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« La Forme de l’eau » triomphe lors d’Oscars appelant à l’inclusion


Les actrices et acteurs récompensés : Sam Rockwell, Frances McDormand, Allison Janney, et Gary Oldman. (photo AFP)

« La Forme de l’eau » de Guillermo del Toro a été sacré Oscar du meilleur film dimanche, remportant au total 4 prix lors d’une cérémonie marquée de vibrants appels contre les discriminations sexuelles et raciales.

Autre grand gagnant, 3 Billboards, Les panneaux de la vengeance, primé pour le meilleur second rôle masculin (Sam Rockwell) et la meilleure actrice, Frances McDormand, qui interprète une mère en colère face à l’enquête non élucidée sur le meurtre de sa fille.

La Forme de l’eau, romance fantastique sur une muette travaillant dans un laboratoire gouvernemental secret qui tombe amoureuse d’une créature reptilienne captive, partait forte de 13 nominations et a valu au compositeur français Alexandre Desplat son 2ème Oscar. « C’est merveilleux. Je suis extatique », a déclaré le musicien. « J’ai grandi au Mexique, je pensais que ça ne m’arriverait jamais », a pour sa part déclaré del Toro, 53 ans, également lauréat du titre de meilleur réalisateur, sur la scène du Dolby Theatre. Espérant que ses films génèrent « l’empathie », il a appelé les jeunes cinéastes qui veulent « utiliser le genre fantastique pour raconter ce qui se passe dans le monde aujourd’hui à mettre un grand coup de pied dans la porte ».

Belle soirée pour le Mexique : Coco de Pixar, un hommage à la Fête des morts, a remporté les Oscars du meilleur film d’animation et de la meilleure chanson. C’est la 6ème victoire d’affilée pour le groupe Disney.

Chez les comédiens, Allison Janney a reçu le prix du meilleur second rôle féminin pour avoir joué la mère abusive de la patineuse Tonya Harding dans Moi, Tonya, et l’anglais Gary Oldman celui du meilleur acteur pour son interprétation fiévreuse de Winston Churchill dans Les heures sombres. Lors d’un temps fort de la nuit, Frances McDormand a appelé toutes les artistes féminines dans la salle, actrices, compositrices, productrices, scénaristes, réalisatrices, à se lever. « Nous avons des histoires à raconter et des projets qui ont besoin de financement », a insisté la comédienne de 60 ans, oscarisée pour la seconde fois.

Dans son discours introductif, le présentateur Jimmy Kimmel a ironisé sur la statue de l’Oscar, « qui garde ses mains là où on peut les voir, il ne dit rien d’insultant et n’a pas de pénis, (…), on a besoin de plus d’hommes comme ça » à Hollywood. Il a ajouté que le cinéma doit « montrer l’exemple » en matière de harcèlement et d’égalité hommes-femmes. Ces Oscars étaient les premiers depuis les révélations sur Harvey Weinstein, le producteur déchu accusé d’avoir harcelé ou agressé sexuellement une centaine de femmes. Aux côtés d’Ashley Judd, l’une des premières à avoir parlé publiquement contre Weinstein, et d’Annabella Sciorra qui accuse le producteur de l’avoir brutalement violée, Salma Hayek a présenté une vidéo contre les discriminations à l’encontre des femmes, des minorités sexuelles et ethniques.

Plaidoyer contre les discriminations

La cérémonie a été marquée de messages contre la politique anti-immigration du président américain Donald Trump. Jimmy Kimmel a notamment évoqué la « superbe Lupita Nyong’o », « née au Mexique et élevée au Kenya. Et voilà l’avalanche de tweets qui va commencer depuis les toilettes présidentielles ». La comédienne a quant à elle déclaré, allusion aux jeunes sans-papiers surnommés les « dreamers » : « les rêves sont la fondation d’Hollywood et de l’Amérique ».

Autre moment riche en émotion: le rappeur Common a interprété la chanson du film Marshall, Stand up for something, avec Andra Day, entourés de militants : Patrisse Cullors de Black Lives Matter, Tarana Burke de #MeToo, Cécile Richards, l’ex présidente de Planned Parenthood, Nicole Hockley de l’association anti-violence des armes à feu Sandy Hook Promise, Dolores Huerta… Côté diversité, le palmarès a récompensé un cinéaste noir, Jordan Peele, pour le scénario de son film d’horreur Get Out, qui critique le racisme bien-pensant. Il a remercié sa mère « qui m’a appris à aimer même face à la haine ».

L’Oscar du meilleur film en langue étrangère est allé au chilien Une femme fantastique de Sebastian Lelio, porté par une actrice transgenre, Daniela Vega. Déception pour la légendaire Agnès Varda, 89 ans : son Visages, Villages co-réalisé avec JR n’a pas reçu le prix du meilleur documentaire, revenu à Icarus, mais le mythique auteur-réalisateur James Ivory, 89 printemps également, a décroché sa première statuette pour le scénario de Call me by your name. La cérémonie s’est déroulée sans anicroches après le fiasco de l’an dernier, quand le mauvais gagnant de l’Oscar du meilleur film (La la land au lieu de Moonlight) avait été annoncé. L’erreur avait été causée par un employé distrait du cabinet d’audit Pricewaterhousecoopers qui avait remis la mauvaise enveloppe à Warren Beatty et Faye Dunaway. Le duo était de retour pour la même mission, cette fois accomplie sans encombre.

Le Quotidien/AFP