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La France veut créer « une police fiscale » contre les fraudeurs


Des sanctions administratives seront en outre créées pour les "tiers complices de fraude fiscale et sociale", à savoir les officines ayant élaboré les montages frauduleux ou abusifs. (illustration AFP)

Création d’un service d’enquête spécialisé à Bercy, introduction d’une procédure de plaider coupable, publication du nom des plus gros fraudeurs… Voilà les principales mesures du projet de loi contre la fraude présenté mercredi par le gouvernement français.

Le projet de loi élaboré par Bercy prévoit la création d’un service spécialisé à Bercy, dit de « police fiscale ». Cette structure, dotée dans un premier temps d’une cinquantaine d’agents, sera placée sous l’autorité d’un magistrat. Elle pourra être saisie par le Parquet national financier (PNF) dans le cas de dossiers nécessitant une expertise fiscale pointue, avec des enjeux budgétaires considérables. Ce « fisc judiciaire », censé épauler la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, pourra par ailleurs procéder à des écoutes et des perquisitions, comme le fait la police judiciaire.

Des sanctions administratives seront créées pour les « tiers complices de fraude fiscale et sociale », à savoir les officines (cabinets d’avocats, sociétés de conseil…) ayant élaboré les montages frauduleux ou abusifs. Ces intermédiaires, qui profitent aujourd’hui d’un certain flou juridique, pourront se voir infliger des pénalités allant de 10 000 euros à 50% des honoraires perçus. Une mesure à peu près similaire avait été proposée voilà quelques années par le Parlement, avant d’être censurée par le Conseil constitutionnel. Un risque cette fois écarté, selon Bercy, qui précise s’être assuré de la solidité juridique de son dispositif.

Les noms rendus publics

La pratique du « name and shame » (« nommer et faire honte »), qui consiste à désigner publiquement le nom des fraudeurs à des fins dissuasives, via les journaux ou sur internet, sera développée pour les cas les plus graves. Elle deviendra obligatoire en cas de condamnation pénale, sauf décision expresse du juge, et possible pour certaines fraudes sanctionnées par l’administration, selon Bercy, qui évoque un « potentiel de plusieurs centaines de publications par an ».

« Il faut que le peuple français sache qui cherche à s’exonérer des obligations fiscales légitimes », a justifié le Premier ministre Édouard Philippe. Une procédure de plaider coupable sera mise en place pour les fraudeurs poursuivis au pénal et disposés à reconnaître leurs torts. Ces derniers pourront ainsi s’éviter un procès, en acceptant la peine proposée par le parquet. Ce dispositif, destiné à accélérer les procédures et à améliorer les résultats de la lutte contre la fraude, n’empêchera pas – le cas échéant – la publication du nom des fraudeurs, précise le ministère des Finances.

Une blacklist « plus pertinente »

Des mesures seront prises dans le cadre du projet de loi pour accroître les échanges d’informations entre administrations. L’objectif est de développer l’exploration de données (ou « data mining »), afin de cibler les contrôles sur les cas les plus suspicieux. Cette technique, déjà utilisée depuis 2014 pour les entreprises et testée depuis fin 2017 pour les particuliers, permet de détecter les dossiers à risques grâce à des logiciels croisant les informations fiscales. D’après Bercy, une quinzaine de millions d’euros seront mobilisés pour développer l’équipement de l’administration. L’objectif est que le « data mining » soit à l’origine de la moitié des contrôles fiscaux à l’horizon 2021.

La France va revoir sa liste des paradis fiscaux pour la rendre « plus pertinente », selon Bercy. La liste française des États et territoires non coopératifs (son nom officiel) est en effet aujourd’hui uniquement basée sur le critère de la coopération administrative. Bercy souhaite aller plus loin, en intégrant les critères retenus par l’Union européenne, à savoir la « transparence fiscale », « l’équité fiscale » et la mise en œuvre du plan de lutte contre l’optimisation fiscale dit « BEPS », mis en place sous l’égide de l’OCDE. Actuellement, sept pays figurent sur la liste française : Bruneï, Nauru, Niue, le Panama, les îles Marshall, le Guatemala et le Botswana.

Le Quotidien/AFP