L’emblématique gardien de la Jeunesse Esch est décédé à l’âge de 87 ans. Il restera notamment l’homme du Jeunesse – Real Madrid de 1959.
Di Stefano, Kopa, Puskas et Gento ont buté sur lui pendant 45 minutes et rien que cela aurait largement suffi à construire une légende. Le 4 novembre 1959, le Real Madrid, quadruple tenant du titre en Coupe des clubs champions au moment de se présenter à Luxembourg (2-5), est mené 2-1 et Poli Steffen n’y est pas pour rien.
Il n’était «pas très content» à Madrid
C’est une époque où les poteaux sont carrés et où les portiers jouent sans gants. Même le noir et blanc des photos commence déjà à jaunir. Pourtant les rares fois où Poli Steffen est revenu à la Frontière, une fois le nouveau siècle entamé, beaucoup de gens l’ont reconnu. C’est dire son aura. Car il sera resté longtemps fâché avec la Vieille Dame sans jamais vraiment dire pourquoi et le peuple noir et blanc ne l’aura que très peu entraperçu de la fin des années 60 jusqu’au moment où Jean Cazzaro l’a convaincu de revenir encourager son club de toujours, quand il l’a trouvé pensionnaire de la même maison de retraite que sa mère, au CIPA. «Il était enchanté de voir que les gens le reconnaissaient encore. On voyait que ça le touchait sincèrement», sourit Guy Guth, membre du comité eschois.
Forcément donc, c’est tout un club, aujourd’hui, qui pleure la disparition d’un de ses plus illustres serviteurs. Steffen pèse tout de même d’un sacré poids dans la Jeunesse Esch d’immédiat après-guerre : de 1946 à 1962, il a tout de même cumulé 270 matches de DN et trois titres de champion. Plus huit matches de Ligue des champions (le Real donc, mais aussi le Stade de Reims, son grand concurrent de l’époque) et 32 sélections qui ne laisseront pas non plus le pays insensible à ses talents puisqu’il était aux buts le 8 octobre 1961, quand les Roud Léiwen ont fait chuter le Portugal d’Eusebio (4-2).
Bref, Poli Steffen aura souvent été au bon endroit au bon moment, dans des rencontres qui ont marqué l’imaginaire collectif luxembourgeois de façon durable. Sauf un, qu’il a dû laissé filer à cause d’un doigt cassé au tour précédent contre les Polonais de Lodz : le match aller face au Real, au Santiago-Bernabeu. «Il n’était d’ailleurs pas très content, rappelle Guy Guth. Il pensait pouvoir jouer, mais le coach, George Berry avait préféré mettre René Hoffmann.»
« Des qualités, il en avait beaucoup »
Hoffmann, autre grand gardien mythique de la Vieille Dame, a d’ailleurs eu une pensée, vendredi, pour un gardien qui approchait de la trentaine quand il a débarqué en équipe 1, à 17 ans. «Des qualités, il en avait beaucoup. Quand je suis arrivé, il m’a un peu aidé. Je ne l’avais plus revu depuis un an et ce jour où je l’ai croisé au Cactus, en train de faire des courses. Il était en chaise roulante. Je crois qu’il avait un problème au genou.»
Jean Cazzaro, qui l’a vu bien plus régulièrement ces derniers mois, assure lui que c’était un souci de colonne. Le président de la Jeunesse savait que, depuis une semaine, il était parti à l’hôpital, sans savoir vraiment pourquoi, jusqu’à l’annonce de son décès, survenue vendredi. S’il peut déjà garantir une minute de silence le 12 février prochain lors de la réception du RM Hamm Benfica, le comité doit se pencher jeudi prochain sur une forme d’hommage plus solennelle encore pour un homme qui avait débuté à l’usine, avait possédé trois cafés dont celui installé à la maison du Peuple, en face de la gare d’Esch, le QG de l’OGBL. «C’était un vrai rouge !», rappelle Guy Guth. Pour un gars de la Grenz, forcément, ça fait un peu bizarre. Mais ce grand gardien qui a fini sa carrière professionnelle comme chauffeur-livreur chez nos confrères du Tageblatt, était aimé : «90% des gens qui fréquentent le stade le connaissent encore», estime Jean Cazzaro, qui s’enorgueillit de l’avoir «réconcilié» avec la Jeunesse, qui se souviendra sans doute encore longtemps de «ses mains infernales», dixit Guy Guth.
À sa famille et à ses proches, nous présentons nos plus sincères condoléances.
Julien Mollereau