Accueil | A la Une | La coopération suspendue au Niger

La coopération suspendue au Niger


En 2021, au château de Senningen, le Luxembourg signait un important contrat de coopération avec le Niger, doté d’une enveloppe de 145 millions d’euros. (archives LQ/Alain Rischard)

C’est un des partenaires les plus importants de la coopération au développement. Le ministre Franz Fayot parle de gâchis et annonce une suspension des programmes d’aides.

Il y a deux semaines se tenait encore une visioconférence pour la 14e Commission de partenariat avec le Niger, «pays partenaire prioritaire de la Coopération luxembourgeoise depuis plus de 30 ans», comme le soulignait le communiqué de l’époque. «C’est un grand gâchis», regrette aujourd’hui le ministre Franz Fayot en ayant une forte pensée pour le président élu Mohamed Bazoum, actuellement séquestré avec sa famille dans sa résidence privée située à l’intérieur du camp militaire de la garde présidentielle, dont les commandants figurent parmi les putschistes.

«Son gouvernement était un havre de stabilité. Il a été élu démocratiquement en 2021, il a lutté contre la corruption, il a les bonnes idées et le bon programme politique pour améliorer le pays, qui compte parmi les plus pauvres au monde», témoigne le ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire, Franz Fayot.

Il fait référence aussi à l’action du président Bazoum pour l’éducation, celle des jeunes filles en particulier. «Ce qui est dramatique, c’est que nous travaillons beaucoup avec le gouvernement, donc tout cela est compromis», annonce le ministre, qui était encore en communication avec le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Niger, Hassoumi Massoudou, le 11 juillet pour faire le point sur les programmes bilatéraux.

«Impossible de collaborer avec des putschistes»

Le Programme indicatif de coopération (PIC) IV, qui représente une enveloppe indicative de 144,5 millions d’euros pour la période 2022-2026, est le plus important de la Coopération luxembourgeoise. Les quatre protocoles d’accord signés l’an dernier et dotés d’une enveloppe totale de plus de 90 millions d’euros concernent le programme eau et assainissement et des programmes d’appui relatifs au Fonds commun sectoriel éducation, à la gestion des finances publiques et au développement de l’emploi et l’employabilité des jeunes et des femmes dans les régions de Dosso, Niamey et Zinder.

Tout cela aujourd’hui va être gelé. «On va suspendre les paiements prévus dans les prochaines semaines, il est impossible de collaborer avec des putschistes», annonce Franz Fayot. Il y a environ 70 personnes qui travaillent pour l’agence Lux-Development au Niger, essentiellement des personnels autochtones. «Nous avons un chargé d’affaires sur place et une jeune coopérante qui travaille pour une agence onusienne. Tout le personnel est en sécurité», assure le ministre.

Après le Mali, c’est au tour du Niger de mettre à mal les efforts déployés de longue date par le ministère de la Coopération. «Pour le Mali, c’était en peu différent, car on travaillait beaucoup en régie avec LuxDev et les ONG locales. Au Niger, nous travaillions en relation directe avec le gouvernement», souligne Franz Fayot. Si le Luxembourg ne s’est pas retiré du Mali, il a considérablement réduit la voilure. «Il y a beaucoup de régions où on ne peut plus aller, nos collaborateurs africains ne pouvaient plus s’y rendre», poursuit-il.

L’ombre de Wagner

Des militaires putschistes ont pris le pouvoir mercredi à Niamey, la capitale du Niger, et l’ombre du groupe paramilitaire Wagner plane sur ce coup d’État : «Les Russes jouent sur le sentiment antioccidental. On savait que le Niger était un pays vulnérable à ces coups d’État.» Le ministre de la Coopération pensait, comme beaucoup, que l’armée nigérienne était plus efficace que celle du Mali ou celle du Burkina Faso.

«Les militaires avaient réussi à consolider la situation aux frontières des trois pays et ils continuaient à accueillir les forces européennes. C’est très militarisé, mais ça avait l’air d’être sous contrôle», déclare Franz Fayot. L’état-major de l’armée nigérienne a apporté dès jeudi son soutien aux militaires putschistes.

«Ce qui s’est passé au Niger, ce n’est rien d’autre que la lutte du peuple nigérien contre les colonisateurs qui essayent de lui imposer leurs règles de vie», aurait affirmé Evgueni Prigojine, patron du groupe Wagner, selon un message diffusé jeudi soir, d’après l’AFP, par une organisation russe liée au groupe paramilitaire, dont l’authenticité n’a pas pu être confirmée.

Appel à la prudence

À la suite des récents évènements qui ont eu lieu au Niger, le ministère des Affaires étrangères et européennes tient à recommander aux ressortissants luxembourgeois de continuer à faire preuve de la plus grande vigilance sur tout le territoire nigérien. Toutes les frontières terrestres et les aéroports sont actuellement fermés. Il est recommandé de se tenir informé de l’évolution de la situation avant de planifier des voyages dans le pays, de se tenir à l’écart de tout rassemblement ou manifestation et de respecter le couvre-feu (de 22 h à 5 h).