Accueil | A la Une | Konscht am Gronn : «Comprendre l’art, c’est écouter ses émotions»

Konscht am Gronn : «Comprendre l’art, c’est écouter ses émotions»


Hier, le pont de l’Alzette a pris des airs de Montmartre. (Photos : didier sylvestre)

Organisé chaque premier dimanche du mois, de mai à octobre, le «Konscht am Gronn» s’est installé ce dimanche dans le quartier bucolique du Grund. Malgré la pluie, artistes et visiteurs se sont réunis autour de l’art.

Accéder au «Konscht am Gronn» se mérite. L’exposition artistique, fondée en 2006, ne se tient pas dans le quartier le plus accessible de la capitale. Nichée dans le Grund, son accès demande aux visiteurs de descendre dans la ville basse, jusqu’à la rue Münster, qui est traversée par l’Alzette. D’en haut, l’effort paraît colossal. D’en bas, les efforts physiques sont rapidement oubliés. Le cadre bucolique, dominé par les casemates du Bock, offre une perspective tout autre de Luxembourg. Hier, comme tous les premiers dimanches du mois de mai à octobre, l’évènement qui se tient sur le célèbre pont de la rue Münster a ajouté encore davantage de charme aux lieux. «Chaque fois que ça se déroule, ça me fait penser à Montmartre», souffle Emma, une habitante du quartier. Comme elle, des dizaines de personnes affronteront pluie et vent au cours de la matinée et déambuleront à la découverte des artistes et de leurs œuvres.

La passion de transmettre

«Le dessin, ça a toujours été ancré en moi. C’est une passion profonde, qui prend forme lors de la transmission, comme aujourd’hui.» Le premier des 34 stands arpentant le pont est tenu par Magdalena Goetz. C’est la deuxième fois que l’artiste-peintre de 44 ans participe au «Konscht am Gronn». Malgré la pluie battante, elle n’a pas hésité une seconde à répondre à l’appel du jour et revenir à nouveau cette année. «J’ai découvert cette exposition à ciel ouvert l’an dernier, et ça a été un énorme coup de cœur. Cela permet de faire sortir l’art dans la rue, loin des sites réservés aux connaisseurs.» L’Homécourtoise de naissance affirme que l’avis du public est élémentaire quant à la construction de ses œuvres. Elle s’en imprègne pour perfectionner son travail. En dépit d’une météo peu clémente, le positionnement de son stand lui octroie l’intérêt des passants. Ses peintures, éclectiques et soudaines, sont source de questionnements chez ces derniers. «Lorsque cela arrive, c’est que mon inspiration suscite l’intérêt. Dans ce cas, j’ai déjà gagné mon pari, qui est d’expliquer et de transmettre.»

Tout le long du pont, une multitude d’artistes internationaux sont représentés. Les styles sont divers, allant de la peinture, du dessin à la photographie, en passant par l’art numérique jusqu’aux sculptures en bois et fer forgé. Les visiteurs s’arrêtent, observent, questionnent, jusqu’à trouver la création qu’ils décideront d’emporter à la maison. Un choix qui est souvent décidé non par la connaissance de l’art, mais davantage par les ressentis profonds. C’est ce que nous explique Marie-Christine Faust.

Il n’y a pas besoin d’avoir un bac+10 pour apprécier un tableau

Peintre depuis 30 ans, l’artiste résidente de Lorry-lès-Metz est une habituée de l’évènement. Depuis quatre ans, elle profite d’un cadre qu’elle décrit comme «le plus bel endroit du Luxembourg» pour présenter et vendre ses réalisations. Néanmoins, pour elle, l’important n’est pas là. «Au travers de l’art, il y a de l’humain. Tout d’abord l’œuvre, de l’artiste, puis la compréhension, du public. Au milieu, il y a l’échange et la transmission, pour lesquels on travaille.» Cette année, faire un choix sur ce qu’elle présenterait ne fut pas une tâche simple. La sexagénaire a finalement opté pour une série portant sur la quête du bonheur, à travers les Jeux olympiques. Une thématique universelle, emmenée par une actualité mondiale. Une façon pour la Française de toucher un large public, dont le visage est bien différent de celui des expositions traditionnelles.

Vingt-sept artistes ont exposé leurs œuvres le long de la rue Münster.

Évènement cosmopolite et intergénérationnel

«Je ne connaissais pas l’évènement. Je suis tombé dessus en me promenant, mais j’ai passé un très bon moment.» Originaire d’Alsace, Alain réside au Luxembourg. Comme la majeure partie des visiteurs interrogés, le retraité en aéronautique ne se revendique pas comme étant un «passionné d’art». Néanmoins, l’ambiance familiale et chaleureuse qui règne ici lui a donné envie de s’arrêter et de discuter avec les exposants. C’est aussi la force du «Konscht am Gronn» : une exposition gratuite et ouverte à tous, animée par un public cosmopolite et intergénérationnel. En cette période estivale, de nombreux touristes rôdent dans les lieux.

C’est le cas de Niam et Blenda. Ces jeunes touristes suédois profitent de l’été pour traverser l’Europe, avec une escale au Grand-Duché. Tous deux étudiants en informatique, le couple s’est laissé porter par la foule jusqu’à arriver rue Münster. «On a vu un groupe de touristes s’y rendre, alors on a suivi le pas.» L’un comme l’autre ne sont pas des habitués des expositions et autres inaugurations artistiques. Toutefois, la particularité du «Konscht am Gronn» semble leur plaire. «Chaque artiste est différent, mais force de proposition. C’est chouette d’avoir une exposition dans un tel cadre. Cela permet à chacun de s’ouvrir à l’art, de façon inattendue. C’était une belle surprise.»

Malgré la pluie, les passants prennent le temps de s’arrêter aux différents stands.

Un plaisir partagé par les principaux acteurs du jour, qui semblent apprécier cette clientèle internationale. «Beaucoup de visiteurs sont des gens de passage, principalement en vacances. Ils sont très curieux, et cela nous permet de nous confronter à des regards différents, que ce soit en termes de connaissances, mais aussi d’un point de vue culturel», remarque Grégory Dupont, artiste sculpteur. Des regards différents de ceux des véritables passionnés, mais pas moins intéressants pour autant. «À trop s’enfoncer dans une discipline et à côtoyer des personnes dans la même optique, on en oublie parfois les bases mêmes. Aucune question n’est simpliste, bien au contraire. La variété du public en termes d’échelle d’éducation artistique, c’est ce que j’apprécie le plus ici», poursuit-il.

C’est pour cette raison qu’il revient inconditionnellement chaque année, depuis 2019. Une habitude qu’il fera perdurer en 2025. Mais le Meurthe-et-Mosellan n’en est pas encore là. «À chaque édition, on a le plaisir de se retrouver entre artistes, mais aussi avec le public. Aujourd’hui, la fréquentation est moindre avec la pluie. Mais il reste deux dates cette année, alors on aura l’occasion de se rattraper.» Le rendez-vous est pris : le «Konscht am Gronn» se poursuivra les dimanches 1er septembre et 6 octobre prochains.

Le musée national d’Histoire naturelle se joint à la fête

L’exposition du «Konscht am Gronn» n’est pas la seule animation de la rue Münster. Le musée national d’Histoire naturelle (MNHN) ouvre gratuitement ses portes de 10 h à 18 h à chaque édition de l’évènement. Une manière de prolonger le plaisir de découverte et de curiosité des participants. Par ce temps pluvieux, le site a logiquement été pris d’assaut dès le matin. À travers ses trois étages, petits et grands ont pu se plonger dans les différentes expositions permanentes, qui abordent les origines de la Terre, de la vie, mais aussi les mystères qui règnent encore autour de nous. Au premier étage, Lucas, 12 ans, s’interroge sur la mouvance perpétuelle de la planète. «Je ne savais pas qu’avant, le Luxembourg se trouvait au fond de la mer, avec plein de sable blanc.»

Une remarque innocente qui amuse son papa, précisant que cela est principalement dû à la tectonique des plaques. Plus haut, le jeune blondinet ne cesse d’être surpris. «Ils disent qu’à Rumelange, il y avait des massifs de corail», s’écrie-t-il. La petite famille se prendra au jeu des différentes activités éducatives et interactives proposées, afin de mieux comprendre les enjeux environnementaux de notre époque. Elles permettent aussi de découvrir la richesse naturelle du Luxembourg et d’autres régions du monde, ainsi que l’importance de leur conservation. Si vous êtes intéressé, profitez de la gratuité du musée lors des deux prochains rendez-vous du «Konscht am Gronn».