Des dizaines de tonnes de déchets en provenance du Luxembourg ont été saisies ou trouvées dans la nature cette année par les douaniers. Que la Lorraine soit la poubelle des voisins frontaliers coûte cher.
La Lorraine transformée en dépotoir à ciel ouvert pour étrangers indélicats. Excessif ? À peine. Le sujet est devenu une source de crispation pour les autorités et les intercommunalités bordant les frontières du Luxembourg et de la Belgique. Particuliers et entreprises n’ont aucun scrupule à venir décharger leurs déchets ménagers, ou les restes d’un chantier dans la nature, sur des chemins forestiers, voire dans des containers collectifs. « Chez eux, c’est payant. Ils préfèrent tout balancer chez nous », grince Sandro Di Girolamo, vice-président de la communauté de commune du Pays-Haut Val d’Alzette.
Ce sont les femmes de ménage travaillant au Luxembourg qui viennent jeter les poubelles de leurs patrons. Ce sont les artisans du bâtiment qui choisissent de se débarrasser discrètement des restes d’un chantier. Ce sont des camions qui déchargent en dehors de toute autorisation. Des comportements chassés avec de plus en plus d’assiduité par les services douaniers. « Nous en constatons de plus en plus souvent, expose Thomas Daguin, chef divisionnaire Lorraine Nord. Nous mettons en place des opérations du côté de Thionville et surtout de Longwy : la surveillance des flux révèle un phénomène en expansion. » Une forme de trafic mené souvent de façon artisanale pour économiser du temps et de l’argent. Mais pas seulement. Le transfert frauduleux de déchets est aussi mené à grande échelle.
En face, « il y a une vraie demande des maires et des intercommunalités, constate Thomas Daguin. Ces transferts transfrontaliers de déchets sont rigoureusement interdits. » Et passibles d’amende douanière pouvant monter jusqu’à quelques milliers d’euros.
« Beaucoup de pédagogie »
Un bouclage de frontière a été récemment monté par la brigade de Mont-Saint-Martin. Les douaniers se sont positionnés à Audun-le-Tiche et Rédange. Ces hommes sont particulièrement mobilisés sur le sujet. « Nous sommes quelques-uns originaires du secteur. Ça fait mal de voir ça dans la nature », confie l’un d’eux.
« On cible les camionnettes et les camions benne », prolonge le chef d’unité. Les utilitaires défilent. Les coffres sont inspectés systématiquement. Première touche : un fourgon blanc plein de cartons, de câbles électriques usagés, de déchets mécaniques bons pour la casse. Français installé avec son entreprise au Luxembourg, il assure « ne pas connaître la loi sur les déchets. J’allais seulement chercher des documents chez moi parce que je n’étais pas loin. Je fais le tri dans ma société, ce n’est pas pour aller jeter ça dans la nature ! Allons ! » Les douaniers le croient de bonne foi. Il est simplement mis en garde. « Dans notre action sur les déchets, il y a aussi beaucoup de pédagogie. En revanche, on s’assure toujours que les individus repartent immédiatement au Luxembourg. Et si on les reprend, là, on ne les rate pas. »
C’est le cas d’un homme qui commence à être fiché à la frontière. Il débarrasse les poubelles des bistrots d’Esch-sur-Alzette. L’autre jour, un artisan a été pris la main dans le sac avec une vieille cuisine à débarrasser. Une mauvaise habitude. C’est le cas, aussi, de plusieurs entreprises de BTP. Cette année, un poids lourd a été intercepté avec 25 tonnes de gravats.
« Les patrons commencent à comprendre, constate Thomas Daguin. À force de mettre des amendes, à force d’immobiliser les camions et leurs chauffeurs, j’espère qu’on va parvenir à freiner le problème. »
Kevin Grethen (Le Républicain Lorrain)