La baisse de 4 500 salariés dans la construction enregistrée entre 2023 et 2024 plombe aussi l’emploi dans l’artisanat. Le secteur dans son ensemble croit cependant à un rebond.
Les signes envoyés par la Chambre des métiers sont un peu contradictoires. D’un côté, l’artisanat a enregistré une baisse «inédite» de l’emploi, passant de quelque 107 000 employés fin 2023 à 103 334 employés fin 2024.
«Depuis 1970, l’artisanat a vu son emploi total croître à un rythme annuel moyen de 3 % (…) Néanmoins, 2024 a été marqué par une rupture de cette croissance de l’emploi, en affichant une baisse de 4 %», est-il évoqué dans le rapport sur les chiffres clés d’un secteur qui reste toutefois la «colonne vertébrale» de l’économie luxembourgeoise, représentant 20 % de l’emploi et comptant 9 100 entreprises (19 % du total national). Sur l’année écoulée, 176 nouvelles sociétés ont été créées.
La dynamique s’est cassée
Le fait que l’emploi reste au-dessus de la barre des 100 000 postes (contre 72 900 en 2010 et 99 800 en 2020) a certainement permis de limiter la casse. La crise de la construction a cependant lourdement contribué à la baisse de 3 747 emplois.
Les 490 non salariés supplémentaires (gérants et aidants familiaux) contrebalance légèrement la perte de 4 156 salariés (tous métiers confondus). «Entre 2010 et 2023, le secteur enregistrait une progression annuelle moyenne de 2 620 emplois, soulignant désormais l’impact effectif des crises économiques récentes sur le marché de l’emploi», note la Chambre des métiers.
Dans le domaine du bâtiment, la variation négative entre 2023 et 2024 se chiffre à 4 586 salariés et 143 entreprises de construction en moins. Le gros œuvre et le génie civil comptaient fin 2024 encore 1 099 entreprises (-7 % sur un an) et 19 101 ouvriers (-11 %).
Les 1 114 entreprises actives dans les installations techniques du bâtiment (-2 %) occupaient 17 406 salariés (-3 %). Ils étaient 4 517 employés (-6 %) occupés dans le secteur de fermeture du bâtiment, composé de 490 entreprises (-1 %). Pour finir, le parachèvement occupait 990 entreprises (-4 %) et 10 199 salariés (-11 %).
Si la situation sur le marché de l’emploi se détend un peu (lire ci-contre), la confiance ne revient que lentement dans le secteur. «Les chefs d’entreprise (…) prévoient une amélioration de la situation au 2e trimestre 2025, mais l’indicateur d’activité reste en dessous de la moyenne décennale», met en garde le rapport.
Il y est ajouté que «les mesures gouvernementales et le relâchement des politiques monétaires n’ont pas encore suffi à stimuler efficacement la demande, notamment dans le logement neuf (VEFA)».
Un manque de place, et de successeurs
L’artisanat dans son ensemble a deux autres préoccupations majeures. La première est le manque de terrains dans les zones d’activité régionales et communales.
«Une enquête récente a révélé que beaucoup d’artisans n’arrivent toujours pas à trouver un site d’implantation adéquat, freinant leur développement économique», déplore la Chambre des métiers. Le besoin est estimé à 68 hectares.
Présent hier matin lors de la présentation des chiffres clés, le ministre de l’Économie, Lex Delles, a souligné qu’une de ses priorités est «de repenser les zones d’activité économiques, afin de favoriser l’accès des entreprises au foncier».
La transmission d’entreprise est un autre problème qui se profile à l’horizon. «En 2024, 47 % des chefs d’entreprise âgés de 50 ans ou plus doivent envisager une transmission, représentant un ensemble d’entreprises comportant 51 % des salariés du secteur.
Cela souligne leur importance dans le maintien de la dynamique économique artisanale. Avec plus de 1 500 chefs d’entreprise ayant dépassé les 60 ans, la recherche de successeurs compétents devient une priorité.
Cette régénération économique pourrait impacter près de 16 400 salariés dans un avenir proche», énumère la Chambre des métiers. Elle propose de favoriser les transmissions en famille ou à un salarié de l’entreprise.
Dans le même temps, la pyramide des âges montre qu’au cours des dix prochaines années, de 24 000 à 28 000 départs en retraite devront être remplacés, représentant environ un quart des salariés actuels du secteur. «Cette situation pose un défi majeur en termes de transmission des savoir-faire», complète le rapport.
«Un secteur qui a le vent en poupe»
Malgré tout, l’artisanat se voit comme «un secteur qui a le vent en poupe». La transition environnementale et énergétique permet aux entreprises artisanales de reprendre pleinement leur rôle de «bâtisseurs de demain», comme le souligne Tom Oberweis, le président de la Chambre des métiers.
«Les artisans participent activement à la rénovation énergétique des bâtiments, améliorant l’efficacité énergétique, et l’installation de systèmes d’énergie renouvelable, visant une réduction des émissions de gaz à effet de serre», rappelle la Chambre des métiers.
«Face aux défis actuels, les entreprises artisanales souffrent beaucoup de l’imprévisibilité. En tant que bâtisseurs de demain et porteurs d’avenir, les chefs d’entreprise sont prêts à prendre les responsabilités qui leur valent la confiance de leurs clients, de leurs salariés et de la communauté locale», met en perspective Tom Oberweis.
Le chômage des ouvriers du bâtiment tend à la baisse
Malgré la perte de 4 200 emplois sur un an dans le domaine de la construction, la situation sur le marché de l’emploi des travailleurs du secteur s’améliore légèrement. Interpellé hier à la Chambre par le député André Bauler (DP), le ministre du Travail, Georges Mischo, a indiqué que, fin mars, 1 415 chômeurs cherchaient un emploi dans le domaine de la construction.
Il s’agit d’une baisse de 10,4 % par rapport à mars 2024. Les ouvriers occupés dans le gros œuvre profitent le plus de cette reprise, avec une baisse de 21,4 % des demandes d’emploi.
Par contre, le nombre de postes vacants évolue moins positivement. Fin mars, 419 ouvriers du bâtiment étaient recherchés, soit 25,7 % de moins sur une année. Courant mars, 160 nouveaux postes disponibles ont été déclarés à l’Adem, ce qui correspond à une baisse de 41 %.
«Malgré une légère reprise, le secteur de la construction reste confronté à des défis substantiels en cette année 2025. Les entreprises sont 60 % à indiquer que la demande se trouve à un niveau insatisfaisant. Cela rappelle la crise financière de 2009», affirme Georges Mischo.