Des coups de griffe, des mises en garde et une série de recommandations : la Cour des comptes a décerné mercredi ses traditionnels avertissements sur la gestion de l’argent public, appelant à plus de rigueur pour éviter les gaspillages et assainir les comptes de l’État.
« L’accentuation de l’effort de maîtrise des dépenses est indispensable pour respecter les objectifs que la France s’est donnés » et « renforcer sa crédibilité financière auprès de ses partenaires de la zone euro », écrit la Cour dans son rapport public annuel, remis au gouvernement et aux parlementaires. Dans le viseur des magistrats financiers : la réduction du déficit public, que le gouvernement entend ramener à 2,7% du produit intérieur brut (PIB) cette année, après 3,3% en 2016.
Cet objectif, destiné à ramener la France dans les clous européens, « sera très difficile à atteindre », prévient la juridiction financière. La trajectoire prévue par Bercy s’appuie en effet, d’après la Cour, sur une progression des dépenses publiques « probablement sous-estimée, car certaines économies affichées ne pourront pas atteindre les montants attendus », en particulier pour l’assurance-chômage et l’assurance-maladie. Elle repose par ailleurs sur une prévision de croissance « un peu élevée » et sur des hypothèses de recettes fiscales trop « optimistes ».
Le gouvernement a prévu pour 2017 une croissance de 1,5% du PIB, supérieure de 0,2 point aux prévisions de la Banque de France, du FMI ou de l’OCDE. « Il s’agit là d’un scénario équilibré et réaliste », même si « des aléas, à la hausse comme à la baisse, ne sont pas à exclure », s’est justifié le ministère des Finances. Au-delà de 2017, c’est le rétablissement dans la durée des comptes publics qui pose néanmoins problème aux yeux de la Cour des comptes. « Le niveau particulièrement élevé des dépenses publiques en France est loin de conduire à des résultats à la hauteur des moyens engagés », déplore-t-elle. « Les pouvoirs publics devront donc s’attacher résolument dans les années à venir à améliorer l’efficience de la dépense publique et, pour ce faire, effectuer des choix explicites », avec « un meilleur ciblage des politiques d’intervention ».
Écotaxe, gens du voyage, tabac…
Le rapport annuel, articulé autour de 27 thèmes, pour un total de 1 300 pages, donne du grain à moudre aux services de l’État comme aux collectivités locales, en détaillant plusieurs exemples de gestion perfectible – voire défaillante – de l’argent des contribuables. Les magistrats s’attardent notamment sur l’abandon de l’écotaxe poids lourds, mesure phare du Grenelle de l’Environnement. « Un échec de politique publique dont les conséquences sont probablement très durables », tranche la Cour, qui évalue à un milliard d’euros les indemnités versées par l’État pour compenser ce renoncement.
Ils s’inquiètent également du manque de contrôle imposé au secteur de la formation professionnelle, pourtant très exposé à la fraude, et du « défaut de pilotage » dans l’indemnisation amiable des victimes d’accidents médicaux, qui peinent à se faire entendre et à être dédommagées. « L’équilibre du dispositif a été dévoyé principalement par le rôle que s’est arrogé l’Oniam », organisme chargé d’indemniser les victimes, soulignent les auteurs, qui jugent la remise en œuvre « impérative ». Ils égratignent, enfin, l’action sociale au ministère de l’Intérieur, et notamment l’Association des œuvres sociales de la police. Cet organisme est « un exemple de dérive particulièrement grave », insistent les magistrats, qui dénoncent des mises à disposition « de complaisance », des « avantages indus » et des recrutements « opaques ».
Des cartons orange ou rouge sont également adressés à l’accueil et l’accompagnement des gens du voyage, dont les progrès sont jugés « lents » et « inégaux », et à la politique de soutien aux débitants du tabac, « légitime au début des années 2000 » mais aujourd’hui « très contestable ».
Le Quotidien/AFP
« Dérives » et « gestion opaque » à Levallois-Perret, la ville des Balkany
Des associations et sociétés « imbriquées » avec la commune, un système « opaque » : la Cour des comptes pointe des « dérives » dans la gestion de la commune de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), dirigée par Patrick Balkany (LR), et invite l’État à la surveiller davantage.
La gestion municipale repose sur de « nombreuses entreprises communales et associations étroitement liées à Levallois », soulèvent les magistrats financiers dans leur traditionnel rapport annuel, au point qu’il n’existe pour certaines aucune « distinction claire » avec la ville et que cette « interdépendance » pèse sur sa dette. Surtout, ces relations entre la commune de 65 000 habitants et ses sociétés d’aménagement et associations « satellites » sont « largement opaques », un système « générateur d’irrégularités et de dérives », soulignent les magistrats de la rue Cambon. Ils citent à titre d’exemple des « carences » dans l’information budgétaire et comptable de la société d’économie mixte d’aménagement communale, la Semarelp, détenue à 79,99% par Levallois, un manque de transparence financière dans les documents « élaborés par les services communaux à destination des élus et de la population locale », ou encore des conventions « insuffisantes » avec les associations.
Conséquence de ces relations « opaques », des élus de la majorité municipale également membres des conseils d’administration des associations concernées peuvent se trouver confrontés à des « conflits d’intérêts », pointe la Cour, et Levallois-Perret « n’a pas cherché à se prémunir » contre ce risque. Par ailleurs, « plusieurs associations subventionnées emploient de nombreux agents municipaux, en situation de mise à disposition », sans respecter le « cadre légal et réglementaire ».
Enfin, rappelle la Cour, la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France a déjà épinglé de « multiples irrégularités » dans la passation et l’exécution de marchés attribués par Levallois-Perret à la Semarelp et ses filiales. « La surveillance des services de l’État sur les dérives de cette gestion municipale a sans doute été trop intermittente et les mises en garde formulées, trop rares, et peu suivies de rappels plus fermes à la légalité », concluent les magistrats.