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La Grande-Duchesse Maria Teresa : «Cela me prend aux tripes»


«Au moment de mon mariage, je me suis rendu compte que je me retrouvais à une place privilégiée. Pour moi, il est important "d'utiliser" cette place pour mettre en lumière des causes difficiles ou oubliées», confie la Grande-Duchesse. (photo Fabrizio Pizzolante).

Dans un mois, le Luxembourg accueillera le forum international «Stand, Speak, Rise Up-Pour en finir avec le viol comme arme de guerre et les violences sexuelles dans les zones sensibles». La Grande-Duchesse Maria Teresa, qui a initié cet événement, explique ses motivations et son objectif.

En allant sur votre site internet personnel, l’une des premières choses que l’on peut lire est le message suivant : « La lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale compte parmi ces grandes causes qui me tiennent à cœur. » De quelle manière agissez-vous au quotidien dans ces luttes au Luxembourg et à travers le monde?

La Grande-Duchesse Maria Teresa : Depuis mon mariage, je me suis engagée sur plusieurs thématiques à travers mes mandats à l’Unesco et à l’Unicef. Je suis devenue ambassadeur de bonne volonté en 1997 à l’Unesco. Au départ, je me suis engagée à aider les femmes les plus pauvres à travers l’outil de la microfinance pour les sortir du cercle vicieux de la pauvreté et ainsi entrer dans un cercle vertueux qui implique l’éducation et la formation. Depuis mon voyage au Bangladesh avec le Pr Yunus, je soutiens son action et j’œuvre pour la promotion de la microfinance. Et le Luxembourg est devenu performant dans ces domaines, avec la mise en place de plusieurs plateformes de microfinance et de labels, dont LuxFLAG (NDLR: Luxembourg Fund Labelling Agency), qui est une référence européenne aujourd’hui.

Et votre engagement auprès de l’Unicef?

J’ai été nommée Eminent Advocate for Children (« Éminente défenseure des enfants ») de l’Unicef en 2007. À l’international, la thématique que j’ai voulu défendre, ce sont les enfants et les jeunes qui sont mis en prison sur le continent africain et ailleurs pour des délits de droit commun. Des enfants qui se retrouvent en prison et qui sont oubliés en prison. C’est la raison pour laquelle j’ai fait ce voyage au Burundi en 2009, où j’ai visité les prisons de Bujumbura pour découvrir et montrer que c’était une réalité. J’étais sur place pour voir, pour prouver à tout le monde que c’était vrai.

Et qu’avez-vous vu dans ces prisons burundaises?

Cela marque terriblement. Quand vous avez des petits garçons de 12-13ans qui vous prennent par la main et qui vous disent: « Madame, sortez-nous de là, s’il vous plaît. On se fait violer, on se fait maltraiter, on nous a oubliés… » (…) À mon retour, j’ai été très préoccupée pendant longtemps. J’ai commencé à agir avec une amie, Maggy Barankitse, une Burundaise. Surnommée « l’ange du Burundi », elle a sauvé des centaines d’orphelins hutus et tutsis. Je lui ai donné les moyens, avec ma fondation, d’engager des avocats, des assistantes sociales, des médecins… Des personnes pour aider ces enfants. (…)

Et au Luxembourg?

À travers ma fondation, je réponds avant tout au Grand-Duché à des cas de détresse sociale. Même si nous nous trouvons dans un pays très privilégié, il y a une augmentation des cas de détresse sociale. Il y a surtout une augmentation de détresse sociale des femmes qui élèvent seules leurs enfants.

D’où vous vient cet engagement auprès des plus vulnérables d’ici et d’ailleurs?

Cet engagement, je l’ai depuis que je suis adolescente. À l’âge de 12-13ans, j’ai commencé à m’intéresser aux questions et aux problématiques humanitaires. C’est une fibre familiale. Nous étions une famille aisée, mais on m’a toujours appris qu’il fallait partager. Ma famille était philanthrope dans le social et le médical. La philanthropie m’a été transmise et on m’a toujours dit: « Ma fille, tu as beaucoup, tu as la responsabilité de beaucoup donner. » Cela m’a toujours paru très juste. Mon moteur et mon point de départ sont là, familiaux et éducatifs. Je ne supporte pas l’injustice, ça me révolte. Avant mon mariage, j’ai toujours voulu travailler dans l’humanitaire. Au moment de mon mariage, je me suis rendu compte que je me retrouvais à une place privilégiée. Pour moi, il est important « d’utiliser » cette place pour mettre en lumière des causes difficiles ou oubliées. Si je peux mettre un coup de projecteur sur les causes dont personne ne parle, alors je peux rendre un service. Aujourd’hui, si je m’engage dans toutes ces causes, c’est parce que cela me prend aux tripes, c’est mon moteur. (…)

Entretien avec Guillaume Chassaing

Retrouvez l’intégralité de l’interview de la Grande-Duchesse dans notre édition papier de lundi.