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La Fédération des artisans règle ses comptes


Luc Meyer et Romain Schmit n’ont pas pour habitude de mâcher leurs mots. Ils le prouvent une nouvelle fois. (Photo : hervé montaigu)

Face aux lourdes difficultés qui frappent le secteur, la Fédération des artisans tire tous azimuts, dénonçant pêle-mêle les «abus» des salariés, des syndicats et même de l’ITM.

Pénurie de main-d’œuvre, augmentation des charges – hausse du salaire social minimum, index, fin des compensations – perturbations dans la construction, mais aussi l’automobile, les soins du corps ou l’alimentation : le secteur de l’artisanat traverse une période de graves tensions. Et pour la Fédération des artisans (FDA), la coupe est pleine.

L’organisation patronale, qui réclame des réformes ciblées et un dialogue social «modernisé», s’en prend tour à tour au «diktat» des syndicats, jugés «déconnectés des besoins réels des PME», à l’absentéisme des salariés, trop important à son goût, et à l’Inspection du travail et des mines (ITM), dont les visites seraient «inadaptées» et les procédures «opaques».

Sur le dialogue social d’abord, le président Luc Meyer et le secrétaire général Romain Schmit, réunis hier face à la presse, dénoncent l’«absence de représentativité réelle» des syndicats : «78 % des délégués ne sont pas syndiqués dans les entreprises de moins de 100 salariés, ce qui est le cas de la majorité des entreprises artisanales.» Et d’en conclure que les syndicats sont «un phénomène marginal au sein de l’artisanat» et que le secteur passe donc «largement sous leur radar».

D’où la revendication de permettre à ces délégués «libres», systématiquement discriminés, selon la FDA, de négocier au sein de leur société «au-delà du cadre rigide de dispositions sur l’organisation du travail» en vigueur. Ceci pour contourner purement et simplement les positions syndicales, qui ne refléteraient «ni les besoins des entreprises ni les attentes des employés».

«Le code du travail est trop généreux»

Quant au recul des conventions collectives de travail (CCT) dans le secteur – 16 en 2000 contre 10 aujourd’hui –, les causes sont toutes trouvées pour la Fédération des artisans : «Le code du travail est trop généreux, avec des avantages considérables pour les salariés : congés légaux étendus, dispositions extraordinaires pour équilibrer entre vie personnelle et vie professionnelle, règles strictes sur les horaires de travail, augmentations automatiques», fulmine Romain Schmit, évoquant des CCT «trop coûteuses et sans contrepartie pour les entreprises».

Ce que veut la FDA, ce sont des conventions collectives flexibles, sans «normes uniformes» et «adaptées aux besoins spécifiques» du secteur. Ce qui passerait notamment par des dérogations au code du travail ou des négociations avec le personnel, même en l’absence de syndicats.

Sur le travail du dimanche, limité à 4 heures actuellement – un projet de loi est en cours pour l’étendre à 8 heures – la Fédération des artisans juge les restrictions «disproportionnées» et plaide pour l’extension de la durée autorisée, et l’adaptation ou la suppression de l’obligation de repos continu de 44 heures hebdomadaires. Même ligne concernant les horaires d’ouverture, Luc Meyer et Romain Schmit défendent la «liberté complète» pour les entreprises.

Les salariés «honnêtes» et les autres

Les salariés en prennent aussi pour leur grade : le duo pointe d’abord du doigt «les absences pour raisons médicales les lundis, trois fois plus fréquentes que le reste de la semaine», ce qui «pose des questions sur d’éventuels abus». Ils ajoutent que «les nouvelles formes de congés liées à la work-life balance amplifient les difficultés organisationnelles des petites équipes».

Pour résoudre cela, la FDA préconise des contrôles systématiques des malades, l’introduction d’un jour de carence pour limiter les absences injustifiées et l’ajustement des droits au congé pour éviter l’accumulation en cas d’absence prolongée. Des mesures corrosives, totalement assumées, qui «visent à protéger les entreprises, tout en assurant l’équité pour les salariés honnêtes».

Pour finir, la fédération étrille l’ITM et ses pratiques jugées «trop souvent répressives et déconnectées des réalités des entreprises artisanales» : les inspecteurs interviendraient «à des moments inappropriés», avec une approche «purement répressive» et un «manque de transparence dans les sanctions». Luc Meyer et Romain Schmit poussent le bouchon jusqu’à formuler une série de recommandations. L’ITM appréciera.