C’est le budget sur dix ans, selon le contrat qui lie l’État à la société des chemins de fer pour son seul service d’autobus. La Chambre de commerce estime que c’est cher payé du kilomètre.
À mesure que les CFL supprimaient des lignes ferroviaires chroniquement déficitaires, des bus de substitution faisaient leur apparition. En 1996, ce réseau rejoint finalement le RGTR (Régime général des transports routiers) et, actuellement, les CFL exploitent encore dix lignes dans le nord et le nord-est du pays.
Selon l’exposé des motifs du projet de loi régissant le contrat entre l’État et les CFL pour le service de transport de voyageurs par autobus, 337 personnes y sont affectées, dont 260 chauffeurs, sous le statut particulier du personnel de la société. Toutes les autres lignes du réseau RGTR sont opérées par des entreprises privées, désignées après un appel d’offres décomposé en 36 lots.
La Chambre de commerce, dans son avis sur le sujet, a épluché les termes du contrat qui lie pour les dix prochaines années, à partir du 1ᵉʳ janvier 2025, l’État aux CFL, et l’enveloppe de 692 millions d’euros qui s’y rattache.
Il ne s’agit que du service des bus, séparé cette fois du rail pour des raisons de nouvelles normes juridiques. Elle relève avant tout la «volonté politique» du gouvernement de ne pas mettre les CFL en concurrence pour l’attribution de ce contrat, «contrairement à ce qu’il a fait pour les autres lignes du réseau RGTR».
Légalement, il n’y a rien à ajouter, tout est fait dans les règles de la directive européenne sur la passation des marchés publics. Sous certaines conditions, l’État peut se passer d’un appel d’offres.
Exemple tiré de la liste : si le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée «un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services» et si plus de 80 % des activités «sont exercées dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle».
Les CFL appartiennent à l’État luxembourgeois à 94 %, les autres parts étant détenues par l’État belge et l’État français. Selon un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, «le pouvoir adjudicateur conclut un marché non pas avec une autre entité, mais en réalité avec lui-même, compte tenu de son lien avec l’entité formellement distincte».
Plus que l’attribution d’un marché, il faudrait parler «d’une commande ou d’une mission, que l’autre partie n’est pas en droit de refuser, quelle que soit la forme que l’une ou l’autre prend», selon l’avocat général cité dans l’arrêt.
La Chambre de commerce, tout en reconnaissant volontiers la base légale de ce contrat, rappelle au gouvernement que rien ne l’empêchait de procéder à une mise en concurrence pour l’attribution de ce marché, «comme il l’a fait pour les 36 autres lots du réseau RGTR, selon les conditions définies par la loi du 17 décembre 2021 relative au financement de l’exploitation des services publics d’autobus».
C’est une question qui la chiffonne alors que la Chambre de commerce estime que les opérateurs privés n’ont pas démérité, en plus d’avoir démontré leur efficacité «en termes de contrôle de l’évolution des coûts».
Si elle se permet de demander au gouvernement la mise en concurrence avec les acteurs privés des lignes exploitées par les CFL, c’est qu’elle a comparé le prix du kilomètre parcouru.
Grand écart de salaires
Pour les dix prochaines années, l’offre des CFL est établie à 7,3 millions de kilomètres par an pour un budget de 61 millions d’euros, calculé pour 2025. En face, les opérateurs privés vont parcourir l’an prochain 66 millions de kilomètres et disposeront d’une enveloppe de 260 millions d’euros. Résultat : le kilomètre coûtera à l’État 3,93 euros avec les sociétés privés et 8,46 euros avec les CFL.
Il faut tenir compte des obligations qui incombent aux CFL, comme le remplacement progressif du parc des autobus diesel par une flotte de bus entièrement électrique jusqu’en 2030, mais aussi de la hausse de 25 % sur dix ans du coût de l’entretien du parc électrique par rapport au parc diesel, due au remplacement des batteries.
Selon la Chambre de commerce, «il faut noter ici que les exigences contenues dans les contrats passés avec les opérateurs privés du RGTR sont très similaires à celles qui incombent aux CFL, notamment en termes d’électrification».
Ce qui pique les yeux de la chambre patronale, c’est l’écart de rémunération de 115 % entre les sociétés privées et les CFL, «pour le même type de prestation, équivalent à un montant annuel de l’ordre de 33 millions d’euros».
Au nom de la réduction des dépenses de l’État, la Chambre de commerce demande une mise en concurrence, faute de quoi elle n’est pas en mesure d’approuver le projet de loi.
Ce n’est pas prévu, explique la ministre de la Mobilité et des Travaux publics, Yuriko Backes, aux députés, pas plus qu’une réforme de la progression des salaires pour les employés des CFL.