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La 13e chambre criminelle pieds et poings liés face à Nesat


Le procès de Nesat devait enfin commencer après de nombreux reports, mais le prévenu a prétendu ne pas avoir reçu son dossier en prison.

Les audiences du procès de Nesat se suivent et se ressemblent. Toutes se terminent invariablement par une remise. Le prévenu joue avec les nerfs du tribunal et de sa victime présumée.

Cette fois-ci devait être la bonne : le procès de Nesat devait enfin commencer après de nombreux reports. Le parquet avait convoqué deux interprètes – un serbe et un anglais – et le prévenu avait récupéré son avocat qui avait jeté l’éponge en pleine audience le 30 janvier. Mais une fois de plus, le Serbe de 45 ans a usé et abusé des droits de la défense au détriment de sa jeune victime présumée, de sorte que le procès a dû être repoussé sine die par la présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Elle avait pourtant prévenu il y a un mois : «Un jour, l’affaire sera prise et on arrêtera de jouer.»

Mardi matin, Nesat a continué sur sa lancée déjà mainte fois éprouvée depuis sa demande d’opposition à un jugement de 2019. Cette année-là, le tribunal le condamnait par défaut à une peine de cinq ans de prison pour avoir commis, avec les circonstances aggravantes de violences et de menaces, un attentat à la pudeur sur une fillette dans un foyer de réfugiés à Foetz le 3 février 2016. Au moment où tombait la sentence, Nesat était à Belgrade. Considéré comme fugitif, il intégrait la liste des prédateurs sexuels les plus recherchés d’Europe en octobre 2020 avant de négocier son retour au Luxembourg, puis de s’opposer à sa condamnation. Son nouveau procès était fixé aux 15 et 16 juin 2021. Les remises se sont enchaînées depuis.

L’homme ne semble pas pressé de sortir de détention et trouve des moyens pour que son procès soit sans cesse ajourné. Après être venu à bout d’une dizaine d’avocats, il a étrenné à peu près tous les interprètes dont dispose le tribunal en serbe et en anglais et continue de prétendre ne pas savoir exactement de quoi il est accusé. La faute aux traducteurs pas suffisamment fiables et à l’appareil judiciaire. Son dossier ne lui aurait, assure-t-il pour la énième fois, pas été transmis en prison dans une langue qu’il maîtrise. C’est à en perdre son latin. En janvier dernier, la représentante du parquet avait pris soin de noter ses desiderata et promis de faire en sorte qu’ils soient respectés.

«Le prévenu conteste avoir reçu une traduction de son jugement en prison. Le parquet doit prouver le contraire», annonce, un brin agacée, la présidente de la chambre criminelle avant de suspendre l’audience pour laisser le temps à la magistrate de rassembler des preuves. Sans preuve du contraire, l’issue de cette journée d’audience paraissait inéluctable et dictée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Un article que Nesat connaît sur le bout des doigts qui dispose que le prévenu doit, entre autres, être informé dans une langue qu’il comprend et de manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation qui est portée contre lui. Il doit également pouvoir être assisté d’un interprète s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience.

Victime de chantage

Le tribunal, dans un souci d’équité et en vertu de la présomption d’innocence, n’a d’autre choix que de faire droit aux demandes formulées par la défense. Même si, dans le cas présent, le procès s’éternise et qu’une jeune fille de quinze ans attend que son agresseur présumé soit jugé définitivement. Dans cette affaire, les droits de la défense priment ceux de la victime, même si le comportement du prévenu ne plaide pas en sa faveur.

La magistrate, essoufflée, annonce finalement qu’elle ne pourra pas obtenir de preuves dans la matinée, même si «le greffe du tribunal est certain d’avoir annexé le dossier à la citation à comparaître». Il faut la chercher dans les archives du parquet général, le centre pénitentiaire n’ayant pas noté en détail les pièces reçues par le prévenu. En outre, le tribunal n’a pas été correctement saisi, a fait remarquer la juge, qui a eu tout le temps de la suspension pour relire la citation à comparaître de Nesat. «Nous sommes également saisis d’infractions pour lesquelles le prévenu a été acquitté lors du premier jugement. Il faudra refaire une nouvelle citation», précise-t-elle à la parquetière une fois de plus occupée à noter scrupuleusement les demandes du prévenu.

«Je veux une traduction en serbe rédigée en alphabet cyrillique. C’est ma langue maternelle», insiste Nesat. «Que les documents essentiels du dossier lui soient traduits. Le reste lui sera transmis en serbo-croate et en anglais», ordonne la juge, qui fait notamment allusion au jugement de 2019, à l’arrêt de 2021 lui donnant droit à un nouveau jugement et à l’expertise de crédibilité de sa victime présumée.

Le prévenu nie les faits et se dit victime du chantage d’une gamine alors âgée de sept ans. Il aurait attiré la fillette dans sa chambre pour lui faire subir des actes sexuels après lui avoir fait porter des vêtements de son épouse. Selon lui, la gamine aurait profité qu’il dormait pour s’introduire dans la pièce, mettre les vêtements, allumer une cigarette et boire de sa bière avant de le menacer de l’accuser d’attouchements s’il la dénonçait.