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La BCE laisse ses taux inchangés, une première depuis juillet 2022


(Photo : AFP)

La Banque centrale européenne (BCE) a laissé ses taux inchangés jeudi, après dix hausses d’affilée, une pause nécessaire et attendue le temps d’évaluer l’impact du resserrement monétaire au moment où l’inflation ralentit en zone euro.

Le principal taux directeur rémunérant les dépôts, référence pour le crédit en zone euro, a ainsi été maintenu à son niveau historiquement haut de 4,00%, qu’il avait atteint en septembre. Depuis la dernière réunion de la BCE en septembre, achevée sur une décision à l’arraché de relever encore les taux, l’inflation a accentué son repli, tandis que la conjoncture économique s’assombrit en zone euro.

« L’inflation s’est inscrite en net recul en septembre », ont noté les gardiens de l’euro à l’issue de leur réunion tenue hors-les-murs à Athènes. Mais « elle devrait toujours rester trop forte pendant une trop longue période » au regard de l’objectif d’une inflation à 2%, ont-ils ajouté.

Pour la BCE, il semble donc urgent d’attendre et de voir comment les taux vont continuer à peser sur l’économie et sur les prix. La pause dans le resserrement monétaire devrait également permettre de mieux évaluer l’effet des tensions géopolitiques liées à la guerre entre Israël et le Hamas, qui font craindre une flambée du coût du pétrole et de l’énergie.

La présidente de la BCE, Christine Lagarde, avait laissé entendre ces dernières semaines que la trajectoire de hausse des taux sans précédent, amorcée en juillet 2022, touchait à sa fin et que l’institution de Francfort allait entrer dans une phase de stabilisation.

Tensions sur les taux

Les données économiques publiées ces dernières semaines ont aussi plaidé pour laisser les taux inchangés, avec une activité faible qui pointe vers une contraction du produit intérieur brut de la zone euro au troisième trimestre. L’inflation a, de son côté, surpris à la baisse, passant de 5,2% en août à 4,3% en septembre, en glissement annuel, pour revenir à son niveau d’octobre 2021.

La progression de l’indice a été plus que divisée par plus de deux depuis le record de 10,6% sur un an en octobre 2022, quand les effets de la guerre en Ukraine sur les prix du gaz et du pétrole se faisaient sentir à plein.

La croissance des crédits accordés au secteur privé en zone euro a de nouveau fortement ralenti en septembre, preuve que les hausses de taux, qui renchérissent le coût du crédit pour les ménages et les entreprises, continuent de produire leur effet.

Cependant, « les risques de regain d’inflation demeurent et ont augmenté » en raison de la crise au Proche-Orient qui pousse déjà les prix du pétrole et du gaz à la hausse, souligne Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste à la KfW.

Parmi les raisons de ne pas en rajouter sur les taux figure la forte hausse des rendements obligataires qui participe au durcissement des conditions financières pour l’économie.

Lors de la conférence de presse, qui devait commencer à 12H45 GMT, Mme Lagarde pourrait exhorter les Etats à adopter une politique budgétaire plus stricte, afin d’aider à la baisse des taux d’intérêt et alléger les tensions sur les rendements des obligations souveraines, notamment sur l’emprunt italien.

De la pause au plateau

La pause décidée jeudi « ne préjuge en rien de la suite », estime Franck Dixmier, analyste d’Allianz Global Investors. Cela signifie que Mme Lagarde devrait laisser « ouverte l’option de futures nouvelles hausses de taux », selon Jack Allen-Reynolds, de Capital Economics.

« Il est trop tôt pour baisser les taux d’intérêt », abonde Clemens Fuest de l’institut IFO. « Pour cela, l’inflation doit continuer à baisser. En raison notamment des accords salariaux élevés et des risques liés aux prix de l’énergie, il n’est pas garanti que cela se produise. »

En décembre, l’institution monétaire pourra décider en fonction des derniers chiffres d’inflation et d’un nouveau jeu de projections économiques à l’horizon 2026. Si l’inflation poursuit lentement son recul, la « pause » pourrait alors se transformer en « plateau », selon l’expression qui commence à être employée par des économistes, avec une première baisse des taux attendue au plus tôt dans la seconde moitié de 2024.