Les banques se réfugient derrière le secret, le CA de la fondation refuse de communiquer des documents, et les députés commencent à perdre patience. La commission spéciale patauge.
Il ne se passe pas un jour sans que l’affaire Caritas trouve une place dans l’actualité. Il y a en premier lieu la commission spéciale, qui continue d’auditionner les différents acteurs impliqués dans le désastre de l’ONG, mise à genou par le détournement de 61 millions. Les réunions se suivent, mais ne se ressemblent pas. Certains interlocuteurs sont plus loquaces que d’autres.
Ainsi, mercredi, les députés ont pesté contre les représentants de la BGL-BNP-Paribas, qui leur ont fait clairement perdre leur temps. Si la prestation de la BCEE, deux jours plus tôt, ne leur avait pas apporté les réponses attendues, la directrice, Françoise Thoma, avait passé deux heures à leur expliquer qu’elle était ouverte au dialogue, mais tenue au secret bancaire. Elle aurait bien voulu se défendre face aux accusations du CA de la fondation Caritas, mais elle ne le pouvait pas.
La BGL s’est contentée de dire, comme la BCEE avant elle, qu’aucune faute n’avait été commise de sa part et pour le reste, le secret bancaire prévaut. Les députés ont donc été une nouvelle fois informés que «le système fonctionne» et ont eu droit, comme deux jours auparavant, aux procédures suivies par les banques, qui répondent à toutes les règles que leur imposent les législations européenne et nationale.
Ces procédures se serviraient notamment de l’intelligence artificielle pour détecter les mouvements de fonds potentiellement irréguliers en fonction du profil et des «comportements transactionnels» des clients, selon le résumé de la réunion de la commission spéciale. Les représentants de la BGL ont également indiqué la mise en place en Europe, en 2025, d’une vérification automatique de la correspondance entre l’IBAN et le nom du bénéficiaire d’une transaction, ce qui constituerait «une évolution importante».
La commission spéciale a toutefois été informée qu’aucun contact n’avait eu lieu entre la banque et des représentants du gouvernement au sujet de la question sensible des cessions de créances. «Ce thème est lié au risque évoqué de voir les banques exiger le remboursement de leurs créances dès le moment où l’État aurait réinjecté des fonds dans la Caritas après la découverte de la fraude», indique la commission dans son rapport de la réunion.
Toujours en rapport avec le dossier, la commission spéciale s’est vu refuser l’accès aux procès-verbaux des réunions du conseil d’administration de la Caritas. Dans un courrier dont Le Quotidien a pris connaissance, le CA réaffirme ne pas avoir été mis au courant avant le 16 juillet des «flux financiers suspects» et contredit ainsi le témoignage de l’ancien directeur des opérations, Tom Brassel. Ce dernier avait confié à nos confrères de 100.7 avoir informé Pit Bouché, membre du CA, des doutes qui l’envahissaient concernant les lignes de crédit que la directrice financière lui avait demandé de contresigner. Son interlocuteur n’aurait pas réagi, selon lui.
Dans son courrier adressé à la commission spéciale, le CA s’offusque de cette déclaration et répète n’avoir été averti que le 15 juillet 2024. «Nous nous réservons naturellement tous droits à cet égard», écrit le CA comme une menace à l’encontre de Tom Brassel. Les membres de la direction participaient aux réunions des conseils d’administration et celles du 11 mars 2024 et du 13 mai 2024 comportaient à l’ordre du jour, comme toujours, des points relatifs à l’«cctualité», la «compliance», les «irrégularités» et les «fraudes/litiges», ceci afin de permettre aux conseils d’administration «d’obtenir les informations nécessaires et aux membres de la direction de faire part de toute inquiétude éventuelle».
Pit Bouché au rapport
Dès le 15 juillet, «les conseils d’administration des entités concernées ont pris les mesures nécessaires et ont exigé des explications détaillées pour le lendemain»., explique le CA de la fondation dans son courrier.
Pit Bouché, vice-président du conseil d’administration de la Caritas, devrait être invité à répondre aux questions des membres de la commission spéciale Caritas le lundi 12 mai. D’ailleurs, les membres des conseils d’administration de la fondation Caritas Luxembourg et de Caritas Accueil et Solidarité sont prêts à se présenter une nouvelle fois devant la commission s’il devait y avoir des questions supplémentaires.
Il y en aura sans doute, ne serait-ce que pour éclaircir la position de l’archevêque Jean-Claude Hollerich qui, selon l’enquête de 100.7, n’aurait eu aucune volonté de sauver Caritas et n’aurait pas dit toute la vérité sur son rôle dans le naufrage de l’ONG.
Mais pour l’heure, le CA ne saurait donner les comptes rendus de leurs réunions aux députés, car «en l’état actuel des procédures en cours», il n’est pas en mesure de transmettre les documents demandés, écrit-il.