévoit la création d’un pool de réserve de 100 postes de magistrat que le Conseil national de la justice pourra attribuer aux différents services, en cas de besoin. Il faut aussi compenser les nombreux congés de maternité, congés parentaux et services à temps partiel dans la magistrature ainsi que les départs à la retraite de magistrats.
Le gouvernement préconise l’ouverture de la magistrature à toutes les professions du droit au sens large du terme, tout en réclamant une certaine expérience professionnelle de deux ans, sauf pour le recrutement sur dossier, où la durée d’expérience professionnelle reste fixée à cinq ans. La condition de la nationalité luxembourgeoise pour les candidats à la magistrature est maintenue, comme la connaissance adéquate des langues française, allemande et luxembourgeoise.
Une certaine flexibilité
En principe, l’expérience professionnelle devra être acquise dans le domaine du droit, mais le projet de loi introduit une certaine flexibilité. Certains diplômés en droit peuvent apporter une valeur ajoutée pour les services de la justice en raison de leurs compétences en matière économique, financière ou sociale, même s’ils n’ont exercé aucune fonction juridique pendant leur carrière professionnelle. Le principal reste que le candidat apporte une expérience professionnelle jugée qualifiante pour prétendre à la fonction de magistrat.
Le Conseil national de la justice juge «essentiel» de préciser que la détention du certificat des cours complémentaires en droit luxembourgeois doit demeurer une exigence obligatoire. Le Conseil de l’ordre des avocats est du même avis. Ce dernier préconise, en outre, pour la connaissance des langues exigées, de soumettre aux candidats un cas pratique contenant des données (par exemple un descriptif des faits, un contrat ou un témoignage) dans les trois langues. Dans le projet de loi, il est prévu de leur demander de faire un résumé d’un texte. Pas suffisant pour les avocats.
Rappelons que le projet de loi permet le recrutement de juristes qui n’ont jamais été avocats et qui ne disposent d’aucune expérience acquise dans le domaine du droit. Le Groupement des magistrats luxembourgeois y voit un risque que certains candidats qui pourront être retenus, bien qu’ils soient éventuellement spécialisés dans l’un ou l’autre domaine particulier, présenteront des lacunes ou faiblesses dans leurs connaissances requises dans le droit civil, le droit pénal et le droit administratif, notamment concernant l’aspect procédural de ces matières.
«Le service provisoire tel qu’envisagé paraît trop court et trop généraliste pour ce nouveau type de candidats, d’autant plus que le projet de loi rajoute la matière du droit administratif au programme de la formation professionnelle et prévoit la faculté d’y ajouter d’autres matières supplémentaires», critique le Groupement des magistrats luxembourgeois.
Les députés auront l’occasion de discuter de ces changements dans le recrutement, jeudi, en commission de la Justice.