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Justice : ils ont échangé leurs Rolex, l’une était une contrefaçon


L’heure des comptes a sonné pour Daniel, soupçonné d'avoir vendu une contrefaçon pour acquérir un modèle original. 

Rolex, la marque fait rêver. Certains perdent le sens des réalités quand il s’agit d’en acquérir une, au point de devenir des proies faciles. Même les amateurs les plus avisés.

Yannick, 23 ans, a une connaissance encyclopédique des montres. Pourtant, il y a quatre ans, cela ne l’a pas empêché d’acheter une fausse Rolex à Daniel, pensant faire une bonne affaire. Daniel accuse également le jeune homme de lui avoir remis une contrefaçon.

«J’avais trouvé la montre sur Chrono24, un site de vente de montres qui prend des commissions et vérifie qu’il ne s’agisse pas de contrefaçons», explique Yannick. «Comme le vendeur et moi-même étions au Luxembourg, nous avons décidé de nous rencontrer pour éviter de payer la commission et les frais de livraison.» Daniel et lui décident donc de se passer des garanties de sécurité offertes par le site. Le prévenu propose un échange : la Rolex Pepsi appartenant à Yannick plus 1 500 euros, contre la Rolex Submariner de Daniel. Le troc a lieu sur un parking à Bettembourg, sans même qu’un contrat de vente soit conclu. Les deux protagonistes s’accusent mutuellement d’avoir refusé de sacrifier à cette formalité.

«Immédiatement après l’échange, j’ai eu une mauvaise intuition. J’ai alors téléphoné à Daniel, qui n’a pas répondu. Je suis allé chez mon horloger, qui m’a confirmé qu’il s’agissait d’une contrefaçon», a témoigné Yannick hier matin face à la 18e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Après les faits, le vendeur et prévenu dans cette affaire aurait disparu de la circulation. Il est accusé d’escroquerie. Yannick lui réclame les 1 500 euros qu’il lui a remis, en plus de la montre.

Daniel raconte avoir acheté sa montre en bord de mer durant l’été 2019. Il avait été abordé par un homme à une terrasse de café qui lui avait proposé de lui vendre sa Rolex Submariner pour quelques milliers d’euros. «Il m’a dit vouloir s’offrir un nouveau modèle. Il était bien habillé et avait l’air d’avoir les moyens d’acheter une telle montre. J’étais persuadé que c’était une vraie», a raconté Daniel qui prétend avoir voulu réaliser «un rêve». «Je n’y connaissais rien.»

Un tour de passe-passe

Alors que sa défense, assurée par Me Hellinckx, tente de le présenter comme un double victime dans l’affaire, le représentant du parquet en doute sérieusement. «Le prévenu a versé au dossier un contrat de vente dont on ne sait pas s’il est original, accompagné d’une histoire rocambolesque que j’ai du mal à croire», a estimé le procureur. «Je doute également qu’il n’ait pas su que sa montre était une contrefaçon.» Le fait qu’il ait rompu tout contact avec Yannick après l’échange – en bloquant ses appels et en changeant de numéro de téléphone – et qu’il ait voulu tracter en dehors du site internet «confirment l’escroquerie», pour le magistrat.

«La Submariner de Yannick était une originale», conclut le magistrat, pour qui le fait qu’elle ait pu être, elle aussi, contrefaite, ne change pas grand chose à la présente affaire. Il requiert une peine de six mois de prison avec sursis à l’encontre du prévenu et ne s’opposera pas à ce que le tribunal prononce un peine supplémentaire de travail d’intérêt général quand il rendra sa décision le 9 janvier prochain.

Me Hellinckx a, elle, plaidé en faveur de l’acquittement de son client au bénéfice du doute, et a longuement insisté sur la probabilité que Daniel ait, lui aussi, pu être floué par Yannick. «Nous avons effectué beaucoup de recherches et nous n’avons jamais trouvé de modèle de montre correspondant à celui que Yannick a échangé avec mon client», a expliqué l’avocat. «Le certificat d’authenticité qu’il a produit ne comporte pas non plus de numéro de série permettant de l’identifier.»

La défense avait l’intention de demander une expertise. Or, celle-ci n’est plus possible car le jeune homme a déjà revendu la montre qui lui avait été restituée par la justice. Il a cependant admis hier avoir changé le cadran original. Me Hellinckx a donc invoqué l’irrecevabilité des poursuites à l’encontre de son client pour cause de dépérissement des preuves et mis en doute la probité du jeune homme, en soulignant les divergences entre ses dépositions hier à la barre, et face aux policiers.

L’avocat a également avancé une théorie selon laquelle Yannick aurait eu largement le temps de se procurer une fausse Rolex Submariner pour la remettre aux policiers, en prétendant qu’il s’agissait de celle achetée à Daniel. «Il aurait alors pu conserver deux montres originales après qu’on lui avait restitué sa Pepsi. Mais on ne peut pas le prouver», et de rappeler qu’«au départ, Daniel avait proposé d’échanger une moto contre la Rolex Pepsi. C’est Yannick qui a insisté pour avoir sa montre.»