Le dernier rapport «Travail et cohésion sociale» du Statec révèle que le risque de pauvreté touche toujours plus de ménages. Les allocations et les aides diverses permettent d’éviter le pire.
La cohésion sociale est sous pression à la suite des crises successives. Le Statec a épluché les données qui lui permettent d’arriver à ce constat. Dans son rapport «Travail et cohésion sociale», il retient dix chiffres qui peuvent le résumer et qui démontrent la fragilité d’une partie de la société, surtout quand il est établi, d’entrée de jeu, qu’un couple avec un enfant en bas âge a besoin d’un budget mensuel minimum de 3 600 euros pour vivre de manière adéquate au Luxembourg.
Plus l’enfant grandi, plus ses besoins augmentent. Les allocations parviennent à couvrir 100 % des besoins minimums d’un enfant de moins de six ans, mais moins de 50 % pour les besoins d’un adolescent. Le budget minimum direct des enfants varie selon leur âge, de 332 à 744 euros par mois. Un couple avec trois enfants doit gagner au moins 5 186 euros pour vivre décemment, sans faire de folie. Le Revis, combiné à tous les transferts sociaux éligibles, permet aux ménages avec enfants d’entièrement subvenir à leurs besoins de base, selon les budgets de référence.
Le Statec souligne que dans la réalité, les ménages ne peuvent pas toujours utiliser à leur guise la totalité de leur revenu dit «disponible». Toute une série de dépenses s’imposent à eux, (électricité, logement, télécommunications, etc.) appelées «dépenses pré-engagées qui représentaient en moyenne 36 % du budget en 2021. Pour les 10 % des ménages les moins aisés, ces dépenses pré-engagées représentent même près de la moitié de leur revenu disponible». «En 2021, le revenu arbitrable s’élevait à 4 185 euros en moyenne par mois et par ménage, alors que le revenu disponible moyen dépassait 6 000 euros par ménage. On sous-estime les inégalités et la pauvreté entre ménages lorsqu’on les évalue uniquement à partir du revenu disponible», relève le Statec dans son rapport.
La pauvreté progresse en 2021, d’après les prévisions du Statec. Le seuil de risque de pauvreté, qui est obtenu en prenant 60 % du niveau de vie médian, serait de 2 177 euros par mois et par adulte. Or une personne seule touche 1 908 euros par mois de pension minimum personnelle et le Revis, pour une première personne adulte, s’élève à 1 544 euros. Le Statec calcule qu’en 2021, ce seraient donc 115 980 personnes qui vivraient en dessous du seuil de risque de pauvreté monétaire, une hausse de 0,7 % par rapport à 2020 et le taux s’établit aujourd’hui à 19,2 % de la population. «Cependant, ce taux de risque de pauvreté tombe à 7,3 % si on tient compte de la fortune et de la consommation, à côté du revenu disponible», précisent les auteurs du rapport.
Le système socio-fiscal luxembourgeois est bien distributif, analyse le Statec. Les ménages les moins aisés bénéficient plus des prestations sociales qu’ils ne contribuent par leurs prélèvements obligatoires. Les prestations représentent 46 % du revenu brut des 10 % des ménages les moins aisés, contre seulement 11 % de celui des ménages les plus aisés.
Égalité salariale atteinte
L’emploi salarié s’est bien remis de la crise sanitaire, mais les perspectives pour 2022 sont moins favorables, prévient le Statec. Ce sont surtout les secteurs de l’industrie et les activités du commerce, du transport, de l’hébergement et de la restauration qui connaissent plus de difficultés à voir le bout du tunnel.
La croissance de l’emploi salarié des frontaliers est dans son ensemble plus vigoureuse que celle des résidents. Le Statec relève une particularité du marché du travail à l’heure actuelle : un nombre record de postes vacants sont disponibles au 2e trimestre 2022, et ce pour quasi tous les secteurs. Ceci prouve les difficultés croissantes que les entreprises rencontrent pour recruter et témoigne aussi d’une certaine inadéquation de l’offre à la demande.
Au 2e trimestre 2022, 34 % des actifs ont effectué du télétravail. Les branches de l’administration publique, des activités financières et d’assurance connaissent une envolée exceptionnelle du télétravail. Le Luxembourg est aux premiers rangs du travail à domicile en comparaison européenne, après les Pays-Bas et avant la Suisse et la Finlande.
La bonne nouvelle se situe au chapitre consacré à l’égalité salariale. D’après le «Gender Pay Gap», l’égalité salariale entre hommes et femmes est en moyenne atteinte au Luxembourg. Le salaire médian des femmes dépasse même celui des hommes, mais des écarts importants subsistent dans certaines branches d’activité.
Le Statec s’est intéressé à la situation des immigrés sur le marché du travail luxembourgeois. Un tiers d’entre eux exercent un travail plus exigeant au Luxembourg qu’avant leur migration, et même 43 % de ceux qui possèdent un diplôme universitaire. Seuls 10 % des immigrés exercent un travail moins exigeant au Luxembourg qu’avant leur migration. Selon les enquêtes menées, sept immigrés sur dix n’ont pas rencontré d’obstacles pour obtenir un emploi adéquat à leur niveau d’études, pour un sur dix les compétences linguistiques ont été la principale barrière. Plus de la moitié des immigrés ont suivi un cours de langue.
Sans surprise, les Luxembourgeois sont de plus en plus nombreux à quitter le pays pour élire domicile dans un des trois pays limitrophes.
Ce ne sont pas les crises, c’est la compréhension des gens que la croissance de la population ne garantit plus la prospérité (et surtout la propriété privée). C’est la compréhension des gens que le système est pourri.